L'attentat de Nice affaiblit Hollande à dix mois des élections


Mardi 19 Juillet 2016 - 09:51
Reuters - Reuters


Paris - Contrairement aux attentats de 2015, qui avaient permis à François Hollande de s'affirmer en protecteur de la Nation, l'attaque au camion de jeudi dernier à Nice affaiblit le chef de l'Etat à 10 mois de l'élection présidentielle de 2017.


Sans respecter le délai de décence d'usage, les principaux dirigeants de la droite se sont engouffrés dans la brèche révélée par un sondage publié lundi par le Figaro.

Seulement 33% des Français interrogés par l'Ifop après l'attentat de Nice disent faire confiance au chef de l'Etat et au gouvernement pour lutter contre le terrorisme, un décrochage brutal de 17 points par rapport à novembre 2015.

La lutte contre le terrorisme était un sujet sur lequel François Hollande était "encore relativement crédible", souligne le directeur du département opinion de l'Ifop, Jérôme Fourquet. "Là, c'est en train de s'effondrer."

Le directeur général adjoint de l'Ifop, Frédéric Dabi, n'hésite pas à parler de "vrai tournant" et le politologue Thomas Guénolé de "rupture fondamentale".

Illustration de l'état de l'opinion, le Premier ministre Manuel Valls a été lundi copieusement hué et sifflé, aux cris de "démission", par la foule rassemblée à Nice pour observer une minute de silence à la mémoire des victimes.

Plusieurs facteurs contribuent à alimenter le doute dans l'opinion sur la stratégie antiterroriste du gouvernement.

Ce premier attentat de masse en province, alors que ceux de janvier 2015 contre Charlie Hebdo et un supermarché juif et du 13 novembre contre une salle de spectacle et des cafés ont avant tout atteint Paris, confirme que personne n'est à l'abri. 

"Le nombre de victimes, le type de victimes, des familles venues au 14-Juillet, le fait que ce soit en province et le mode opératoire, un camion lancé dans la foule, montrent plus que jamais que cela concerne M. et Mme Tout Le Monde", souligne ainsi Jérôme Fourquet. D'où une exigence accrue de protection.

VOLTE-FACE DÉVASTATRICE

Face à l'accumulation de morts (plus de 230 en 18 mois) le discours du gouvernement sur la probabilité d'autres attentats et la nécessité pour la société française d'être "résiliente" et unie face à ce risque ne passe plus, estiment les analystes.

La coïncidence entre l'attentat de Nice et l'annonce, quelques heures auparavant par François Hollande, lors de son interview télévisée du 14-Juillet, d'une prochaine levée de l'Etat d'urgence instauré en novembre et d'un allègement du dispositif Sentinelle a été particulièrement dévastatrice.

Sa volte-face dans la foulée de la tuerie, avec l'annonce que l'état d'urgence et l'opération Sentinelle seraient en fin de compte maintenus, a "nourri un doute très profond sur la stratégie gouvernementale", estime Jérôme Fourquet.

"Cela donne le sentiment que l'exécutif est ballotté par les événements et c'est une impression qui va être de plus en plus forte chez les Français", prédit Frédéric Dabi.

Un doute déjà suscité par le recul de François Hollande sur sa promesse d'inscrire dans la Constitution la déchéance de nationalité pour les binationaux coupables de terrorisme, et accentué par l'accueil glacial réservé par le gouvernement à un récent rapport parlementaire sur la lutte anti-terroriste.

La commission à l'origine du rapport, présidée par le député Les Républicains (LR) Georges Fenech, propose une refonte des services de renseignement pour remédier à leurs lacunes.  

Le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a rejeté ses principales propositions huit jours avant l'attentat de Nice, commis par un Tunisien inconnu de ces services.

Les principaux candidats, déclarés ou potentiels, à la primaire de la droite pour l'élection présidentielle de 2017 se sont immédiatement emparés du massacre de Nice pour dresser le procès en incompétence de François Hollande et du gouvernement.

"Tout ce qui aurait dû être fait depuis 18 mois (...) ne l'a pas été", a ainsi déclaré dimanche soir sur TF1 le président de LR et ancien chef de l'Etat Nicolas Sarkozy.

"LE ROI EST NU"

Les éditorialistes des quotidiens marqués à droite se montrent aussi très sévères. Ainsi, pour Nicolas Baverez, du Figaro, "François Hollande est ridiculisé", la France "est en passe de perdre la guerre contre l'Etat islamique" et le chef de l'Etat socialiste "en porte la responsabilité première".

"Face à un constat aussi effrayant, impossible de ne pas demander des comptes", renchérit dans l'Opinion Nicolas Beytout, pour qui la cohésion nationale "ne doit pas étouffer le débat".

Les éditorialistes ne sont pas seuls à juger sévèrement le pouvoir. François Heisbourg, conseiller spécial à la Fondation pour la recherche stratégique, invite ainsi les autorités à se ressaisir, dans une tribune publiée par Le Monde.

Thomas Guénolé reconnaît une part d'injustice dans ce déchaînement de critiques mais se réjouit que l'attentat de Nice ait mis fin à une forme d'"omerta". 


           

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