L’ombre du massacre de l’Académie militaire de Tripoli plane sur la Conférence de Berlin


Lundi 13 Janvier 2020 - 12:03
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L’effroyable massacre perpétré dans l’enceinte de l’académie militaire de l’Académie militaire de la capitale libyenne, faisant 30 morts parmi les élèves-officiers, a suscité une large vague de condamnations au plan international, tout particulièrement, de la part des Etats-Unis d’Amérique, de l’Algérie, de la Turquie, de la Tunisie et de l’Italie.


La question qui se pose consiste à savoir quelle est l’étendue de la capacité du sang de ces innocents à ressusciter la conscience de la communauté internationale pour exercer une pression sur les pays soutiens de Khalia Haftar, a premier rang desquels figurent les Emirats Arabes Unis pour stopper ses massacres en Libye.

Samedi dernier, l’Académie militaire de Tripoli, a fait l’objet d’une attaque par missiles, qui a fait 30 morts et 33 blessés parmi les élèves officiers. Le gouvernement libyen d’entente nationale, reconnu par la communauté internationale, avait indiqué que l’attaque a été menée par un drone de fabrication chinoise, fourni aux milices de Haftar, par les Emirats.

Des voix se sont élevées au sein du gouvernement libyen et des institutions de l’Etat à Tripoli pour appeler à rompre les relations avec les Emirats, étant accusés d’être les instigateurs du massacre. Des parties avaient même appelé à déclarer la guerre à Abu Dhabi, qui a porté atteinte au sang des Libyens.

De son coté, Ghassan Salamé, émissaire onusien pour la Libye, a fait part de sa « fureur » après ce raid aérien, lançant à ce propos : « Nous savons qu’un Etat, qui soutient les forces de Haftar, est l’auteur de cette attaque », sans pour autant décliner l’identité de ce pays.

A son tour, la Turquie a condamné le bombardement du siège de l’Académie militaire de Tripoli. Dans un communiqué, le ministère turc des Affaires étrangères, a « condamné avec force le bombardement par ce qui est appelé l’Armée nationale libyenne le siège de l’Académie militaire de Tripoli ».

La Turquie a mis l’accent sur la nécessité qu’il y a à ce que la communauté internationale prenne les mesures nécessaires, le plus rapidement possible pour mettre fin au soutien extérieur apporté à Haftar en Libye, affirmant qu’elle continuera à exprimer sa solidarité avec le gouvernement libyen d’entente nationale, internationalement reconnu.

Les Etats-Unis d’Amérique ont, de leur côté, condamné via leur ambassade à Tripoli, la « force » des bombardements par les milices de Haftar de l’Académie militaire en Libye et des attaques qui ont ciblé, récemment, l’aéroport de Mitiga, et les bombardements aléatoires qui ont atteint l’infrastructure civile et les quartiers résidentiels de Tripoli, faisant de nombreux morts et blessés parmi les civils.

La Tunisie a, pour sa part, réitéré sa condamnation de la poursuite des attaques aléatoires contre les civils innocents ainsi que les installations civiles en Libye.

Dans un communiqué rendu public, le ministère tunisien des Affaires étrangères, a appelé l’ensemble des forces libyennes, régionales et internationales, à « œuvrer à stopper immédiatement les opérations militaires et à respecter la légalité internationales et l’Accord politique (Skhirat) en reprenant rapidement les négociations dans le cadre d’un dialogue inter-libyen inclusif ».

Pour sa part, la France, soutien de Haftar, a exprimé sa « profonde inquiétude », de la recrudescence du rythme du conflit en Libye, tout particulièrement après le raid aérien qui a ciblé l’académie militaire située dans le sud de la capitale Tripoli, faisant de lourdes pertes humaines.

De son côté, le président du Conseil italien, Giuseppe Conte, a fait part de sa « ferme » condamnation quant à la tension recrudescente en Libye. Conte, qui a dénoncé avec force l’attaque qui a ciblé le siège de l’Académie militaire de Tripoli, a fait cette déclaration, alors que Haftar se trouvait à Rome, ce qui est hautement significatif.

* La plus forte condamnation de la part de l’Algérie mais encore ?

La plus forte condamnation a émané de l’Algérie, sortie récemment de sa crise politique et institutionnelle, qui a qualifié le raid d’acte « criminel, similaire à un crime de guerre », selon un communiqué de la présidence algérienne.

Il convient de remarquer que le ministre algérien des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum, a effectué, au début de l’année en cours, des contacts avec ses homologues des pays qui soutiennent Haftar, notamment, les ministres égyptien, Sameh Choukri, émirati, Abdullah Ibn Zayed al-Nuhayyan et rançais Jean-Yves le Drian, ainsi que les chefs de la diplomatie nigériane, Kalla Ankoura, malienne, Tiébilé Dramé, et tchadienne, Chérif Mahamat Zene ainsi que le Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres.

