Pakistan : le retour aux principes fondateurs


Samedi 18 Juillet 2009 - 10:09
Hdhod - Haroon Nasir


Haroon Nasir (Hdhod) - Le 11 août 1947, le Pakistan venait à peine de voir le jour. L’Assemblée constituante, chargée de rédiger la constitution et de servir de premier parlement, tenait sa première session. Joginder Nath Mandal, un Hindou émanant d’une caste traditionnellement marginalisée dans la société, fut choisi pour la présider. Quaid-e-Azam Muhammad Ali Jinnah, le fondateur du Pakistan, déclara, "Vous êtes libres; vous êtes libres d’aller dans vos temples; vous êtes libres d’aller dans vos mosquées ou dans vos autres lieux sacrés dans tout l’Etat pakistanais. Vous pouvez appartenir à n’importe quelle caste, n’importe quelle croyance – cela n’a rien à voir avec les affaires de l’Etat".


Pakistan : le retour aux principes fondateurs
C’est ainsi que Muhammad Ali Jinnah dressa un cadre pluraliste dans lequel le Pakistan pourrait s’épanouir en tant qu’Etat musulman moderne.

Toutefois, après sa mort en 1948, ce modèle fut mis au rancart, les dirigeants qui lui succédèrent exploitant le fait religieux (le Pakistan compte 96% de musulmans) bien plus pour diviser que pour réunir. En 1949, le parlement adoptait la Résolution sur les objectifs en préambule à la constitution, déclarant le Pakistan un Etat islamique régi par les principes de la religion islamique.

Les Ahmadiyya, communauté musulmane qui croit que la promesse du retour de Jésus sur terre a été accomplie, ont été déclarés non-musulmans par l’Assemblée nationale en 1954. De surcroît, les établissements éducatifs et hospitaliers des missions ont été nationalisés en 1972, ce qui a entraîné une détérioration de leur qualité et de leur efficacité, sans parler de la marginalisation de la communauté missionnaire chrétienne qui avait jusque là fort bien géré ces institutions.

Au tournant de la décennie 80, souhaitant conférer une légitimité à son régime militaire, le Président Général Zia ul-Haq mit en train un processus d’"islamisation". Son gouvernement commença donc à appliquer la charia en publiant les décrets d’application de l’Ordonnance Hudud, loi qui autorise des châtiments tels que la lapidation, les amputations et le fouet pour punir l’adultère, le vol et la consommation d’alcool, sur la foi des décisions de certains spécialistes du droit se prévalant de prétendus précédents historiques.

Pendant toutes ces années, le programme des écoles publiques a été réformé pour y inclure un contenu islamique prépondérant, censé fortifier la “fibre islamique” de la jeunesse et glorifier les héros musulmans. Le nouveau programme ignore les citoyens non musulmans et leur rôle dans le développement national, polarisant ainsi la société selon des lignes de force confessionnelles.

Malgré cette politique, le citoyen ordinaire ne désespéra jamais de voir se réaliser le modèle envisagé par les pères fondateurs: une société pluraliste au sein d’un pays à majorité musulmane.

Détectant dans l’extrémisme religieux une menace collective, les Pakistanais de toutes croyances, de toutes origines ethniques et de toutes cultures se sont mis à travailler à l’édification d’un Pakistan plus tolérant. Grâce à cette mouvance, le soutien aux victimes du tremblement de terre de 2005 et aux personne déplacées des suites de l’affrontement entre les Taliban et le gouvernement a réussi à transcender les frontières religieuses.

La présence de plus en plus affirmée des organisations de la société civile, leur travail en faveur des droits de l’homme et de la femme, des libertés civiles et des responsabilités civiques témoignent d’une aspiration à l’égalité. Des initiatives remontant de la base, comme le Critical Mass Movement, le Mouvement des juristes et Nous les Pakistanais font renaître un sentiment d’espoir collectif en apportant une aide aux personnes déplacées, en organisant les jeunes en escouades de nettoyage urbain et en menant des campagnes de conscientisation qui transcendent les loyautés religieuses, culturelles et ethniques.

Le pays doit exploiter ces mouvements et agir immédiatement afin de corriger les erreurs du passé et de transformer les obstacles en occasions à ne pas manquer. Les mesures suivantes pourraient contribuer à remettre le pays sur les rails:

1) Réformer les programmes des écoles publiques pour tenir compte de toutes les opinions et pour inculquer aux élèves le respect de la différence et de la modernité dans une nation moderne.

2) Réviser les programmes des madrasa (écoles religieuses islamiques) pour y inclure l’enseignement des sciences sociales et naturelles, des mathématiques, des langues et littératures étrangères, des sciences sociales, de l’éducation civique et des religions du monde, autant de matières susceptibles d’ouvrir les jeunes esprits à la compréhension de la vie intérieure du pays et des affaires internationales.

3) Valoriser l’apport constructif des Pakistanais non-musulmans dans les médias. Avec une formation appropriée, les médias peuvent aussi jouer un rôle en privilégiant les aspects positifs de l’actualité et en s’interdisant de diffamer les groups minoritaires.

4) Abolir ou réformer les lois discriminatoires qui compliquent la coexistence des musulmans et des non-musulmans, comme la loi sur le blasphème (Articles 295-B et 295-C du Code pénal), qui a souvent permis de traduire en justice des non-musulmans accusés de profaner le Coran ou de tenir des propos injurieux sur le Prophète Mahomet, ou encore la loi sur le témoignage, selon laquelle le témoignage d’une femme n’a pas la même valeur que celui d’une homme et un non-musulman ne peut témoigner contre un musulman.

Depuis la fondation du Pakistan, les non-musulmans ont fait partie intégrante de l’Etat. D’ailleurs, le drapeau du pays exprime cette diversité: le champ blanc à gauche représente la population non-musulmane, tandis que la partie vert sombre à droite symbolise la composante musulmane.

Ce ne sera pas chose facile, mais les Pakistanais doivent impérativement retrouver l’esprit d’unité dans la diversité qui a façonné ses principes fondateurs.


           

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