La guerre de juin 1967 a sonné le glas du nationalisme arabe


Samedi 3 Juin 2017 - 10:50
AFP


Paris - La guerre de 1967 a été plus qu'une défaite militaire face à Israël: elle a donné le coup de grâce au nationalisme arabe, encourageant ainsi les mouvements palestiniens à s'affranchir de la tutelle des régimes arabes et favorisant l'émergence des islamistes.


"La défaite des Arabes dans la guerre de juin 1967, suivie par la mort de Gamal Abdel Nasser en 1970, a été le coup de grâce qui a achevé le nationalisme arabe", estime Fawaz Gerges, professeur de Relations internationales à la London School of Economics.

"Pendant des années, les Arabes avaient été nourris de rêves de gloire culturelle, de puissance et d'unité", mais ont été vaincus en quelques heures par l'armée du jeune Etat hébreu, ajoute-t-il. "L'échec du mythe fondateur du nationalisme arabe et l'humiliation de son gardien", le raïs égyptien, a "annihilé à jamais la promesse d'un avenir radieux".

Après cette défaite, les régimes nationalistes arabes --l'Egypte, la Syrie, dirigée par le parti Baas prônant l'unité arabe, ou plus tard l'Irak, gouverné par une branche rivale du Baas -- "se sont graduellement transformés en Etats policiers" utilisant le nationalisme pour justifier leur pouvoir, explique cet auteur de nombreux ouvrages sur le monde arabe.

"Longtemps, les Palestiniens ont compté sur leurs +frères+ arabes pour libérer leur patrie", explique l'historien et journaliste Dominique Vidal, qui a écrit de nombreux livres sur le conflit israélo-arabe. "C'est cette illusion qui se dissipe avec la défaite écrasante des armées arabes en juin 1967. A l'inverse, celle-ci renforce l'engagement des +fedayin+ dans la lutte armée, que le Fatah de Yasser Arafat a lancée en 1965".

Israël ayant occupé la Cisjordanie que contrôlait la Jordanie et la bande de Gaza qu'administrait l'Egypte, les mouvements palestiniens feront de la Jordanie leur base arrière. Leur victoire sur l'armée israélienne à Karameh en Jordanie, le 20 mars 1968, "symbolise ce cours nouveau", selon Dominique Vidal.

Ils pourront peu à peu se débarrasser de la tutelle des régimes arabes, pour prendre en 1969 la direction de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), créée à l'origine par la Ligue arabe et contrôlée par ses Etats. Mais ils entreront en conflit avec le royaume jordanien qu'ils devront quitter après les combats de septembre 1970 et feront du Liban leur principale base avant d'en être chassés par Israël en 1982.

Ce n'est qu'en 1987 que les Palestiniens des territoires occupés reprendront le flambeau, avec l'intifada qui débouchera sur les accords d'Oslo en 1993 avec Israël

En quelque sorte, oui, estiment les deux historiens. Il y a eu "un changement d'équilibre des forces" dans le monde arabe et "le déclin du nationalisme arabe incarné par Nasser s'est accompagné de la montée en puissance de l'Arabie saoudite et du pétro-dollar", explique Fawaz Gerges.

Vaincu par Israël, Nasser l'a également été au Yémen --le "Vietnam égyptien"-- où il avait envoyé ses troupes combattre les royalistes appuyés par Ryad.

Sur le plan intérieur, le raïs avait combattu implacablement les Frères musulmans, arrêtant des milliers d'entre eux et exécutant Sayyed Qotb, chef de leur mouvance radicale qui a inspiré de nombreux jihadistes.

Mais son successeur Anouar Sadate a au contraire encouragé les islamistes, pour asseoir sa légitimité, et s'est allié aux dirigeants des pays du Golfe, Arabie saoudite en tête, qui à force de pétro-dollars encourageaient la mouvance islamiste, avant de finir assassiné par des islamistes.

L'essor islamiste "ne tient pas qu'à la faillite des régimes dits +progressistes+", souligne Dominique Vidal. "Il s'explique aussi par l'échec des premières réformes néo-libérales, expérimentées d'abord en Égypte, puis généralisées dans la région (...) Ce tournant économique s'est accompagné d'un renversement d'alliances, au détriment de l'Union soviétique et à l'avantage des Etats-Unis - et, dans le cas égyptien, de la paix avec Israël".

"C'est dans ce double échec, de +gauche+ comme de +droite+, que les fondamentalistes vont s'enraciner", explique l'historien.


           

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