L'accord signé en Guadeloupe met fin à 44 jours de grève


Jeudi 5 Mars 2009 - 10:53
Le Monde.fr/Béatrice Gurrey


L'histoire se termine où elle a commencé. Mercredi 4 mars, dans la soirée, le Collectif LKP (Liyannaj kont pwofitasyon) a signé avec l'Etat et les collectivités locales le protocole d'accord qui a mis fin à 44 jours de grève en Guadeloupe, dans une salle du port autonome de Pointe-à-Pitre.


L'accord signé en Guadeloupe met fin à 44 jours de grève
C'est là que le 4 février, le LKP avait exposé au secrétaire d'Etat à l'outre-mer, Yves Jego, un épais cahier de doléances, dont la plupart des revendications sur la vie chère sont aujourd'hui satisfaites.
Après l'accord du 27 février sur les rémunérations, dit "Jacques Bino" – que les patrons appellent entre eux l'accord "Jacques Bingo" car il accorde 200 euros d'augmentation aux plus bas salaires –, le LKP engrange une victoire complète dans le domaine du pouvoir d'achat.
Mesure hautement symbolique, le prix de la baguette est bloqué et des négociations sont ouvertes sur le prix du pain. Les tarifs bancaires sont revus à la baisse. L'essence est moins chère. Le prix de l'eau diminue selon les communes de 3 % à 10 %. D'autres efforts concernent les transports, les loyers, l'éducation, la formation.
"C'est une étape. Un engagement qui a été pris", a averti Elie Domota, qui a coutume de dire en créole: "A chaque samedi son cochon" (à tuer). Autrement dit, le LKP procède étape par étape et ne lâchera rien.
Peu lui chaut pour l'instant que le Medef et la CGPME n'aient pas signé l'accord sur les salaires. L'Etat a tout pouvoir de l'étendre et François Fillon s'est montré très clair envers le patronat guadeloupéen, mardi, sur Europe 1 : "Il y a un accord qui aujourd'hui est acceptable par tout le monde. Il faut que le Medef accepte les augmentations qui ont été décidées et les procédures mises en place par le ministère du travail y pourvoiront."
Laurence Parisot, présidente du Medef, s'inclinait de son côté sur RTL, indiquant que des "bonus spécifiques, des primes de pouvoir d'achat" proches ou équivalents aux 200 euros réclamés seraient accordés.
"Une nouvelle page qui s'ouvre"
Il importe maintenant à M. Domota de terminer selon ses vœux les négociations avec la grande distribution sur les prix des produits de première nécessité, pour définir un "chariot de la ménagère" plus proche de celui de la métropole.
Interrompues mardi 3 mars, ces discussions auraient dû être terminées avant la signature de l'accord final, mais le LKP a choisi de terminer la grève. A Pointe-à-Pitre, la plupart des commerces ont levé le rideau depuis plusieurs jours et l'immense lycée Baimbridge a fait une deuxième rentrée scolaire mardi matin.
Le porte-parole du LKP a géré la crise avec une indéniable maestria, malgré quelques dérapages du service d'ordre. Yves Jego, éternel présent-absent depuis son retour forcé à Paris, s'est débrouillé pour figurer dans la scène par portable interposé. Dans la chaleur, le bruit et la sueur, le préfet Nicolas Desforges s'est dirigé, téléphone en main, vers Elie Domota pour lui passer le ministre. "Oui, c'est une nouvelle page qui s'ouvre", a opiné le leader du Collectif, enfoui sous les micros et les caméras. Puis, après une pause : "Oui, il faudra une remise à plat de tout le système". M. Jego s'est couché bien tard pour ce coup de fil très médiatique. A Paris, il était 1 h 30 du matin.
Dehors, une foule fervente attendait ses héros. Les dames étaient arrivées à l'avance avec leurs pliants et les parents avec leurs poussettes. On chantait, bien sûr, l'inévitable Gwadloup sé tan nou et d'autres slogans inventés pour l'occasion : "Missié préfé, 44 jours, 44 jours", "Nou ka signé, nou ka gagné" et d'autres, à base de 200 euros, de Medef ou d'hélicoptère - hélicoptère la aussi sé tan nou ! Ce moyen de transport préfectoral quotidien, depuis Basse-Terre, a aussi bien rythmé le mouvement social que les tambours du Gwo-ka.
La place ronde St-John Perse formait un forum joyeux, où fleurissaient les tee-shirts de la victoire, dont celui-ci, simple et parlant : "Konsyans 2009". Des couples ont dansé. La camionnette de Lomba a fait des affaires avec ses bokits (beignets à la viande) et ses agoulous (pains fourrés). Tout à la fin, il ne faisait plus très frais dans les glacières où reposaient les cannettes de Vaval et d'Ordinaire.
La phrase de la soirée ? "Rien ne sera plus jamais comme avant". Chacun a eu la patience d'écouter, un à un, les membres du collectif y aller de leur petit compliment sur le bel élan collectif connu depuis le 20 janvier. Même si les lendemains déchantent. Il y a eu aussi, une minute de silence, pour le père du numéro deux du LKP, Jean-Marie Nomertin, enterré le jour même, et pour le jeune motard qui s'est tué sur un barrage, de nuit.
Les politiques sont restés un peu pathétiques, sans surprise. Quant au préfet, il ne cachait pas son soulagement d'en avoir terminé : "Vous avez vu, ils n'ont tué personne, les mamblos" (garde-mobiles), a-t-il glissé au porte-parole du LKP.


           

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