Per Olov Enquist: "il ne faut pas qu'il y ait des crimes dans chaque roman"


Mardi 15 Mars 2011 - 11:09
AFP


Stockholm - Avant le Salon du livre de Paris où les pays nordiques sont à l'honneur (18-21 mars), l'auteur suédois Per Olov Enquist revient sur ce qui fait la particularité de cette littérature qu'il juge trop connue pour ses polars et lance un appel: "lisez même de la merde, mais lisez!"


Per Olov Enquist
Per Olov Enquist
Question: qu'est-ce qui fait la particularité de la littérature nordique ?

Per Olov Enquist: "Il y a la tradition de sagas des Islandais qui sont des histoires terribles de crimes (des récits anonymes sur des faits héroïques remontant aux 10e et 11e siècles, ndlr). Cette tradition du conteur est plus ancrée dans les pays scandinaves que dans le reste de l'Europe. Mais la tradition de la lecture est également très importante dans les pays nordiques. Le fait d'écrire dans une langue mineure, parfois les gens pensent que c'est un handicap, mais moi je ne crois pas. C'est une chance extraordinaire pour être traduit ! En outre, le suédois est une très belle langue, pleine de possibilités, de nuances. Moi, en plus, j'ai un passé très religieux et j'ai à ma disposition des nuances bibliques, le dialecte (de sa région d'origine du Västerbotten, nord), et le suédois: je peux voyager entre ces trois niveaux sémantiques et utiliser les trois. J'aime beaucoup ça."

Q: actuellement, les gens lisent beaucoup de polars nordiques, est-ce une bonne manière d'entrer dans la littérature de cette région ?

POE: "J'espère que parfois ils lisent aussi autre chose... Mais je ne suis pas jaloux des romans policiers. Au moins, les gens lisent. Il est important, dans ce monde de chaînes de télévision et d'ordinateurs, de faire lire les gens. Que ce soit de la merde ou de bons livres."

Q: qu'attendez-vous du Salon du livre pour la littérature nordique ?

POE: "Il y a quelques années, tout le monde lisait des romans latino-américains et maintenant les gens se mettent à lire sur la Suède... Mais il ne faut pas qu'il y ait des crimes dans chaque roman ! Les gens lisent sur la Suède que dans chaque petit village, dans chaque ville, il y a plein de criminels psychopathes, que le Mal est partout en Suède. Mais ils ne lisent que peu de livres sur la Suède normale, sur l'expérience sociale très réussie appelée Suède."

Q: vous-mêmes, vous ne dépeignez pas une Suède idyllique. La littérature est-elle un moyen de dépeindre les côtés sombres du pays ?

POE: L'Extradition des Baltes (roman de 1968 sur la restitution aux autorités soviétiques en 1946 de prisonniers militaires baltes détenus en Suède, ndlr), est une façon intéressante de regarder la Suède d'un oeil critique. D'ailleurs, n'est-ce pas un roman policier ? Un enquêteur qui tente de découvrir la vérité dans une histoire traumatisante... Ce serait l'un des premiers polars suédois ! Cela a intéressé beaucoup de Suédois et beaucoup d'autres pays: nous n'étions pas si gentils. Je ne pense pas que les Suédois aient peur de se regarder. Je pense qu'ils seraient ennuyés à mourir si l'on écrivait un roman disant que tout est parfait en Suède."

Q: Votre autobiographie Une autre vie (Actes Sud) est-elle une thérapie, une confession ?

POE: Je n'ai à me confesser devant personne ! La confession a une connotation religieuse alors que moi j'ai juste voulu raconter une histoire. Je ne pense pas non plus que ce soit une thérapie. Le plus terrible pour un écrivain ce n'est pas d'écrire, mais de ne pas écrire. C'est une période de ma vie qui est maintenant derrière moi et que j'ai été content de raconter. Je m'étais longtemps dit que je n'écrirais pas un mot de tout ça. Et puis soudain, j'ai commencé et je n'ai plus pu m'arrêter."

Propos recueillis par Igor GEDILAGHINE


           

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