Des représentants d'associations caritatives oeuvrant dans ce domaine aux familles des patients, les gens parlent de ce qu'ils considèrent être un système de soin des maladies mentales dangereusement inadapté.
Selon les chiffres officiels, le ministère de la Santé emploie un total de 116 psychiatres dans 9 hôpitaux spécialisés et 16 centres médicaux de province. Quatorze psychologues apportent par ailleurs une assistance aux patients hospitalisés. Le pays compte 1 910 lits d'hôpitaux spécialisés.
"Nos voisins algériens et tunisiens", toutefois, disposent de trois fois plus de lits qu'au Maroc, explique Driss Moussaoui, le directeur du centre de psychiatrie de l'Université Ibn Rochd.
Ce problème d'infrastructure va bien au-delà d'un simple manque de lits. Une très forte pénurie de personnel qualifié se fait également cruellement sentir. Dans l'ensemble du pays, on recense seulement 350 psychiatres, soit un pour 100 000 habitants.
Confrontées à une telle situation, les familles marocaines sont souvent contraintes de prendre en charge leurs parents atteints de maladies mentales. "Beaucoup manquent du soutien approprié", explique Naima Trachen, président d'Amali, une association qui se consacre à apporter un soutien et à former les familles des personnes atteintes de troubles psychiatriques.
Les parents ont la terrible charge de tenter de gérer par eux-mêmes les maladies de leurs enfants. Certains sont confrontés à un choix insoutenable : s'occuper d'un proche ou quitter leur travail.
Wassila Himmadi a un fils de 23 ans atteint d'une maladie mentale, qui a été décelée à l'âge de 15 ans. Ancienne enseignante, elle a dû quitter son travail pour s'occuper de lui. Depuis huit ans, elle veille sur lui jour et nuit.
Parfois il devient agressif et peut causer d’énormes dégâts autour de lui.
"J’aurais aimé confier Saâd à un organisme spécialisé pour qu’il soit bien soigné et pour qu’il s’épanouisse, lui aussi, en dépit de son handicap. Mais malheureusement, les centres pour la maladie mentale manquent cruellement. Ceux qui existent ne peuvent pas prendre en charge un trouble chronique", explique-t-elle à Magharebia, l'air triste mais résigné.
Son cas est semblable à celui de très nombreuses familles. Et encore Wassila peut-elle tant bien que mal gérer son quotidien grâce à la situation financière confortable de son mari.
D'autres ont en revanche moins de chance.
La vie de Siham est un enfer. Elle n'a aucune ressource financière. Chaque matin, elle enferme sa fille de 20 ans atteinte d'une maladie mentale dans sa chambre et part au travail. "Quand je m’absente, elle crie et casse tout. Mais, je suis obligée de la laisser pour avoir de quoi manger et payer le loyer de notre chambre", explique-t-elle.
Depuis cinq ans que son mari l’a quittée, l’état de sa fille s’est détérioré. Siham n’a pas les moyens d’acheter les médicaments que le médecin a prescrits pour sa fille pour la calmer et est donc contrainte de subir les réactions très changeantes de cette dernière.
"Les voisins me boudent car ils ont tous été malmenés par Aïcha. Moi aussi, je subis ses mauvaises humeurs lorsque je retourne à la maison. Mais je suis sa mère et je dois tout supporter, même si parfois je me demande si l’Etat n’est pas responsable de ces citoyens malades qui ont besoin d’un soin particulier et permanent", ajoute-t-elle.
Une question la taraude en permanence : "Qu’adviendra-t-il de ma fille quand je ne serais plus de ce monde ?"
Certaines familles finissent par baisser les bras face à cette "charge délicate et épuisante". Elles choisissent d'abandonner leurs proches, les laissant seuls dans la rue face à la réalité du quotidien.
Saïd M., la soixantaine, raconte à Magharebia l'histoire de son frère Moha, qui a souffert pendant dix ans de la maladie mentale de sa femme. Moha a finalement choisi de laisser Kenza face à son destin à Marrakech, où les passants charitables lui donnent l'aumône.
"Il a tout essayé pour qu’elle guérisse", explique Saïd. "Il prenait soin d'elle. Mais il a décidé de la laisser seule dans un mausolée quand il a épuisé tous ses moyens financiers et ne pouvait plus s'en charger. Par la suite, on n’a plus eu aucune nouvelle d’elle."
