Les musulmans de France principal enjeu de l'élection présidentielle 2017?


Mercredi 21 Septembre 2016 - 09:54
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Paris - Les universités de l'engagement du Parti socialiste (PS), l'intervention du président François Hollande à la Salle Wagram, l'Université d'été des Républicains (LR) à la Baule et les "Estivales" de Marine Le Pen.. Les grands thèmes de l'élection présidentielle de 2017 en France commencent enfin à se dessiner, oscillant entre de nombreuses questions sociales et peu de questions économiques, mais avec un accent inédit sur la place des musulmans.


Entre des débats sur le burkini, le voile, le financement des mosquées et des interrogations sur la compatibilité des musulmans avec la République, les campagnes électorales de tous bords politiques ne manquent pas d'aborder l'islam de France, deuxième religion du pays avec près de 5 millions d'adeptes.

Au sein de la droite, du moins pour Nicolas Sarkozy et François Fillon, candidats tous les deux à la primaire de la droite, l'islam reste le problème par excellence. "Je ne parle pas de lutte contre les communautarismes pour ne pas nommer le problème que nous avons avec l'islam. Les catholiques, les protestants, les juifs, les bouddhistes, les sikhs, ne menacent pas l'unité nationale", déclarait Fillon, depuis l'Université d'été de son parti.

Le ton du discours ne change guère chez Sarkozy, qui détaille ses prises de position dans son livre de campagne électorale, "Tout pour la France": "Disons-le tout net sans aucun esprit de polémique, ce n’est pas avec les religions que la République a aujourd’hui des difficultés, mais avec l’une d’entre elles qui n’a pas fait le travail nécessaire, autant qu’inévitable, d’intégration".

Marine Le Pen dit attaquer pour sa part non pas l'islam, mais le "fondamentalisme islamiste", déclarant même que l'islam est "compatible" avec la République. "Moi, je crois que oui. Un islam tel que nous l’avons connu, laïcisé par les Lumières comme les autres religions [...] Je ne lutte pas contre l’islam, je ne lutte pas contre une religion […]. Moi, je lutte contre le fondamentalisme islamiste", annonçait la candidate frontiste le 11 septembre sur TF1, adoptant ainsi une position qui est très loin d'être partagée par ses partisans.

Finalement, du côté du président sortant, c'est le grand discours du 8 septembre qui trace les axes de sa future campagne vis-à-vis des musulmans: "La question est de savoir si les principes [de la laïcité, ndlr] posés il y a plus d’un siècle restent adaptés alors que l’islam est la 2e religion de France. La réponse est oui, clairement oui. L’immense majorité de nos compatriotes musulmans nous en donnent chaque jour la preuve. Rien dans l’idée de laïcité ne s’oppose à la pratique de l’islam en France, pourvu qu’elle se conforme à la loi", avait-il déclaré, depuis la Salle Wagram à Paris.

Face à cette surenchère sur l'islam, les Français musulmans se heurtent une fois de plus aux calculs électoralistes des politiques, déplore François Burgat, directeur de recherche à l'Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman (IREMAM), dans une interview avec Anadolu.

"La 'politique musulmane de la France' est malheureusement plus que jamais prisonnière du versant négatif de la démocratie : l’électoralisme", affirme-t-il, expliquant qu' "une large partie des initiatives et déclarations de la politique aussi bien intérieure qu’étrangère, notamment sur la crise syrienne, ne peut être décryptée que dans le contexte de la campagne en cours pour les élections présidentielles", de 2017.

Ce serait notamment l'absence de propositions concrètes sur les grands enjeux économiques, tels le chômage ou la désindustrialisation, qui pousserait, selon Burgat, les hommes politiques à déplacer le débat sur des questions identitaires ou sécuritaires, "où les déclarations populistes fracassantes ne coûtent pas vraiment cher". Il met en garde à ce propos, contre une surenchère qui "voit toutes les familles politiques s’aligner sur les positions simplificatrices et xénophobes de l’extrême droite", en s'attardant sur "la place des musulmans en France et sur les 'vices' supposés être inhérents à leur religion".

Les musulmans pourraient-ils se tourner vers Hollande, contre la droite et l'extrême-droite qui les refusent? La réponse n'est pas sûre pour le spécialiste: "Hollande va sans doute réitérer les manoeuvres de séduction de l’électorat musulman qu’il avait expérimentées avec un certain succès lors de son élection de 2012. Mais l’opération sera infiniment plus difficile car la confiance est désormais largement entamée. L’électorat musulman est très déçu du déséquilibre manifeste de la ligne politique du président sortant", note François Burgat.

Il revient à cet égard sur la création d'une nouvelle fondation de l'islam de France, avec, comme l'a voulu le président Hollande, l'ancien ministre Jean-Pierre Chevènement à la tête de l'institution. "La création d’une telle institution aurait peut-être pu répondre à une partie des besoins des musulmans de France. Sa crédibilité a été immédiatement annihilée dès lors que ce gouvernement a fait le choix de nommer à sa tête un non-musulman - et donc de signifier qu’il n’existe pas en France un seul musulman à qui il accorde sa confiance", regrette le chercheur.

La désignation de Chevènement, "un homme du passé qui a largement démontré que sa connaissance du monde musulman s’arrêtait à peu près à l’ère et au style politique de Saddam Hussein", n'a fait que satisfaire "la suspicion ambiante", par un nouvel outil de "surveillance", affirme encore Burgat dans l'interview accordée à l'Agence Anadolu (AA).

Aucun sondage ne prévoit à l'heure actuelle les intentions de vote des musulmans pour l'élection présidentielle de 2017. En revanche, c'était François Hollande qui avait largement dominé le vote musulman au second tour en 2012, selon de nombreux sondages, obtenant entre 86% et 93% des voix des Français musulmans.


           

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