Quand Barack Hussein Obama prêtera serment à midi pile, heure américaine - 18 heures, heure française - sur la Bible utilisée par Lincoln en 1861 devant le premier juge de la Cour suprême, John Roberts, il entrera certainement dans l'histoire des États-Unis. L'accession à la magistrature suprême du premier homme de couleur, quoi qu'il arrive par la suite, restera à jamais un tournant symbolique pour la République vieille de 223 ans. Cette "Heure d'Obama" consacrera de manière spectaculaire la rupture avec le "péché originel" de la démocratie en Amérique, l'esclavage des Noirs. Le Capitole, sur la terrasse duquel il va prêter serment, a été en grande partie bâti sur le travail de ces esclaves, tout comme la Maison-Blanche, et le Mall où la foule se pressera pour l'écouter, a jadis abrité un marché aux esclaves. Ce mardi 20 janvier, les États-Unis entrent donc bien dans une ère nouvelle.
Mais Obama, citoyen du monde aux origines métissées, Afro-Américain au sens strict (père Kenyan, mère native du Kansas), ne veut pas marquer l'histoire de son pays par la seule couleur de sa peau, ni se laisser définir par l'inévitable étiquette de "premier président noir". Il entend sortir du cadre de la saga tourmentée des relations entre les races, même si celle-ci est le prisme naturel à travers lequel le percevront les centaines de millions de personnes qui suivront un évènement retransmis par les télévisions du monde entier et couvert par des milliers de journalistes. Et même si ce prisme inspire dans une large mesure les centaines de milliers d'Américains, dont une majorité de Noirs, venus de tout le pays, qui ont envahi Washington pour pouvoir dire "j'y étais".
L'accomplissement du "rêve" de Martin Luther King
Des foules de plus en plus considérables ont rempli dès lundi la capitale, transformée en vaste parc d'attractions sur le thème de Barack Obama. Des foules exubérantes et joyeuses, mais tranquilles, débarquées de milliers de bus, des trains et des avions dans une ville sécurisée par un déploiement de forces sans précédent (25.000 policiers et 16.000 soldats sur les dents, interdiction de survol de l'espace aérien patrouillé par des avions de chasse et des hélicoptères et une flotte de vedettes armées sur le Potomac). Les autorités attendaient entre un et deux millions de personnes sur le Mall pour écouter Barack Obama répéter les paroles du serment inscrit dans la Constitution, puis son premier discours en tant que président des États-Unis, avant d'assister à la grande parade traditionnelle sur Pennsylvania Avenue que le cortège présidentiel descend du Capitole à la Maison-Blanche.
La dimension de catharsis raciale dont Obama est l'agent se combine avec le rejet violent de son prédécesseur George W. Bush, mais surtout avec une angoisse profonde et généralisée devant la crise dans laquelle le pays est en train de sombrer pour lui assurer une popularité comme aucun de ses prédécesseurs n'en a connu à son accession au pouvoir. La majorité des Américains voient en Barack Obama, au-delà de l'accomplissement du "rêve" de Martin Luther King, l'homme d'un possible recours, celui qui pourra peut-être redonner substance à un rêve américain en crise. C'est pourquoi le 44e président des États-Unis prête serment adossé à 80 % d'opinions favorables selon le dernier sondage ABC/ Washington Post .
Son discours visera à consolider cet état de grâce et à canaliser l'énergie formidable de l'espoir soulevé par son élection. Il en a rédigé lui-même le texte de moins de 20 minutes, sur lequel il a travaillé deux mois avec sa principale plume, Jon Favreau. Il espère, a-t-il expliqué, "saisir au plus près l'essence du moment historique dans lequel nous nous trouvons". Il a démontré pendant la campagne présidentielle que la rhétorique est une des armes politiques qu'il manie avec le plus d'efficacité, et chacun s'attend donc à ce qu'il s'inscrive dans la lignée des grands orateurs, dont l'écho des paroles continue d'inspirer les Américains de génération en génération - Lincoln, Roosevelt et Kennedy en particulier.
