Le monde feutré des palaces parisiens secoué par la révolte des femmes de chambre


Lundi 10 Novembre 2014 - 16:03
AFP


Paris - "On a plus de pouvoir d'achat". Les femmes de chambre de deux hôtels de luxe de la capitale française ont réussi à arracher de meilleurs salaires après avoir secoué le monde feutré des palaces parisiens par des grèves inédites cet automne.


Le monde feutré des palaces parisiens secoué par la révolte des femmes de chambre
Au bout de 35 jours de grève, femmes de chambre, gouvernantes, valets, équipiers, cuisiniers, serveurs, barmans et plongeurs du Royal Monceau ont voté la fin du mouvement jeudi et repris le travail dès vendredi, après avoir obtenu une augmentation de leurs salaires de 3% à 6%.

La désignation par la justice d'un médiateur fin octobre a permis de trouver une issue au conflit qui s'éternisait.

"On s'est battues durement pendant un mois et on a tenu. Cela a été un conflit très dur, mais notre rapport de force a payé. Nous n'avons pas obtenu la totalité de ce qu'on voulait, mais on a plus de pouvoir d'achat", a assuré à l'AFP Chafikha Gherabba, femme de chambre et syndiclaiste.

La direction du palace s'est félicitée d'un accord de fin de conflit "à la satisfaction de toutes les parties concernées".

Les grévistes ont obtenu une augmentation de 22 à 103 euros par mois, selon les métiers. De plus, une prime annuelle de 150 euros sera accordée aux équipiers pour l'installation de mobilier à la demande et 6,5 euros pour chaque lit supplémentaire effectué par les femmes de chambre et les valets. Pour tous, la mutuelle de santé sera prise en charge à 60% par l'employeur, au lieu de 50% actuellement.

Au départ, la revendication portait sur une hausse du taux horaire de deux euros, soit une augmentation mensuelle autour de 300 euros, et une diminution de la cadence de travail.

Pour les grévistes, le palace, qui appartient au groupe qatari Katara Hospitality, a largement les moyens. Une nuit dans la suite présidentielle du Royal Monceau, qui fait partie depuis un an du club très fermé des palaces, peut coûter jusqu'à 25.000 euros.

En ce qui concerne les conditions de travail, "la direction n'a rien lâché sur les cadences, mais s'est engagée à remplacer tous les salariés en congé, maladie ou formation", indique Didier Del Rey du syndicat CGT.

- 'Fashion week' des femmes de chambre -

Le mouvement de révolte des "petites mains" de l'hôtellerie a débuté il y a deux ans à Suresnes en banlieue par un premier mouvement dans un hôtel Campanile du groupe Louvre Hôtels.

Vingt-deux femmes de chambre, pour la plupart mères de famille et immigrées d'Afrique, étaient payées à la chambre par l'entreprise sous-traitante. Une organisation du travail entraînant des cadences infernales et des heures supplémentaires non payées.

Première victoire au bout de 28 jours de grève: la direction leur accorde un 13e mois. A l'été 2013, le combat reprend: elles souhaitent être intégrées au sein du groupe, et y arrivent après quelques jours de grève. "Une victoire historique", se souvient Claude Levy de la CGT, en pointe sur ce dossier.

Un mois après, encouragés par ce résultat, femmes de chambre, valets et bagagistes du Park Hyatt Paris-Vendôme, seul palace parisien à encore faire travailler des salariés en sous-traitance, ont suivi le mouvement.

Le conflit est médiatisé. La CGT avait eu l'idée de faire défiler les femmes de chambre au moment de la Fashion week, "une sorte de pied de nez au défilé des riches". Les grévistes obtiennent une prime de fin d'année équivalente à un treizième mois.

Un an plus tard, en septembre 2014, ces mêmes salariés entrent à nouveau en grève, entraînant dans leur sillage les collègues du Hyatt Paris-Madeleine. Cette fois, ils réclament avec succès l'alignement de leurs salaires sur ceux des palaces. "C'était spectaculaire, leur salaire était tellement bas qu'ils obtiennent entre 400 et 600 euros d'augmentation" par mois, explique M. Levy.

"Mais ce n'est qu'un début, après les palaces parisiens, nous allons nous attaquer à la sous-traitance des hôtels 4-5 étoiles", assure le syndicaliste.

La France, souvent considérée comme la première destination mondiale avec plus de 80 millions de visiteurs par an, attire notamment un important tourisme de luxe.


           

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