Iran: la présidence critique la condamnation de Jafar Panahi par la justice


Mercredi 19 Janvier 2011 - 15:22
AFP


Téhéran - Un proche conseiller du président Ahmadinejad a publiquement critiqué mercredi la condamnation du cinéaste iranien Jafar Panahi à une lourde peine de prison, ouvrant une nouvelle polémique entre l'exécutif et le pouvoir judiciaire dominé par les ultra-conservateurs.


Jafar Panahi
Jafar Panahi
"Le jugement contre (Jafar Panahi) a été prononcé par la justice, et le gouvernement et le président ne partagent pas cet avis", a déclaré le chef de cabinet du président Mahmoud Ahmadinejad, Esfandiar Rahim Mashaie, cité notamment par le quotidien réformateur Shargh.

"Nous n'approuvons pas le fait que Jafar Panahi ne puisse pas travailler pour une longue période" en Iran, a-t-il ajouté.

M. Panahi, 50 ans, a été condamné en décembre à six ans de prison pour "participation à des rassemblements et propagande contre le régime" après avoir commencé à travailler à un film sur les manifestations antigouvernementales ayant suivi la réélection contestée du président Ahmadinejad en juin 2009.

La justice lui a également interdit de réaliser des films ou de quitter le pays pendant 20 ans.

Jafar Panahi a fait appel de ce jugement qui a suscité une vague de réprobation internationale.

Connu pour ses critiques sociales grinçantes, il est l'un des cinéastes de la "nouvelle vague" iranienne les plus connus à l'étranger.

Il a notamment reçu le Lion d'or à la Mostra de Venise en 2000 pour "Le cercle" et l'Ours d'argent à la Berlinale en 2006 pour "Hors-jeu".

Il a été primé deux fois à Cannes ("Le ballon blanc", Prix de la Caméra d'or 1995, et l'"Or pourpre", Prix du Jury Un Certain Regard en 2000), où son siège de juré avait été symboliquement laissé vide lors de la cérémonie d'ouverture du dernier Festival en mai 2010, alors que le cinéaste se trouvait en prison.

Jafar Panahi avait été arrêté le 1er mars à son domicile de Téhéran avec seize autres personnes, dont sa femme et sa fille, qui ont pour la plupart été libérées. Le réalisateur est en liberté sous caution depuis fin mai.

M. Mashaie est considéré depuis des années comme la personnalité la plus proche du président Ahmadinejad, auquel il est lié par le mariage de leurs enfants. Il est généralement présenté comme ayant une grande influence sur le chef de l'exécutif qui lui a toujours apporté un soutien inconditionnel.

M. Mashaie est devenu la bête noire des ultra-conservateurs religieux du régime, qui dénoncent régulièrement ses déclarations jugées trop libérales et non conformes aux dogmes de la République islamique en matière de culture, religion, diplomatie ou libertés civiles.

Les durs du régime sont parvenus à empêcher sa nomination comme vice-président en juillet 2009, à l'issue d'un bras de fer de plusieurs semaines avec M. Ahmadinejad, en accusant notamment M. Mashaie d'avoir dit en 2008 que l'Iran était "l'ami du peuple israélien", des propos démentis par l'intéressé.

Le quotidien ultraconservateur Kayhan a vivement critiqué mercredi les propos de M. Mashaie sur Jafar Panahi, l'accusant d'avoir "remis en cause la sentence contre un accusé actif dans le mouvement de sédition", le terme utilisé par le pouvoir pour qualifier les opposants à la réélection de M. Ahmadinejad.

Plusieurs polémiques et conflits ont opposé au cours des derniers mois l'exécutif au pouvoir judiciaire dominé par les ultra-conservateurs, à propos notamment de condamnations de proches de la présidence ou de la libération de l'Américaine Sarah Shourd.

Le chef du pouvoir judiciaire iranien, l'aytollah Sadegh Larijani, avait publiquement dénoncé en août 2009 les critiques "injustifiables" du président iranien sur certaines décisions de justice.


           

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