"Peut-être qu’elle est morte ou qu’elle erre dans les rues", conclut-il.
Pour répondre aux besoins de la population, médecins et infirmières demandent au gouvernement de développer les infrastructures d'accueil et de former plus de personnels.
"Il est par exemple inconcevable qu’un hôpital de 180 lits n’ait pas d’ambulances", explique Hassan Rami, infirmier à l'hôpital psychiatrique de Berrchid.
Moussaoui, professeur à l'université, explique que si la situation est certainement très préoccupante au Maroc, elle est bien meilleure qu'il y a trente ans.
Mais malgré les améliorations de ces dernières années, le ministère de la Santé reconnaît qu'il reste encore beaucoup à faire. Dans le cadre du plan national d'action 2008-2012, le Maroc souhaite améliorer les soins psychiatriques et lutter contre la discrimination et les stigma liés à la vie en proximité avec des personnes atteintes de ces maladies. Un autre volet de ce plan concerne la santé mentale des enfants et des adolescents, avec un accent particulier sur les problèmes de toxicomanie.
Pratiquement, ce plan devrait permettre de créer 1 000 lits d'hôpitaux et 100 lieux de consultations spécialisées. Quatre structures de prise en charge spécialisées pour les enfants et les adolescents verront le jour au cours des trois prochaines années.
Les patients bénéficieront d'un accès gratuit à certains médicaments, comme les psychotropes, et le ministère formera des centaines de psychiatres et d'infirmières spécialisées.
Une enquête nationale de prévalence des troubles mentaux chez la population générale, la première du genre au Maroc, rendue publique en 2007, a montré que 48,9 pour cent des personnes consultées présentaient au moins un signe relevant d’une mauvaise santé mentale (tic nerveux, insomnie passagère, état d’anxiété, dépression).
Selon le rapport du ministère de la Santé, les troubles mentaux affectent au moins 5 pour cent de la population adulte. En d'autres termes, le Maroc compte près de 1,5 million de personnes ayant besoin d'une forme ou d'une autre de traitement médical spécialisé dans ce domaine.
Selon les chiffres officiels, le ministère de la Santé emploie un total de 116 psychiatres dans 9 hôpitaux spécialisés et 16 centres médicaux de province. Quatorze psychologues apportent par ailleurs une assistance aux patients hospitalisés. Le pays compte 1 910 lits d'hôpitaux spécialisés.
"Nos voisins algériens et tunisiens", toutefois, disposent de trois fois plus de lits qu'au Maroc, explique Driss Moussaoui, le directeur du centre de psychiatrie de l'Université Ibn Rochd.
Ce problème d'infrastructure va bien au-delà d'un simple manque de lits. Une très forte pénurie de personnel qualifié se fait également cruellement sentir. Dans l'ensemble du pays, on recense seulement 350 psychiatres, soit un pour 100 000 habitants.
Confrontées à une telle situation, les familles marocaines sont souvent contraintes de prendre en charge leurs parents atteints de maladies mentales. "Beaucoup manquent du soutien approprié", explique Naima Trachen, président d'Amali, une association qui se consacre à apporter un soutien et à former les familles des personnes atteintes de troubles psychiatriques.
Les parents ont la terrible charge de tenter de gérer par eux-mêmes les maladies de leurs enfants. Certains sont confrontés à un choix insoutenable : s'occuper d'un proche ou quitter leur travail.
Wassila Himmadi a un fils de 23 ans atteint d'une maladie mentale, qui a été décelée à l'âge de 15 ans. Ancienne enseignante, elle a dû quitter son travail pour s'occuper de lui. Depuis huit ans, elle veille sur lui jour et nuit.
Parfois il devient agressif et peut causer d’énormes dégâts autour de lui.
"J’aurais aimé confier Saâd à un organisme spécialisé pour qu’il soit bien soigné et pour qu’il s’épanouisse, lui aussi, en dépit de son handicap. Mais malheureusement, les centres pour la maladie mentale manquent cruellement. Ceux qui existent ne peuvent pas prendre en charge un trouble chronique", explique-t-elle à Magharebia, l'air triste mais résigné.