"Refaire des États-Unis le phare de la liberté"
Au grand jeu des parallèles historiques, la cérémonie d'aujourd'hui a beaucoup plus en commun avec l'investiture de Franklin D. Roosevelt en mars 1933, en plein milieu de la Grande Dépression, qu'avec tout autre. La priorité des priorités, avait alors lancé FDR, était de "remettre les Américains au travail" en créant des emplois, et de leur redonner confiance en conjurant la peur et en les assurant de l'action de l'État pour compenser la faillite du marché. D'après ceux qui ont eu connaissance du discours de Barack Obama avant qu'il ne le fasse, "le pragmatiste en chef" doit, lui aussi, inviter les Américains au sursaut et à l'unité nationale en "se libérant des idéologies" pour confronter les immenses défis du moment. Il doit en appeler à leur "esprit de responsabilité" et à faire preuve de patience dans une épreuve de longue durée.
Il faudra, a-t-il déjà répété à plusieurs reprises au fil des discours qu'il a faits à la veille de son investiture, "plus d'un mois, plus d'une année et probablement encore davantage" pour redresser la situation et sortir l'Amérique de la crise. Il ne promettra pas, comme Churchill, à ses concitoyens "du sang et des larmes", mais il insistera certainement sur la nécessité d'un effort national et de sacrifices importants. "Le véritable caractère de notre pays ne se révèle pas dans les périodes d'aisance et de facilité, mais dans ce que nous faisons de bien quand les temps sont difficiles", a-t-il déjà rappelé dimanche.
Mais Barack Obama, qui a dit lui-même vouloir "refaire des États-Unis le phare de la liberté" dans le monde et restaurer le "leadership" moral de son pays, sait aussi que le public de son discours d'investiture sera bien plus large que la foule rassemblée à Washington, ou même que les 300 millions d'Américains, et qu'il s'adressera, en fait, à la planète tout entière. "On avait fait une croix sur l'Amérique", insistait dimanche Bono, chanteur d'U2. Obama l'a refait exister." "Obamaman", devenu une sorte de superhéros global dont la mission est de redorer le blason terni de l'Amérique, suscite dans le monde, qui aurait voté massivement pour lui s'il l'avait pu, des espoirs qui ne sont pas moindres, et peut-être pas moins exagérés que ceux que nourrissent ses concitoyens. Le plus grand défi du président Barack Obama, à compter de midi heure de Washington - 18 heures, heure de Paris -, sera donc de ne pas décevoir ces espoirs.
Mais Obama, citoyen du monde aux origines métissées, Afro-Américain au sens strict (père Kenyan, mère native du Kansas), ne veut pas marquer l'histoire de son pays par la seule couleur de sa peau, ni se laisser définir par l'inévitable étiquette de "premier président noir". Il entend sortir du cadre de la saga tourmentée des relations entre les races, même si celle-ci est le prisme naturel à travers lequel le percevront les centaines de millions de personnes qui suivront un évènement retransmis par les télévisions du monde entier et couvert par des milliers de journalistes. Et même si ce prisme inspire dans une large mesure les centaines de milliers d'Américains, dont une majorité de Noirs, venus de tout le pays, qui ont envahi Washington pour pouvoir dire "j'y étais".
L'accomplissement du "rêve" de Martin Luther King
Des foules de plus en plus considérables ont rempli dès lundi la capitale, transformée en vaste parc d'attractions sur le thème de Barack Obama. Des foules exubérantes et joyeuses, mais tranquilles, débarquées de milliers de bus, des trains et des avions dans une ville sécurisée par un déploiement de forces sans précédent (25.000 policiers et 16.000 soldats sur les dents, interdiction de survol de l'espace aérien patrouillé par des avions de chasse et des hélicoptères et une flotte de vedettes armées sur le Potomac). Les autorités attendaient entre un et deux millions de personnes sur le Mall pour écouter Barack Obama répéter les paroles du serment inscrit dans la Constitution, puis son premier discours en tant que président des États-Unis, avant d'assister à la grande parade traditionnelle sur Pennsylvania Avenue que le cortège présidentiel descend du Capitole à la Maison-Blanche.
