Musulmans en Europe : Des chiffres, des débats et des inquiétudes


Vendredi 5 Janvier 2018 - 12:33
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L'estimation du nombre de Musulmans en Europe anime de plus en plus les débats politiques ces dernières années. Lequel débat porte essentiellement sur la proportion de la population musulmane dans l’ensemble de la société européenne, notamment celle de la France.


Après l’étude publiée le 29 novembre 2017 par l’Institut de recherche américain Pew sur la population musulmane d’Europe d’ici 2050, les scénarios révélés sur le nombre de Musulmans ont suscité des discussions sur la méthode selon laquelle ces données ont été établies.

D’après le premier scénario (scénario d’immigration zéro), en 2050, le nombre des Musulmans en Europe pourrait passer à 7,4% de sa population totale (12,7% de celle de la France). Ceci s’explique par la fertilité (les Musulmans sont plus jeunes et ont un enfant de plus par femme que les autres européennes).

Un second scénario, à portée moyenne (la poursuite des migrations régulières vers l’Europe), suppose que les Musulmans pourraient représenter 11,2% de la population européenne en 2050 (dont 17,4% en France).

Enfin, le troisième scénario prévoit une forte immigration (l’accroissement des flux de réfugiés ajoutés au flux annuel des migrations régulières), où la population musulmane pourrait atteindre 14% de l’ensemble de la population européenne (18% en France). 

Les débats sur les chiffres de ces trois scénarios reflètent également les inquiétudes en rapport, d’une part, avec l’avenir de la société (la perception de la laïcité menacée) et, d’autre part, avec la question de la sécurité, liée au faits migratoires en Europe (la peur des salafistes ou des djihadistes). 

- Des réactions contre les chiffres de Pew : qu’est-ce qu’un Musulman ? 

Le rapport produit par l’Institut américain a suscité des réactions dans le monde scientifique, remettant en cause la fiabilité des chiffres avancés par ces projections.

La principale réaction concerne l’établissement des statistiques religieuses. D’après le monde scientifique, il faut d’abord donner une définition sur ce qu’être Musulman.

Il serait, d'après cette thèse, plus juste de partir sur la base du niveau de religiosité au lieu de l’appartenance religieuse pour dresser une statistique sur le nombre des Musulmans.

Ce point de vue avance qu’il faut faire la distinction entre le Musulman sociologique (la personne venant d’une famille musulmane) et le Musulman réel (la personne qui se considère comme musulman et qui pratique l’Islam).

Car, selon les chiffres projetés, toute personne d’origine musulmane en France est perçue comme musulmane, alors que ce n’est pas le cas pour certaines d’entre elles. Ce qui se traduit par une surestimation du nombre de Musulmans.

Un autre facteur de cette surestimation consiste en l’ajout à ces chiffres des descendants nés des mariages mixtes et qu’on ne peut présumer qu’ils sont tous Musulmans.

De part ces réactions, on constate une critique sur l’usage du terme «Musulman» qui agrège des pratiquants et des non-pratiquants.

Si on prend en compte les personnes qui s’auto-déclarent Musulmans et ceux qui pratiquent l’Islam au sens du terme, on estimerait le nombre de Musulmans en France à environ 2 millions. Ces débats sont accompagnés de recherches effectuées sur l’opinion religieuse des Musulmans.

Dans ce contexte, des discussions sur l’athéisme chez les Musulmans ont commencé à voir le jour dans toute la géographie musulmane (un article sur le Monde vient d’être publié dans ce sens).

- Pourquoi cette inquiétude sur le nombre des Musulmans ? 

Les statistiques, auxquelles on reproche de surestimer le nombre de Musulmans, nourrissent la peur en France, en particulier en lien avec l’immigration, l’altérité et le terrorisme en distinguant les différentes catégories d’Islam tels que les salafistes, les djihadistes, etc.

l’Islam et l’intégration surgissent comme deux faces de cette peur. Dans les débats sur l’intégration qui persistent depuis des décennies, le discours de la laïcité menacée domine l’opinion publique.

D’après l’enquête réalisée en octobre 2017 par Opinionway pour le compte de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), 57% des personnes interrogées estiment que la laïcité n’est pas suffisamment défendue en France et 53% pensent qu’il ne faut pas modifier la loi de 1905 sur la laïcité pour tenir compte des évolutions de la société.

90 % de ces personnes interrogées pensent qu’il ne faut pas tenir compte de l’appartenance religieuse dans le domaine sportif, 89% dans les entreprises et les services publics, 87% dans les écoles et 81% dans les hôpitaux.

À cet effet, tant dans la société que dans le milieu politique, l’inquiétude sur la proportion de la population musulmane en France provient d’une part de la gestion de l’Islam par rapport au discours de sécurité (le djihadisme croissant).

D’autre part, cette inquiétude provient du discours sur la laïcité qui est devenue la valeur la plus défendue face aux revendications identitaires et communautaires et face à la visibilité de l’Islam dans les débats sociaux.

Ainsi, l’affirmation du monde scientifique selon laquelle le nombre des Musulmans n’est pas aussi élevé que le prétend l’étude américaine, devient de plus en plus compréhensible, au vu de ces inquiétudes que vivent la France et les Français. 


           

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