Son cas est semblable à celui de très nombreuses familles. Et encore Wassila peut-elle tant bien que mal gérer son quotidien grâce à la situation financière confortable de son mari.
D'autres ont en revanche moins de chance.
La vie de Siham est un enfer. Elle n'a aucune ressource financière. Chaque matin, elle enferme sa fille de 20 ans atteinte d'une maladie mentale dans sa chambre et part au travail. "Quand je m’absente, elle crie et casse tout. Mais, je suis obligée de la laisser pour avoir de quoi manger et payer le loyer de notre chambre", explique-t-elle.
Depuis cinq ans que son mari l’a quittée, l’état de sa fille s’est détérioré. Siham n’a pas les moyens d’acheter les médicaments que le médecin a prescrits pour sa fille pour la calmer et est donc contrainte de subir les réactions très changeantes de cette dernière.
"Les voisins me boudent car ils ont tous été malmenés par Aïcha. Moi aussi, je subis ses mauvaises humeurs lorsque je retourne à la maison. Mais je suis sa mère et je dois tout supporter, même si parfois je me demande si l’Etat n’est pas responsable de ces citoyens malades qui ont besoin d’un soin particulier et permanent", ajoute-t-elle.
Une question la taraude en permanence : "Qu’adviendra-t-il de ma fille quand je ne serais plus de ce monde ?"
Certaines familles finissent par baisser les bras face à cette "charge délicate et épuisante". Elles choisissent d'abandonner leurs proches, les laissant seuls dans la rue face à la réalité du quotidien.
Saïd M., la soixantaine, raconte à Magharebia l'histoire de son frère Moha, qui a souffert pendant dix ans de la maladie mentale de sa femme. Moha a finalement choisi de laisser Kenza face à son destin à Marrakech, où les passants charitables lui donnent l'aumône.
"Il a tout essayé pour qu’elle guérisse", explique Saïd. "Il prenait soin d'elle. Mais il a décidé de la laisser seule dans un mausolée quand il a épuisé tous ses moyens financiers et ne pouvait plus s'en charger. Par la suite, on n’a plus eu aucune nouvelle d’elle."
"Peut-être qu’elle est morte ou qu’elle erre dans les rues", conclut-il.
Pour répondre aux besoins de la population, médecins et infirmières demandent au gouvernement de développer les infrastructures d'accueil et de former plus de personnels.
"Il est par exemple inconcevable qu’un hôpital de 180 lits n’ait pas d’ambulances", explique Hassan Rami, infirmier à l'hôpital psychiatrique de Berrchid.
Moussaoui, professeur à l'université, explique que si la situation est certainement très préoccupante au Maroc, elle est bien meilleure qu'il y a trente ans.
Mais malgré les améliorations de ces dernières années, le ministère de la Santé reconnaît qu'il reste encore beaucoup à faire. Dans le cadre du plan national d'action 2008-2012, le Maroc souhaite améliorer les soins psychiatriques et lutter contre la discrimination et les stigma liés à la vie en proximité avec des personnes atteintes de ces maladies. Un autre volet de ce plan concerne la santé mentale des enfants et des adolescents, avec un accent particulier sur les problèmes de toxicomanie.
Pratiquement, ce plan devrait permettre de créer 1 000 lits d'hôpitaux et 100 lieux de consultations spécialisées. Quatre structures de prise en charge spécialisées pour les enfants et les adolescents verront le jour au cours des trois prochaines années.
Les patients bénéficieront d'un accès gratuit à certains médicaments, comme les psychotropes, et le ministère formera des centaines de psychiatres et d'infirmières spécialisées.
Une enquête nationale de prévalence des troubles mentaux chez la population générale, la première du genre au Maroc, rendue publique en 2007, a montré que 48,9 pour cent des personnes consultées présentaient au moins un signe relevant d’une mauvaise santé mentale (tic nerveux, insomnie passagère, état d’anxiété, dépression).
Selon le rapport du ministère de la Santé, les troubles mentaux affectent au moins 5 pour cent de la population adulte. En d'autres termes, le Maroc compte près de 1,5 million de personnes ayant besoin d'une forme ou d'une autre de traitement médical spécialisé dans ce domaine.