L'Arctique ressemble de plus en plus à l'Antarctique


Dimanche 5 Avril 2009 - 11:14
RIA Novosti


Un chercheur russe s'est intéressé à l'état des mers arctiques et antarctiques, à leurs glaces et aux "communautés biologiques" vivant dans ces glaces. Les profondes modifications en cours l'ont amené à conclure que l'Arctique ressemble de plus en plus à l'Antarctique, rapporte le site inauka.ru.


L'Arctique ressemble de plus en plus à l'Antarctique
Les modifications survenues ces dernières années au sein des communautés biologiques des glaces arctiques ont été étudiées par Igor Melnikov, un chercheur russe de l'Institut d'océanologie Chirchov, dépendant de l'Académie des sciences russe. Il est parvenu à la conclusion que ces changements peuvent être liés aux modifications que connaît la couche glaciaire de l'Arctique, et notamment à la diminution de la superficie occupée par les glaces éternelles. Si cette tendance devait se maintenir, on pourrait assister à une restructuration de toute la structure trophique inférieure de l'océan, ce qui se refléterait ensuite immanquablement sur sa structure supérieure et toucherait toute la faune.
Tout ce que nous avons l'habitude de considérer comme un désert de glaces bouillonne de vie, en réalité, explique Igor Melnikov. Dans l'épaisseur de la glace, mais aussi à sa surface, vivent des algues, ainsi qu'une foule de petits crustacés et autres invertébrés. Toutefois, dans la dernière décennie, la composition qualitative et quantitative de la population glaciaire s'est nettement modifiée par rapport à ce qu'elle était au milieu des années 70. Ces changements, estime Igor Melnikov, sont liés à l'état de la couverture glaciaire. Dans un article où il expose le fruit de ses recherches (*), le scientifique n'aborde pas les causes de ces modifications. Mais il cite une multitude de faits témoignant de la profondeur des processus qui se déroulent dans l'Arctique.
Les faits avérés sont les suivants. En raison du réchauffement, la superficie des glaces éternelles (celles qui ne fondent pas l'été) diminue dans l'Arctique depuis le début des années 80 du siècle dernier. Au milieu des années 70, cette superficie était de 8,43 millions de kilomètres carrés. Elle n'était plus que de 7 millions en 2000, 5,32 millions en 2005 et 4,14 millions en 2007. Alors que dans les années 70, 70 à 80% de la banquise était occupée par les glaces éternelles, elles n'en représentaient plus que 30% en 2008.
Ce qui ne signifie pas que la couverture glaciaire soit en train de disparaître totalement, souligne Igor Melnikov. Il s'agit bien de la diminution de la superficie des glaces éternelles. Il y a simplement davantage d'eaux libres, qui gèlent l'hiver. Mais cette prédominance qui s'installe des glaces saisonnières sur les glaces éternelles a de sérieuses conséquences.
Plus la glace est vieille, et plus elle est épaisse et renferme une proportion importante d'eau douce. Et inversement. Dans les conditions d'un climat stable, les glaces éternelles des mers se présentent sous la forme d'un système écologique entier, constant, ayant une composition permanente d'espèces de la flore et de la faune. Son épaisseur atteint deux mètres, même en été. L'hiver, les glaces se développent vers le bas. Les organismes qui arrivent dans les couches en développement se trouvent dans des conditions de température douces, proches de la température de l'eau de mer (environ -2°), et passent bien l'hiver. Les glaces éternelles sont peuplées d'algues habituées à vivre dans leur épaisseur, capables de se déplacer dans les étroits espaces intercristallins.
L'épaisseur des glaces saisonnières - et donc, en dernière analyse, leur existence même - dépend de nombreux facteurs, dont la température du milieu environnant. Ces glaces se forment dans les eaux libres et sont peuplées par un plancton marin tombé dans cette glace en croissance comme dans un piège. L'hiver, la variété des espèces du plancton marin est pauvre, et sa quantité peu élevée ; les glaces saisonnières en sont faiblement peuplées. De plus, les planctons entrent en contact avec l'air, dont la température tombe en cette saison à -30 ou -40°, et une grande partie de ce plancton meurt de froid.
Mais en automne, quand la faible température de l'air s'accompagne d'abondantes chutes de neige, les conditions peuvent se créer pour la formation de ce que l'on appelle de la glace d'infiltration, dans laquelle les algues planctoniques se développent très rapidement. Quand la glace est encore fine et la neige abondante, la glace, sous le poids de la neige, descend sous le niveau de la mer, tandis que l'eau de mer et les algues planctoniques remontent par les capillaires de la glace vers la frontière glace-neige. La neige est un bon isolant thermique, qui laisse passer suffisamment de lumière, si bien que les algues se trouvant dans l'épaisseur de la glace d'infiltration ont d'excellentes conditions de vie.
La formation de ces glaces d'infiltration est un phénomène typiquement antarctique, en principe étranger à l'hémisphère Nord. Or, de telles glaces ont été rencontrées en 2000, pour la première fois, par le navire de recherches russe Akademik Fedorov, dans le secteur canadien de l'Arctique. Et elles pourraient devenir tout à fait communes dans l'Arctique si ce processus d'extension de la superficie des glaces saisonnières et d'augmentation des précipitations neigeuses devait se poursuivre.
Dans les mers de l'hémisphère Sud, la couverture glaciaire disparaît presque totalement durant la saison chaude, avant de se reconstituer à la saison froide. Les glaces saisonnières occupent durant les 8 mois de saison froide plus de 80% de la couverture glaciaire. Au nord de 70° de latitude sud, là où se forment les glaces saisonnières du Sud, il n'y a pas de nuit polaire prolongée. La lumière est suffisante pour maintenir la photosynthèse des algues glaciaires. Si bien qu'une grande partie des substances organiques de l'Antarctique est créée par le phytoplancton et la flore des glaces d'infiltration.
Dans l'Arctique, les conditions sont pour l'instant beaucoup plus dures, et 90% des substances organiques des régions centrales de l'océan glacial Arctique sont synthétisées par des algues provenant des glaces éternelles. Mais dans la banquise actuelle des mers arctiques, coexistent deux systèmes écologiques différents, de par leur composition et leur fonctionnement - l'un pour les glaces éternelles et l'autre pour les glaces saisonnières. La part du premier est en constante diminution, celle du second va en augmentant. Si cette tendance se maintient, les mers arctiques deviendront, avec le temps, identiques aux mers de l'Antarctique. Il pourrait s'ensuivre, conclut Igor Melnikov, une réorganisation de toute la structure trophique inférieure de l'océan, ce qui pourrait à son tour avoir des répercussions sur tous les maillons trophiques supérieurs et toucher poissons, oiseaux et autres mammifères.
-------------------------------------------
(*) Le site inauka.ru se réfère à un article d'Igor Melnikov, dont fait état l'Agence Informnauka. Cet article, intitulé "Ecosystème actuel de la glace des mers arctiques : dynamique et prévisions", a été publié dans le cadre des rapports de l'Académie des sciences russe.


           

Nouveau commentaire :

Actus | Economie | Cultures | Médias | Magazine | Divertissement