Le roi est mou, vive le roi !


Vendredi 30 Janvier 2009 - 12:53
Libération.fr/Eric Loret


Au début, on se dit « c’est raté ». Pas malhonnête (= qui veut remplacer les idées vivantes par des mortes), juste foiré. Question de rythme. Les décors, ça va. La photo aussi. La vie est là et l’envie de partager.


Le roi est mou, vive le roi !
Les gags font la queue leu leu, quelques références donnent de l’air (les Monty Python avec Terry Jones himself dans les scènes d’ouverture et de fin). Le film irait un peu plus vite, on rirait presque, mais c’est comme s’il avait peur qu’on ne mange pas tout ce qu’il a cuisiné, alors il nous surveille : on doit finir chaque bouchée de scène, il y aura un quiz à la sortie.

Nullité feinte. L’humour à la Robins des bois est un peu retors. Commedia dell’arte povera, sur le principe du «je dis un truc pas drôle et je le dis mal parce que je sais que ce n’est pas drôle et comme vous savez que je le sais, en fait c’est drôle». Du coup, on se demande s’il faut rire à de bons gags ou à leur nullité feinte, quel genre de spectateur on est et si l’on mérite vraiment de voir ce film. Ça finit même par couper l’envie de rire de se découvrir si méchant que l’on ne trouve pas King Guillaume tellement drôle.

A la place, on peut essayer de le trouver émouvant et on y arrive, surtout dans les vingt dernières minutes. Ou bien malin, quand il finit sur le couple d’amoureux contents d’être «roi et reine de rien», ce qui fait un joli contraste avec tout le monde qui se croit roi de tout depuis quelque temps.

A part ça, c’est l’histoire d’un couple qui hérite d’un royaume, Guerreland, une île concédée jadis à un Français par les Anglais. Le roi meurt (Rufus, impénétrable) et pour que vive le roi, ses sujets (cinq au total, emmenés par un Pierre Richard intactement jeune) doivent dénicher son héritier mâle sur le continent. Pas trop dur, c’est le réalisateur lui-même, dans le rôle d’un certain Guillaume. Mais comment lui faire accepter de régner, faute de quoi la Grande-Bretagne reprendra ses droits sur ce caillou ? L’île n’est pas folichonne, tendance minable, Comment vendre ça à Guillaume et son épouse ?

Fragilité dubitative. C’est ici qu’entre en jeu la formidable Foresti. Sorte de De Funès qui ne serait pas phallique, elle joue non l’aliénation mais la prise de conscience de celle-ci : le moment où l’on accepte de se laisser habiter par la fiction, le rêve, où l’on fait son Adjani à table dans Subway sans être complètement dupe non plus. Si bien que dans ses grimaces exagérées, on reconnaît une fragilité dubitative qui les rend belles, un truc miné de l’intérieur et l’on se surprend, au détour d’un regard qu’elle rentre, à penser que Florence Foresti ferait sans doute aussi une très grande tragédienne.
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King Guillaume, de Pierre-François Martin-Laval avec Pierre-François Martin-Laval, Florence Foresti… 1 h 25.


           

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