L’usine Renault-Nissan de Tanger : une plate-forme industrielle d’envergure internationale


Samedi 28 Juillet 2012 - 13:33
Zakaria Abouddahab - Centre d’Etudes Internationales


Le port Tanger Med a été renforcé par la mise en service officielle de l’usine Renault-Nissan le 9 février 2012. Cette usine est parfaitement intégrée à ce port de dimension méditerranéenne, voire internationale. Qui plus est, l’entrée en fonction de l’usine intervient dans une conjoncture économique internationale délicate. Les sceptiques avaient, un certain moment, pronostiqué sur l’abandon du projet, arguant de la situation financière du constructeur franco-japonais, affecté par la crise financière internationale. Il n’en était rien. L’usine, désormais opérationnelle, témoigne de la confiance qu’ont les investisseurs dans le Maroc en tant que plate-forme industrielle et marché attractif. Le coût de l’investissement est de l’ordre de 1 milliard de dollars. A terme, l’usine produira 400 000 véhicules par an. Du point de vue écologique, elle constitue l’unique au monde à ne provoquer presque aucune émission de dioxyde de carbone ni d’eaux industrielles.


L’usine Renault-Nissan de Tanger : une plate-forme industrielle d’envergure internationale
La réalisation de ce projet n’est pas le fruit du hasard car elle fait partie d’une stratégie volontariste de développement industriel formulée, notamment, dans le cadre du Plan Emergence I et II. Parmi les secteurs porteurs identifiés par cette stratégie ambitieuse, celui de la construction automobile figure en bonne place. L’usine Renault-Nissan constitue, de ce point de vue, l’une des premières réalisations du Plan Emergence. Faut-il rappeler que l’un des objectifs de ce Plan est, précisément, la mise en place de 22 plates-formes industrielles intégrées aux standards internationaux. Renault-Nissan en est donc l’une des plus importantes, et au passage, elle est la plus grande dans la rive sud de la Méditerranée.  

L’usine Renault-Nissan est spécialisée dans la production de voitures « low cost », un concept qui a par ailleurs fait ses preuves dans le trafic aérien. Les marchés ciblés par ce genre de véhicules se situent hors du Maroc. La Société marocaine de construction automobile (SOMACA) s’est déjà positionnée par rapport à ce segment. Les voitures de marque Dacia par exemple ont irrigué le parc automobile marocain et s’y sont vendues à une grande échelle, vu le rapport entre la qualité et le prix.

Ceci étant, l’usine Renault-Nissan a une dimension internationale avérée. Les véhicules qui y seront produits satisferont, entre autres, à la demande pouvant provenir des pays signataires de l’Accord d’Agadir établissant une zone de libre-échange entre le Maroc, la Tunisie, l’Egypte et la Jordanie. Par conséquent, fort de l’expérience de la marque Dacia, le Maroc pourra exporter, via le port Tanger Med, sur ces marchés, et ce, sur une base préférentielle. En outre, tous les pays avec qui le Maroc a des liens préférentiels sont potentiellement des marchés pour les voitures fabriqués par l’usine Renault-Nissan. Il s’agira par exemple de l’Espagne, du Portugal ou de la Hongrie compte tenu de l’établissement d’une zone de libre-échange entre le Maroc et l’Union européenne (UE), effective depuis le 1er mars 2012. On ne pourra exclure d’autres pays liés au Maroc par des accords de libre-échange, comme la Turquie, les Emirats Arabes Unis ou même les Etats-Unis.

D’un point de vue logistique, l’usine Renault-Nissan est construite sur un site stratégique, relié au port Tanger Med. Celui-ci desservira les grands ports internationaux. Connecté au réseau des échanges internationaux, Tanger Med constitue non seulement une plate-forme portuaire, mais aussi une plate-forme industrielle et logistique. C’est dans ce cadre où il faudra inscrire l’usine Renault-Nissan. Le transport maritime lui est donc primordial. Les voies empruntées pour l’acheminement des voitures construites seront les autoroutes maritimes, concept à connotation non seulement commerciale, mais aussi et surtout géoéconomique, voire même géopolitique. L’enjeu est donc de taille. Dans ce contexte, il n’est pas sans intérêt de rappeler que l’Union pour la Méditerranée, dont le Maroc est membre fondateur, a fixé comme objectif le lancement d’autoroutes maritimes. Le Maroc, avec sa double façade méditerranéenne et atlantique, constituera l’un des carrefours mondiaux de ces autoroutes du futur. Dès lors, l’usine Renault-Nissan s’adosse à une vision prospective en matière de politique étrangère.

Le Maroc a donc beaucoup à gagner de cette usine inaugurée par le roi Mohammed VI en février 2012. Parmi les retombées positives, citons l’effet immédiat sur l’emploi, un impact en termes d’image du Maroc sur le plan régional et international, sans oublier d’éventuels effets d’entraînement sur d’autres secteurs comme les industries d’équipement. L’usine complète et appuie, en outre, d’autres plans sectoriels comme le Plan Maroc Export Plus, lequel a identifié des marchés d’exportation potentiels pour le Maroc comme ceux du Brésil, de la Russie, de l’Inde et de la Chine. Lorsque l’usine Renault-Nissan fonctionnera à plein régime, de tels marchés seront l’une de ses cibles.

A long terme, la construction automobile, dont l’usine Renault-Nissan est une illustration, conjuguée aux autres secteurs à fort potentiel d’exportation identifiés par le Plan Emergence (offshoring, aéronautique, agroalimentaire, électronique, transformation des produits de la mer, textile et cuir), fera gagner au Maroc des points additionnels du Produit intérieur brut (PIB) de l’ordre de 90 milliards de dirhams, créant ainsi environ 400 000 postes d’emploi directs à l’horizon 2015. Ce qui n’est pas négligeable. A elle seule, l’usine Renault-Nissan générera à l’horizon 2015 à peu près 6000 postes d’emploi directs et 30 000 indirects.

In fine, le choix de l’usine Renault-Nissan pour le Maroc est une grande réussite pour la politique marocaine en matière d’attrait des investissements. En effet, le royaume, sur plusieurs années, a mis en place un cadre efficient en mesure d’inciter les investisseurs étrangers à opter pour lui. Cette attractivité marocaine ne pouvait se bâtir sans un dispositif législatif rassurant et un climat des affaires sain. Ce n’est pas pour rien que les flux des investissements à destination du Maroc augmentent continuellement à l’heure d’une conjoncture économique internationale difficile et que le royaume s’est classé en 2010 comme l’un des pays les plus attractifs pour les investisseurs derrière la Turquie et Israël.


           

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