Les universités ivoiriennes, rénovées, attendent le retour des étudiants


Vendredi 24 Août 2012 - 15:12
AFP


Abidjan - Fermées après la sanglante crise politique ivoirienne de 2010-2011, les universités d'Abidjan font peau neuve et s'apprêtent à rouvrir le 3 septembre, pour rompre avec des années qui ont vu le temple du savoir se transformer en école de la violence.


Les universités ivoiriennes, rénovées, attendent le retour des étudiants
Sur le campus de Cocody (quartier chic du nord d'Abidjan), rebaptisé du nom du "père de la Nation" Félix Houphouët-Boigny, des ouvriers s'affairent encore en vue du jour J. Mais le site, immense, est déjà impressionnant, avec ses amphithéâtres et ses logements flambants neufs et ses grands terrains de sport.

Rien à voir avec le spectacle qu'offrait cette université aux bâtiments ravagés en avril 2011, au sortir d'une crise postélectorale de quatre mois qui s'est conclue par deux semaines de guerre et a fait quelque 3.000 morts. Tout juste arrivé au pouvoir, le président Alassane Ouattara avait décidé de fermer les deux universités de la capitale économique pour engager des travaux d'envergure.

"Ce n'est pas une simple réhabilitation. Nous avons été obligés de faire la reconstruction parce que tout avait été pillé, cassé et vandalisé", explique à l'AFP le ministre de l'Enseignement supérieur, Ibrahima Cissé Bacongo.

Les travaux, qui concernent les cinq facultés du pays, coûteront au total "100 milliards de francs CFA (150 millions d'euros), l'équivalent de trois universités neuves", souligne-t-il.

Pour plus de 80.000 étudiants, la rentrée "va marquer un départ nouveau, une rupture totale avec le passé", affirme-t-il.

Selon M. Bacongo, "les étudiants étaient manipulés, instrumentalisés par l'ancien régime de Laurent Gbagbo (tombé en avril 2011, ndlr) et avaient développé la violence en milieu universitaire".

En cause: la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire (Fesci), syndicat tout-puissant et allié du régime Gbagbo durant la décennie 2000.

Syndicat étudiant ou "association mafieuse"

Considérée comme responsable de multiples violences et d'un racket généralisé, la Fesci faisait régner la terreur sur les campus. M. Gbagbo lui-même avait parlé d'une "association mafieuse".

Le syndicat étudiant n'a pas été dissous, comme cela avait été un temps envisagé, mais il a été marginalisé par le pouvoir à la faveur de la fermeture des universités d'Abidjan.

Son secrétaire général Augustin Mian fait contre mauvaise fortune bon coeur et assure qu'après "de grands moments de doutes", le mouvement saura "s'adapter aux nouvelles exigences". "Pour le bonheur de l'école, il faut que la quiétude et la sérénité reviennent à l'université", plaide-t-il.

Mais la fermeture des universités a aussi suscité des tensions: le Front populaire ivoirien (FPI), le parti de M. Gbagbo, a parlé d'une "mise à mort" de l'enseignement supérieur.

"On ne ferme pas une université", s'indigne le professeur Dédy Séry, proche du FPI. "C'est comme si on décapitait l'avenir du pays", tonne ce sociologue, enseignant à l'université de Cocody, dénonçant un "crime culturel".

D'après lui, le régime Ouattara s'est aussi livré à une "chasse aux sorcières" parmi les professeurs, alliés traditionnels du camp Gbagbo.

Par ailleurs, l'augmentation récente des frais d'inscription, passés de 6.000 FCFA (9 euros) à 100.000 FCFA (150 euros) pour le premier cycle, a soulevé un tollé, jusqu'à ce que le tarif soit révisé à 30.000 FCFA (45 euros).

Le contrat - de gré à gré - signé pour la rénovation des universités a enfin fait jaser. M. Ouattara a ordonné une enquête sur les "conditions d'attribution" du marché pour Abidjan et a limogé le directeur financier du ministre Bacongo pour "problèmes de gouvernance" lors des travaux. Beaucoup critiquent le coût de ce chantier, qui a plus que doublé en quelques mois.

Pour Eric Ahizi, 22 ans, étudiant en science économique, la prochaine rentrée met fin en tout cas à "un vrai cauchemar": "il me restait une année pour terminer avec la maîtrise et me lancer sur le marché du travail, aujourd'hui très saturé". Il se dit pressé de rejoindre les nouveaux locaux, de "belles réalisations" qu'il faudra toutefois "entretenir".


           

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