La place des droits de l’Homme dans l’Initiative marocaine pour la négociation d’un statut d’autonomie de la région du Sahara


Vendredi 19 Avril 2013 - 11:24
Mohamed Zineddine



Mohamed Zineddine
Mohamed Zineddine
Dans sa recherche d’une solution politique consensuelle à même de mettre fin au conflit du Sahara, le Maroc a proposé une Initiative pour la négociation d’un statut d’autonomie de la région du Sahara qui se conforme aux principes du droit international humanitaire. Qui plus est, cette Initiative est cohérente avec les dispositions de la Constitution marocaine de 2011, qui affirme dans son préambule la nécessité de protéger et de promouvoir les droits de l’Homme et le droit international humanitaire ainsi que de contribuer à leur développement, en tenant compte de leur nature universelle et indivisible. Ces principes ont été également rappelés par le Projet Marocain d’Autonomie (PMA) qui a réaffirmé la nécessité de respecter les droits des citoyens dans leur ensemble.

Le PMA s’est largement inspiré des expériences réussies des pays caractérisés par leurs traditions politiques profondes dans le domaine du respect des droits de l’Homme, en Europe et en Amérique. Faut-il rappeler que ces expériences ont prouvé leur efficacité en matière de protection des droits individuels et collectifs relevant des trois générations des droits de l’Homme. L’Initiative marocaine vise la réalisation de deux objectifs fondamentaux. Le premier gît dans la promotion des droits de l’Homme dans la région du Sahara et le deuxième vise le renforcement des valeurs de la démocratie locale et l’implication des habitants du Sahara dans les efforts du développement socioéconomique de leur région.

Le PMA, en tant que solution démocratique consensuelle au conflit saharien, vise la réalisation des principes fondamentaux modernes et traditionnels des droits de l’Homme. Ainsi les différentes générations desdits droits sont présentes dans les dispositions de cette Initiative, comme la consécration des libertés individuelles et publiques et le développement socioéconomique, conformément au troisième point du PMA. De plus, de nombreuses dispositions de cette Initiative consacrent des principes modernes des droits de l’Homme à l’instar des notions de développement durable et de la démocratie participative locale, considérées aujourd’hui comme le pilier sur lequel se fonde la troisième génération des droits de l’Homme, connue aussi sous le nom de « soft law ».

A la lecture de l’Initiative marocaine, l’on constate l’existence de deux objectifs fondamentaux. Le premier est la reconnaissance d’un ensemble de droits individuels et collectifs reconnus aux habitants des provinces du sud, tels qu’ils sont universellement consacrés et conformément au vingt-cinquième point de cette Initiative qui dispose que les habitants de la région du Sahara « (…) bénéficieront de toutes les garanties qu’apporte la Constitution marocaine en matière de droits de l'Homme tels qu'ils sont universellement reconnus ». Le deuxième objectif vise la mise en place de garanties de développement durable au profit des habitants du Sahara aux niveaux, social, économique, culturel et environnemental.

S’agissant des droits politiques et civils, cette Initiative confère à la population concernée le droit de gérer elle-même ses affaires locales à travers des institutions élues et sous sa responsabilité, conformément au cinquième point du PMA qui dispose que « (…) les populations du Sahara géreront elles-mêmes et démocratiquement leurs affaires à travers des organes législatif, exécutif et judiciaire dotés de compétences exclusives ».

Pour atteindre cet objectif, cette Initiative met en place des institutions élues démocratiquement. Ainsi  le PMA prévoit la création d’un parlement régional et d’un gouvernement local ainsi que d’un tribunal régional supérieur.

Cette approche est conforme aux exigences de la Charte européenne de l’autonomie régionale du 15 octobre 1985. Laquelle a précisé que les autorités locales doivent disposer du pouvoir réglementaire leur permettant d’exercer leur autorité. Son troisième article souligne que les institutions locales gèrent les affaires générales, alors que le deuxième article précise que « Le principe de l’autonomie locale doit être reconnu dans la législation interne et, autant que possible, dans la Constitution ». La même approche est présente dans la Constitution marocaine de 2011 où l’autonomie s’exerce dans le cadre des règles définies par la Constitution et les lois en vigueur, et c’est justement cette approche qui a été consacrée par le troisième point du PMA quand il a précisé que « Cette initiative s’inscrit dans le cadre de l’édification d’une société démocratique et moderne, fondée sur l'Etat de droit, les libertés individuelles et collectives et le développement économique et social ».

