Khodorkovski quitte la Russie, gracié par Poutine après dix ans de camp


Vendredi 20 Décembre 2013 - 16:57
AFP


Moscou - L'ex-magnat du pétrole et critique du Kremlin, Mikhaïl Khodorkovski, est sorti de prison vendredi et a aussitôt quitté la Russie, gracié par le président Vladimir Poutine après plus de dix ans derrière les barreaux.


Kremlin Mikhaïl Khodorkovski
Kremlin Mikhaïl Khodorkovski
Khodorkovski "a été libéré conformément au décret de président Vladimir Poutine", a indiqué le service pénitentiaire russe dans un communiqué.

"Il est parti en avion pour l'Allemagne, où sa mère est soignée", a ajouté ce service. Il n'était pas possible dans l'immédiat de connaître sa destination exacte en Allemagne.

Une source citée par l'agence publique Rapsi a indiqué qu'il s'agissait de Berlin, où la mère de M. Khodorkovski est traitée pour un cancer.

Un porte-parole de l'ex-milliardaire avait précédemment confirmé à l'AFP que M. Khodorkovski avait quitté le camp de détention de Segueja, une localité reculée de Carélie (nord-ouest de la Russie), à près de 700 kilomètres de Saint-Pétersbourg.

Vladimir Poutine avait annoncé jeudi contre toute attente que M. Khodorkovski, qui s'y était toujours refusé auparavant, avait sollicité une grâce.

"Guidé par des principes humanitaires, je décrète que Mikhaïl Borissovitch Khodorkovski (...) doit être libéré avant la fin de sa peine", a écrit M. Poutine dans un décret avec effet immédiat, selon le communiqué publié vendredi.

Des analystes politiques et économistes ont estimé que Vladimir Poutine cherchait à améliorer le climat des affaires, et l'image de la Russie à l'approche des jeux Olympiques de février à Sotchi, un projet de première importance pour le président russe.

Le nouveau ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, a salué dès jeudi soir une "bonne nouvelle".

L'annonce de la grâce de M. Khodorkovski a surpris aussi bien ses avocats que la famille de l'ex-oligarque qui fut un temps l'homme le plus riche de Russie.

Demande de grâce sous la pression

Le quotidien Kommersant a affirmé vendredi que M. Khodorkovski, libérable en août 2014, a accepté de présenter une demande en grâce après avoir reçu en détention la visite de membres des services secrets qui ont évoqué la perspective d'une nouvelle condamnation et lui ont raconté que l'état de santé de sa mère se dégradait.

Le Parquet russe avait évoqué début décembre à la surprise générale une nouvelle enquête contre l'ancien patron du groupe pétrolier Ioukos.

"Cette conversation, qui s'est déroulée sans la présence d'avocats, a contraint Mikhaïl Khodorkovski à s'adresser au président", ajoute Kommersant.

Le principal opposant à Vladimir Poutine, Alexeï Navalny, s'est interrogé à ce titre sur l'état d'esprit de M. Khodorkovski après cette grâce.

"Tenir le coup pendant dix ans avec une si formidable dignité. Qu'a-t-il aujourd'hui dans la tête et sur le coeur?", a-t-il écrit sur son blog.

Considéré un temps comme l'un des citoyens les plus influents de Russie, Mikhaïl Khodorkovski a été arrêté en 2003 et condamné en 2005 à huit ans de camp pour "escroquerie et fraude fiscale". Cette peine a été portée à 14 ans à l'issue d'un deuxième procès en 2010 pour "vol de pétrole et blanchiment" de 23,5 milliards de dollars, toutes accusations dénoncées comme infondées par ses avocats. La peine sera ensuite réduite à 11 ans.

Pour les défenseurs des droits de l'homme et de nombreux observateurs étrangers, Mikhaïl Khodorkovski, aujourd'hui âgé de 50 ans, a été la victime d'un règlement de comptes organisé par Vladimir Poutine. Condamné pour avoir affiché son indépendance et ses ambitions politiques, et financé l'opposition, il est devenu le symbole de la dérive autoritaire de la Russie.

Sa grâce est à rapprocher de l'amnistie adoptée mercredi, qui devrait lever les poursuites contre l'équipage de Greenpeace, parmi lesquels 26 étrangers, et libérer les deux jeunes femmes emprisonnées du groupe contestataire Pussy Riot, deux dossiers qui ont contribué à détériorer encore l'image de la Russie dans le monde.

La libération de M. Khodorkovski est "un signal très important", a déclaré l'économiste russe Sergueï Gouriev, réfugié en France après avoir été interrogé à plusieurs reprises en Russie sur ses relations avec M. Khodorkovski.

"En soi, cela ne change rien, mais cela donne de l'espoir à tous les investisseurs", a ajouté M. Gouriev dans un courriel à l'AFP, ajoutant qu'il n'avait pas pour autant l'intention pour l'instant de rentrer en Russie.

Pour le journal Vedomosti, "Poutine a plusieurs raisons pour avoir voulu résoudre le cas Khodorkovski: la dégradation de l'image de la Russie à la veille des JO de Sotchi, la stagnation de l'économie, le mauvais climat des affaires". La nouvelle de la grâce a fait monter la Bourse jeudi, a observé ce quotidien des affaires.

Le principal associé de M. Khodorkovski, Platon Lebedev, arrêté, jugé et condamné avec lui, devrait pour sa part sortir de détention en mai 2014. Son avocat a déclaré à l'agence Interfax qu'il allait évoquer avec lui la possibilité d'une demande de grâce.


           

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