Les initiatives au Sahel traduisent une querelle de leadership entre la France et les USA


Lundi 18 Décembre 2017 - 11:43
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Fraichement élu président de la république française, Emmanuel Macron effectue en mai dernier, son premier déplacement à l’étranger en terre malienne.


Sans ambiguïté aucune, le président français précise la priorité de sa politique internationale, « renforcer la présence de la France dans la région du Sahel ». 

Le Mali où les troupes de l’armée française sont déployées depuis aout 2014, pour assurer l’opération de lutte contre les groupes terroristes -« Barkhane »-, est aussi le pays qui a assisté le 2 juillet dernier, à la création officielle du G5 Sahel, une force conjointe anti-terroriste composée des cinq pays du Sahel ( Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad). 

Paris qui peine à avoir le mandat du Conseil de Sécurité des Nations Unis sur les opérations du G5 Sahel, multiplie les appels à l’adresse des pays du monde pour financer le projet estimé à environ 450 millions d’euros. 

Progressivement, l’Union européenne (UE) y adhère et alloue 50 millions d’euros, et la même somme est débloquée par les cinq pays africains de cette coalition. 

Les Etats-Unis qui s’y opposaient au début, se rétractent fin octobre dernier, et promettent une contribution de 60 millions de $. Les derniers en date, l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis $, ont décidé le 13 décembre à Paris, d’octroyer respectivement 100 millions$ et 30 millions de$. 

Mais cette initiative française visant le déploiement de 10.000 hommes sur la bande sahélo-saharienne, n’est pas l’unique « garante de la paix », dans cette région. 

En octobre dernier, la communauté internationale découvre « surprise » l’entrée en jeu des Etats Unis, dans cet échiquier sahélien. 

-La guerre est en train de se déplacer vers l'Afrique 

En effet, la mort de quatre bérets verts américains dans une embuscade survenue le 4 octobre dernier au Niger, a surpris et dévoilé au monde et aux Américains eux-mêmes, la présence des troupes de la première puissance militaire mondiale dans ce pays du Sahel. 

Chasse gardée traditionnelle de la France, le Niger abrite actuellement 800 soldats américains et 2 bases de drones, selon les révélations faites devant le Congrès, par Joseph Dunford, chef d'État-major des armées des États-Unis, au lendemain de l’embuscade. 

« Malgré l’embuscade, notre intention est de continuer les opérations là-bas », a assuré le général Dunford. Ce dernier est allé encore plus loin, en déclarant le 20 octobre à la presse, « La guerre est en train de se déplacer du Proche-Orient vers l'Afrique ». 

Ces unités d’élites de l’armée américaine sont donc loin d’être de simples formateurs des militaires locaux à la lutte anti-terroriste, comme l’a toujours prétendu Washington. Le spécialiste algérien des questions de défense et de sécurité, Akram Kharief, estime dans une déclaration à Anadolu, «qu’il y a un véritable risque de voir débarquer 10.000 soldats américano-canadiens dans la région ». 

Ce déploiement de forces armées menées par la France d’un côté, et d’autres forces conduites par les Etats-Unis de l’autre (toutes deux opérant dans un même territoire, sans mandat de l’ONU), soulèvent des interrogations, d’autant plus que l’ère des opérations brasse une région bordée par le brasier libyen et le Nord du Nigeria où Boko Haram règne en maitre depuis 2002. 

Akram Kharief, également animateur du site menadefense.net, opine que « ces différentes initiatives laissent penser que nous nous acheminons vers une querelle de leadership entre la France et les Etats-Unis dans la région ». 

« C’est la raison pour laquelle, le président français veut réunir un maximum de pays pour soutenir son initiative », poursuit-il. 

C’est cette recherche du leadership régionale qui expliquerait selon Kharief, le non-appui de la France aux mécanismes déjà existants de lutte antiterroriste comme celui conduit par l’Algérie. « L’Algérie a créé en 2010, le Comité d’Etat-Major Opérationnel des Armées (CEMOC), à Tamanrasset dans le sud de l’Algérie, et a octroyé 100 millions usd aux pays de la sous-région et repose sur une grande expérience en matière de lutte antiterroriste », a-t- il rappelé. 

-Alger pour une solution à l’intérieur de L’UA 

En effet, la France a sollicité à plusieurs reprises l’adhésion de l’Algérie au G5 Sahel. « L’Algérie est tout à fait la bienvenue au sein de la force militaire conjointe », a réitéré 13 décembre le président français, lors de la réunion du soutien au G5 Sahel, tenue à Paris. 

Un rendez-vous auquel l’Algérie s’est absentée, et hasard du calendrier, Alger abritait à la même période deux réunions (10-11) et (12-13) sur la lutte antiterroriste en Afrique. Un rendez-vous durant lequel le ministre algérien des affaires étrangères Abdelakder Messahel a insisté sur la coordination des opérations sécuritaires « au sein de l’Union Africaine ». 

Sur ces déclinaisons successives des invitations de Paris à rejoindre le G5 Sahel et même d’éventuelles opérations militaires en Libye, Akram Kharief relève que « les Algériens ne comprennent pas pourquoi la France ne soutient pas leur initiative qui date de cinq ans ». 

Excluant toute adhésion future aux projets militaires de la France dans la région, Kharief estime que l’armée algérienne ne souhaite pas mettre en péril la vie de ses soldats dans de ces opérations, d’autant plus que son « cadre institutionnel lui interdit d’intervenir au-delà de ses frontières », conclut-il. 


           

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