En revanche, l’Initiative marocaine adopte une approche moderne en matière de respect des droits de l’Homme à travers la consécration des principes de la démocratie locale. Cette dernière est devenue aujourd'hui la base de tout lien contractuel démocratique. Cette approche est justifiée par le fait que l’Etat ne peut pas assumer toutes les fonctions traditionnelles qu’elle exerçait auparavant dans le cadre de « l’Etat providence ». La démocratie implique effectivement les citoyens dans le processus de prise de décision des collectivités locales sur la base de la concertation et de la participation dans le cadre de ce qu’on appelle « la démocratie participative ». Dans ce sens, l’Initiative en cours d’examen « (…) garantit à tous les Sahraouis à l’extérieur comme à l'intérieur, toute leur place et tout leur rôle, sans discrimination ni exclusive, dans les instances et institutions de la région ».

Loin donc de toute marginalisation, qu’exerce d’ailleurs le Front Polisario dans les camps de Tindouf à l’endroit des populations y séquestrées, le Maroc, qui connaît un élargissement notable du champ des libertés individuelles et publiques, a développé les structures de défense des droits de l’Homme dans ses provinces du sud. Ainsi plusieurs associations de droits de l’Homme qui s’activent dans les domaines, politique, social et économique sont présentes au Sahara, outre la présence remarquable du Conseil National des  droits de l’Homme (CNDH) et de l’institution du Médiateur. De surcroît, la justice transitionnelle adoptée par le Maroc a permis la réparation des dommages causés par les violations graves commises dans le passé, l’établissement de la vérité sur ces violations, l’indemnisation des victimes et la préservation de la mémoire collective. Le Maroc a également adopté des réformes institutionnelles et juridiques qui lui ont permis de prendre toutes les mesures nécessaires permettant de réinsérer les Sahraouis ralliés à leur mère patrie, le Maroc, en préservant leur dignité, leur sécurité ainsi que la protection de leurs biens. A cette fin, ainsi que le relève le point 31 du PMA, « (…) le Royaume adoptera notamment une amnistie générale excluant toutes poursuites, arrestation, détention, emprisonnement ou intimidation de quelque nature que ce soit, fondées sur des faits objet de l’amnistie ». A son tour, la Constitution marocaine de 2011 prévoit des garanties qui incriminent toutes les formes d’intimidation.

Il en résulte que le PMA s’appuie sur la légitimité démocratique. Cette légitimité se traduit par une panoplie de droits socioéconomiques.

Au niveau social, l’Initiative d’autonomie permet aux habitants du Sahara occidental marocain de gérer eux-mêmes leurs affaires dans des domaines importants, en l’occurrence :

- L’habitat, l’éducation, la santé, l’emploi, le sport, la sécurité sociale, les services sociaux et le développement culturel ;

- L’administration locale ;

- La police locale ;

- Les tribunaux régionaux.

Par ailleurs, sur la base du principe de subsidiarité, les compétences qui ne sont pas spécifiquement attribuées seront exercées par des institutions élues.

Pour la concrétisation de ces mesures, l’Initiative d’autonomie insiste sur la nécessité de mettre en place les ressources financières nécessaires au développement de la région et ce, à tous les niveaux.

Sur le plan culturel, le PMA veille à préserver le patrimoine culturel hassani en tant qu’affluent important de l’identité marocaine et insiste sur la nécessité de le promouvoir. La Constitution marocaine a également consacré, dans son préambule, ce patrimoine en tant que composante fondamentale de l’identité nationale. Cette consécration constitutionnelle confère à cette reconnaissance une valeur juridique suprême.

Au bénéfice de tout ce qui précède, le PMA incarne une Initiative politique prometteuse d’un avenir meilleur pour les habitants de la région. Il permettra de mettre un terme aux souffrances, aux divisions et à l’exil de la population sahraouie dans les camps de Tindouf, outre qu’il contribuera à la réalisation d’une réconciliation historique entre les deux belligérants, divisés par la colonisation. De plus, la logique prédominante des droits de l’Homme qui singularise l’Initiative marocaine pourrait jouer un rôle positif, non seulement pour dénouer le conflit saharien, mais aussi pour asseoir la paix et la stabilité dans la double région, nord-africaine et sahélo-saharienne. La seule solution à même de résoudre les différents problèmes que connaissent ces régions est la consécration en leur sein de la démocratie et de la culture des droits de l’Homme. L’Initiative marocaine pour la négociation d’un statut d’autonomie de la région du Sahara offre ce cadre démocratique susceptible d’assurer la sécurité et la stabilité régionales.

Mohamed Zineddine
Professeur à la faculté de droit de Mohammedia


           

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