Le "Penseur" de Rodin au coeur d'une polémique en Argentine


Jeudi 8 Septembre 2011 - 11:47
AFP


Buenos Aires - Un exemplaire original du "Penseur" d'Auguste Rodin (1840-1917), d'une valeur incalculable, seul de ce genre en Amérique du sud, a été vandalisé à Buenos Aires, provoquant une vive émotion et des débats houleux au Parlement.


Le "Penseur" de Rodin au coeur d'une polémique en Argentine
"C'est scandaleux : il s'agit de l'édition n°3, réalisée du vivant de Rodin", déclare à l'AFP Teresa de Anchorena, membre de la Commission Nationale des Monuments et grande figure de la défense du patrimoine en Argentine.

Le monument, l'une des oeuvres phares du père de la sculpture moderne, a été recouvert de peinture rouge et de graffitis par des inconnus. Pire encore, la Ville de Buenos Aires, sans consulter d'expert, a dépêché une équipe pour nettoyer la statue... au canon à eau.

"Le recours à l'hydrolavage doit être écarté en raison des dégâts irréversibles qu'il peut provoquer sur la patine originale et du risque d'infiltrations", a estimé l'experte Cristina Lancelloti dans un rapport sur cette affaire.

Mme Lancelloti recommande le recours au restaurateur français Antoine Amarger, qui a travaillé pour le Musée Rodin de Paris, car on craint des dégâts sur la patine originale ou même la structure du "Penseur".

Teresa de Anchorena estime que "Le Penseur" n'aurait pas été vandalisé s'il avait été placé en haut des marches du Congrès, conformément à la loi qu'elle avait fait voter en 2008 et à ce qui était prévu dès... 1907, suivant l'exemple de l'installation du Penseur au Panthéon de Paris en 1906.

Or, en 1907, à l'arrivée de la statue, le palais du Congrès était encore en construction : elle n'avait donc pu être placée à l'endroit prévu.

Plus de cent ans après, elle est toujours perdue au bout d'une place, à 200 mètres du Parlement, sans aucune protection.

Le Parlement de la Ville vient de voter une nouvelle loi, décidant l'installation d'une grille autour de la statue pour la protéger de toute nouvelle attaque en attendant que le Congrès se décide à l'accueillir.

"La vérité, c'est que l'oeuvre a pu être vandalisée parce qu'elle n'a pas été transférée à temps", a déploré le député du parlement de la Ville Carlos Abrevaya, l'un des auteurs de cette nouvelle loi.

Au Sénat, les débats ont été particulièrement houleux.

"Tout le monde peut voir l'état de détérioration dans lequel se trouve cette sculpture", a lancé la sénatrice Maria Eugenia Estenssoro (Coalition Civique, opposition). "Cet accord entre le Sénat et la Ville de Buenos Aires peut devenir réalité rapidement", a-t-elle ajouté, pensant que l'émotion suffirait à obtenir que la statue soit enfin placée en haut des marches du Congrès.

Peine perdue. "Le placement de cette statue de Rodin au Congrès National n'a jamais été approuvé", lui a répondu sa collègue Beatriz Fellner (Front pour la Victoire, au pouvoir).

"Il y a un original et plusieurs copies : celle-là est une copie", a-t-elle dit, rappelant que le Congrès était, lui, un "Monument Historique", provoquant un grand brouhaha dans la salle.

La sénatrice Fellner a enfin jugé que la place qu'on veut réserver à la statue "n'est pas accessible aux gens de la rue, qui ont le droit d'apprécier ce type de sculptures". Retour à la case départ...

En 1927, Eduardo Schiaffino, directeur du Musée des Beaux Arts et responsable de l'acquisition à Paris de cet exemplaire du "Penseur", écrivait: "Vingt ans ont passé et ce chef-d'oeuvre est toujours sacrifié : au bout de cette place immense, il ressemble à une aiguille dans une meule de foin".


           

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