Le financement "paternaliste" du cinéma en France entrave la liberté de création: Kechiche


Lundi 4 Novembre 2013 - 11:19
AFP


Bucarest - Le financement "paternaliste" du cinéma français entrave la liberté de création, a regretté dans un entretien à l'AFP Abdellatif Kechiche, Palme d'Or à Cannes pour "La Vie d'Adèle", souhaitant que la France s'inspire du modèle américain.


"Aux Etats-Unis, on considère le cinéma comme une industrie. Il est indépendant de l'Etat et les producteurs savent qu'ils ont besoin du cinéma d'auteur, de sa créativité, de sa nouveauté. Ils le financent et prennent des risques en le finançant parce qu'ils savent (...) qu'il y a peut-être une grande oeuvre qui va naître de ce cinéma-là", a estimé M. Kechiche qui présentait "La Vie d'Adèle" au festival "Les films de Cannes à Bucarest".

Ce long métrage qui raconte la rencontre et la passion de deux jeunes femmes (Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux), vient de sortir aux Etats-Unis et dans plusieurs pays européens.

"En France, pour le financement des petits films, on nous donne l'impression que c'est de la mendicité (...) On finance les petits films en les cadrant et, finalement, ils ne sont pas de véritables films d'auteur, on les oblige à entrer dans un cadre, qu'il s'agisse du minutage ou de l'histoire qu'ils racontent", a déploré le cinéaste franco-tunisien.

"Souvent, le réalisateur (...) ne fait qu'accompagner son pauvre film, en essayant de sauver les meubles", a-t-il encore regretté.

"Je me pose la question de l'implication de l'Etat dans le financement des films" en France, confie-t-il, rappelant que deux de ses long métrages les plus audacieux, "La vie d'Adèle" (2013) et "L'Esquive" (2004), oeuvre subtile qui met à mal les clichés sur les cités, ont été réalisés sans financement d'Etat.

Se considérant comme "le poisson qui est passé à travers les mailles d'un filet" parce qu'il a eu la chance de rencontrer au bon moment des gens qui ont cru en lui et à ses projets, il estime que "les hommes politiques ne savent pas de quoi ils parlent quand ils parlent de cinéma".

La solution idéale serait selon lui de nommer "des gens qui ont une véritable expérience de producteurs" à la tête des institutions cinématographiques.

"Le système de financement public fait que le véritable producteur n'existe pratiquement plus en France", ce qui "nuit à la liberté de création", regrette M. Kechiche.

"Il y en a encore quelques-uns qui sont prêts à se ruiner pour faire des films mais la réalité c'est que souvent ce sont des banquiers qui deviennent producteurs et qui ne savent pas comment se fabrique un film, qui ne savent pas ce que c'est qu'un acteur", a-t-il lancé.

De son côté, le réalisateur connu pour son approche humaniste et couvert de trophées --de la Palme d'Or à Cannes en 2013 au Prix du Jury au Festival de Venise en 2007 pour "La Graine et le mulet"-- confie avoir eu la chance de trouver les producteurs de la maison Wild Bunch "qui aiment le cinéma et qui prennent des risques pour faire des films".

Il leur "fait confiance" pour décider avec lui de son prochain film parmi les nombreux projets qu'il a en tête: "comme je suis tellement plongé dans chaque projet, c'est bien qu'ils soient là avec leur distance et leur réflexion".

Aux réalisateurs débutants, il conseille "de se débrouiller à faire des films sans rien en attendant que les choses changent".

Mais il garde son "optimisme": "beaucoup de gens sont conscients qu'il faut changer les choses" dans le financement du cinéma français.


           

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