La dimension de catharsis raciale dont Obama est l'agent se combine avec le rejet violent de son prédécesseur George W. Bush, mais surtout avec une angoisse profonde et généralisée devant la crise dans laquelle le pays est en train de sombrer pour lui assurer une popularité comme aucun de ses prédécesseurs n'en a connu à son accession au pouvoir. La majorité des Américains voient en Barack Obama, au-delà de l'accomplissement du "rêve" de Martin Luther King, l'homme d'un possible recours, celui qui pourra peut-être redonner substance à un rêve américain en crise. C'est pourquoi le 44e président des États-Unis prête serment adossé à 80 % d'opinions favorables selon le dernier sondage ABC/ Washington Post .
Son discours visera à consolider cet état de grâce et à canaliser l'énergie formidable de l'espoir soulevé par son élection. Il en a rédigé lui-même le texte de moins de 20 minutes, sur lequel il a travaillé deux mois avec sa principale plume, Jon Favreau. Il espère, a-t-il expliqué, "saisir au plus près l'essence du moment historique dans lequel nous nous trouvons". Il a démontré pendant la campagne présidentielle que la rhétorique est une des armes politiques qu'il manie avec le plus d'efficacité, et chacun s'attend donc à ce qu'il s'inscrive dans la lignée des grands orateurs, dont l'écho des paroles continue d'inspirer les Américains de génération en génération - Lincoln, Roosevelt et Kennedy en particulier.
"Refaire des États-Unis le phare de la liberté"
Au grand jeu des parallèles historiques, la cérémonie d'aujourd'hui a beaucoup plus en commun avec l'investiture de Franklin D. Roosevelt en mars 1933, en plein milieu de la Grande Dépression, qu'avec tout autre. La priorité des priorités, avait alors lancé FDR, était de "remettre les Américains au travail" en créant des emplois, et de leur redonner confiance en conjurant la peur et en les assurant de l'action de l'État pour compenser la faillite du marché. D'après ceux qui ont eu connaissance du discours de Barack Obama avant qu'il ne le fasse, "le pragmatiste en chef" doit, lui aussi, inviter les Américains au sursaut et à l'unité nationale en "se libérant des idéologies" pour confronter les immenses défis du moment. Il doit en appeler à leur "esprit de responsabilité" et à faire preuve de patience dans une épreuve de longue durée.
Il faudra, a-t-il déjà répété à plusieurs reprises au fil des discours qu'il a faits à la veille de son investiture, "plus d'un mois, plus d'une année et probablement encore davantage" pour redresser la situation et sortir l'Amérique de la crise. Il ne promettra pas, comme Churchill, à ses concitoyens "du sang et des larmes", mais il insistera certainement sur la nécessité d'un effort national et de sacrifices importants. "Le véritable caractère de notre pays ne se révèle pas dans les périodes d'aisance et de facilité, mais dans ce que nous faisons de bien quand les temps sont difficiles", a-t-il déjà rappelé dimanche.
Mais Barack Obama, qui a dit lui-même vouloir "refaire des États-Unis le phare de la liberté" dans le monde et restaurer le "leadership" moral de son pays, sait aussi que le public de son discours d'investiture sera bien plus large que la foule rassemblée à Washington, ou même que les 300 millions d'Américains, et qu'il s'adressera, en fait, à la planète tout entière. "On avait fait une croix sur l'Amérique", insistait dimanche Bono, chanteur d'U2. Obama l'a refait exister." "Obamaman", devenu une sorte de superhéros global dont la mission est de redorer le blason terni de l'Amérique, suscite dans le monde, qui aurait voté massivement pour lui s'il l'avait pu, des espoirs qui ne sont pas moindres, et peut-être pas moins exagérés que ceux que nourrissent ses concitoyens. Le plus grand défi du président Barack Obama, à compter de midi heure de Washington - 18 heures, heure de Paris -, sera donc de ne pas décevoir ces espoirs.