Précieuses pièces aztèques


Dimanche 21 Décembre 2008 - 20:10
Le Monde.fr/Nathaniel Herzberg


Le Mexique est parti en guerre contre les ventes de ses objets précolombiens. Pour la deuxième fois en trois mois, la police française a saisi, mercredi 17 décembre, une série de pièces aztèques à quelques heures de leur vente à Drouot par le commissaire-priseur Jean-Claude Binoche.


Précieuses pièces aztèques
Les enquêteurs de l'office central de lutte contre le trafic des biens culturels agissaient dans le cadre de l'accord d'entraide judiciaire qui lie les deux pays.
Trente et une pièces ont donc été retirées, mercredi matin, de la vente Binoche-Renaud-Giquello, qui devait commencer à 14 h 30. Des objets de taille modeste : personnages, masques, figurines, haches, vases ou coupes. "Des pièces modestes, de la broutille", indique Jean-Claude Binoche. La plus chère, un masque funéraire en pierre, de culture Chontal, était estimée entre 15 000 et 18 000 euros.

Mais, pour le Mexique, l'affaire est essentielle. Dès la saisie achevée, l'ambassade a transmis un communiqué triomphal annonçant la "saisie provisoire de biens archéologiques mexicains en France". Soulignant la "politique déterminée menée par le Mexique pour la préservation de son patrimoine culturel", l'ambassade a estimé qu'il était "notoire que depuis 1827, déjà, la législation mexicaine interdit de façon absolue l'exportation de biens archéologiques sans autorisation préalable". "Les autorités mexicaines sont décidées à mettre en oeuvre les instruments juridiques dont elles disposent en France pour parvenir à la restitution des objets préhispaniques", conclut le communiqué.

"Coup de bluff"

L'affaire n'est pas gagnée. Pour récupérer ces pièces, le Mexique doit prouver que leur acquisition était frauduleuse. Non pas aux yeux de la justice mexicaine, mais à ceux de la loi française. Or la convention de l'Unesco sur la protection des biens culturels date de 1970, et n'a été ratifiée par la France qu'en 1997. Pour peu que les biens soient entrés en France avant cette date et que leurs propriétaires soient de bonne foi, rien ne peut être entrepris.

A écouter Jean-Claude Binoche, la provenance des objets incriminés est "parfaitement connue". Pour la saisie du 13 septembre, il s'agissait d'une grande collection américaine et de celle de Jacques Kerchache, l'un des parrains du Musée du quai Branly. Pour ce deuxième round, l'essentiel des objets a été ramené "dans les années 1950 par un ancien ambassadeur de France au Mexique", assure le commissaire-priseur. Le catalogue de la vente précise même que le diplomate avait acquis une partie des pièces auprès du surréaliste Wolfgang Paalen, ami de Breton, réfugié au Mexique pendant la guerre.

Me Binoche y voit donc "de la gesticulation, un coup de bluff qui ne vise pas à récupérer les objets mais à pourrir le marché". "Vérifier la provenance des objets est normal, et nous le faisons, poursuit-il, mais nous ne pouvons pas accepter n'importe quelle revendication de n'importe quel pays dans n'importe quelle condition. Sinon, c'est l'engrenage. Derrière, il y aura l'art africain, etc." Opération réussie ? "Pour l'instant oui, reconnaît le commissaire-priseur. Mais j'ai une consolation : dès la levée des saisies, je peux déjà vous annoncer une très belle vente. Elle sera intégralement consacrée au Mexique."


           

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