Le ministre de la défense d’Israël « préfère Daech » à l’Iran


Samedi 23 Janvier 2016 - 15:03
Le Monde



Le ministre israélien de la défense, Moshé Yaalon, a présenté, lundi 18 janvier, une vision catastrophiste des conséquences que l’accord sur le nucléaire iranien pourraient avoir sur l’Etat hébreu, n’hésitant pas à affirmer « préférer Daech [acronyme arabe de l’EI] » à l’Iran.
« Concernant la Syrie, a affirmé le ministre lors la conférence annuelle de l’Institut pour les études sur la sécurité nationale (INSS), on voit que la Russie et les Etats-Unis traitent tous deux l’Iran comme une partie de la solution, un acteur-clé. Nous avons là un problème. Quel choix nous reste-t-il ? L’[organisation] Etat islamique ou l’Iran ? Si c’est le choix qui nous reste, je préfère encore Daech [acronyme arabe de l’EI], car il n’a pas les mêmes capacités. L’Iran a une frontière avec nous, sur le plateau du Golan [zone frontalière avec la Syrie, annexée par Israël] (…) nous n’avons pas de frontière avec Daech. »
« L’Iran a une frontière avec nous, sur le plateau du Golan (…) nous n’avons pas de frontière avec Daech »
Préférer l’EI à l’Iran : tout autant que le sens de cette remarque, il est intéressant de noter l’absence de polémique à son sujet, en Israël, comme si elle énonçait une évidence. Le ministre a expliqué que les « infrastructures terroristes iraniennes se trouvent actuellement sur cinq continents. » Pour Téhéran, Israël est « le petit Satan ». Les « centaines de milliards de dollars » dont va bénéficier le pays grâce à sa réhabilitation internationale risquent de servir ses volontés hégémoniques régionales, considère-t-il.
« Des risques et des opportunités »
Lors de cette même conférence, événement prisé des experts et dirigeants politiques de tous bords, le lieutenant général Gadi Eizenkot, chef d’état-major général de l’armée israélienne, avait développé une vision bien plus mesurée.
Pourtant peu habitué des estrades, le haut gradé a brisé avec flegme le consensus israélien en matière de politique étrangère, selon lequel l’accord sur le nucléaire iranien serait fondamentalement une catastrophe pour l’Etat hébreu. D’une simple phrase, le lieutenant général Eizenkot a expliqué que ce texte, véritable « tournant stratégique », présentait « des risques et des opportunités ».
Spécialiste des questions de défense, le journaliste Alon Ben-David allait dans le même sens, vendredi 22 janvier, dans le quotidien Maariv. « Un report d’une décennie [de la menace nucléaire] va permettre à Israël de réduire l’énorme investissement fait ces dernières années dans l’édification de l’option militaire vis-à-vis de l’Iran, d’améliorer et aiguiser ses options pour le jour où il en aura besoin. » Pourtant, lors de cette même conférence de l’INSS, le ministre de la défense, Moshé Yaalon, a présenté une vision très différente, presque catastrophiste.
Pour Gadi Eizenkot, la menace prioritaire n’est pas représentée directement par l’Iran, mais par son sous-traitant privilégié, le Hezbollah libanais. « Le Hezbollah est la menace la plus sévère pour Israël, a-t-il dit. Depuis 2006, il a été armé, financé et même conduit par les Iraniens. » En moyenne, cette aide financière s’est élevée à un milliard de dollars par an. Elle pourrait être largement réévaluée dès que l’Iran cueillera les fruits de la levée des sanctions.
« Le Hezbollah est la menace la plus sévère pour Israël »
Le général Eizenkot estime que la supériorité israélienne dans le domaine aérien et celui du renseignement est mise au défi par le maillage du Hezbollah dans les 240 villages chiites dans le sud du Liban. Chacun, dit-il, compte des unités de défense, des lance-roquettes et un centre de commandement.
Au total, le Hezbollah dispose d’un stock de près de 100 000 missiles, bien plus précis et puissants que dans le passé. Mais il a aussi enregistré dans ses rangs 1 300 morts et 5 000 blessés en Syrie. Ses capacités humaines sont donc mises à rude épreuve.
Jusqu’à présent, les responsables de l’appareil sécuritaire israélien exprimaient cette approche nuancée en privé. Car le gouvernement a été constant ces derniers mois, même si le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, a cessé de consacrer l’essentiel de ses discours à la menace iranienne, depuis sa prestation à la tribune de l’ONU, fin septembre 2015.
Danger à plusieurs têtes
Désormais, M. Nétanyahou n’établit pas de distinguo entre deux fléaux régionaux équivalents. S’exprimant à Davos, jeudi 21 janvier, le chef du gouvernement a dressé un parallèle entre l’EI et l’Iran. « L’EI veut le califat maintenant, ici et maintenant. (…) L’Iran dit : le califat, pas maintenant, mais l’imamat, plus tard. L’imam caché reviendra plus tard, mais d’abord, nous devons renforcer notre pouvoir étape par étape. Mais les deux veulent d’abord dominer le Moyen-Orient, puis bien au-delà. »
« Les deux veulent d’abord dominer le Moyen-Orient, puis bien au-delà »
Aux yeux de M. Nétanyahou, Israël est la tête de pont du monde occidental dans la lutte contre ce danger à plusieurs têtes. Mais le premier ministre israélien, qui tirait à boulets rouges sur l’Iran, a dû changer de ton avec l’administration Obama. Dès lors que l’accord sur le nucléaire iranien entrait en vigueur, la nouvelle priorité a été, ces derniers mois, la négociation d’un nouveau document fixant le cadre et le montant de la coopération militaire entre les deux pays.
Actuellement, Israël reçoit environ 3,1 milliards de dollars (2,8 milliards d’euros) par an d’aide militaire américaine, qui est en réalité une subvention déguisée à l’industrie de l’armement américaine. Dans les prochaines semaines, un nouvel accord sur dix ans devrait être finalisé, avec une enveloppe à la hausse, espère-t-on côté israélien.

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