La majorité de ces pays est impliquée, d’une façon ou d’une autre, dans l’appui des milices de Haftar, voire dans l’intervention directe dans la guerre en Libye, que ce soit via l’armement, tels que l’Egypte, les Emirats et la France, ou à travers la présence de mercenaires qui portent leurs nationalités et qui combattent en Libye, à l’instar d Tchad, et en degré moindre le Niger.

Il n’est pas exclu que l’Algérie avait rappelé à ces pays par sa position de principe rejetant toute intervention et ingérence étrangère en Libye et s’opposant au soutien à l’attaque de Haftar contre Tripoli, qu’elle a qualifié « d’agression », tout en considérant Tripoli comme une « ligne rouge » ne devant pas être franchie.

Si le recours de l’Algérie à une intervention armée en Libye pour dissuader les milices de Haftar et les pays les soutenant parait improbable, il n’en demeure pas moins que le scénario e plus plausible actuellement, demeure celui de mobiliser le plus grand soutien international que ce soit de la part des pays limitrophes à la Libye, ou des Etats régionaux et des grandes puissances influentes dans ce dossier.

L’objectif d’Alger consiste à adopter sa position appelant à une solution politique, dans le cadre d’un dialogue inter-libyen, tout en rejetant l’ingérence étrangère, ce qui permettra de tarir l’appui militaire, tout particulièrement, au seigneur de guerre, Haftar, ce qui contraindra ce dernier à accepter le cessez-le-feu et à retourner à la table des négociations.

Ce scénario, bien qu’idéal, est difficilement réalisable, compte tenu de la détermination de Haftar à accéder à Tripoli, d’autant plus que ces milices sont arrivées aux frontières administratives de la ville.

Il n’est pas clair quel serait le degré de résistance des forces gouvernementales libyennes, sans soutien international, face aux milices de Haftar, appuyées, quant à elles, par des drones émiratis, des chars égyptiens, émiratis et jordaniens, du soutien logistique et diplomatique français, des mercenaires russes, des Janjawid soudanais et l’opposition armée tchadienne et soudanaise.

Face à cela, le gouvernement d’entente se voit interdit d’importer des armes pour se défendre, au moins pour créer un équilibre avec les milices de Haftar (aux nationalités et aux idéologies multiples), qui aboutirait, en fin de compte, à un dialogue entre deux rivaux possédant la même force de frappe, dialogue devant être conclu par un accord de paix, avec des garanties internationales pour assurer son application sur le sol.

* Le massacre des élèves-officiers et la Conférence de Berlin

Il est attendu que le massacre des élèves-officiers de l’Académie militaire de Tripoli soit présent en force dans la Conférence de Berlin, d’autant plus que cette boucherie reflète l’étendue de la gravité de l’appui militaire émirati, en particulier, et étranger en général, aux milices de Haftar, sur la situation sécuritaire et humanitaire dans la capitale libyenne.

De plus, l’Allemagne, qui a reporté la date de la tenue de la conférence depuis plus d’une fois depuis le mois de septembre dernier, s’emploie à atteindre le plus grand consensus entre les grandes puissances et les Etats régionaux et influents en Libye, pour éviter la réédition des conférences qui ont échoué, aussi bien à Paris, à Palerme (Italie) qu’à Abu Dhabi.

L’Allemagne a tenté de rattraper son erreur en excluant l’Algérie de participer à la Conférence de Berlin, en lui adressant une invitation, après ses dernières positions à l’égard de l’attaque de Haftar contre Tripoli et après la réactivation du rôle de sa diplomatie dans le dossier libyen, d’autant plus que l’Algérie est concernée directement par la situation sécuritaire en Libye, dès lors qu’elle partage des frontières longues de 1000 kilomètres avec son voisin de l’est.

Prennent part à la Conférence de Berlin 5+5+1 (Etats-Unis, Russie, France, Royaume-Uni, Chine) + (Allemagne, Turquie, Italie, Egypte, Emirats) + (Algérie), tandis que la participation du Qatar et de la Tunisie est encore non-confirmée.

La tenue de la Conférence de Berlin, prévue à la fin du mois de janvier courant, sans pour autant déterminer une date fixe, devrait probablement réclamer des protagonistes le retour à la table des négociations.

Cependant, il est improbable que la Conférence impose des sanctions aux milices de Haftar, et ce à cause de l’hétérogénéité des positions des pays participants, qui s’est illustrée dans l’impuissance du Conseil de sécurité des Nations Unies à publier une condamnation du massacre de l’Académie militaire, en dépit de son caractère sauvage.


           

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