Présidentielle en Tunisie: "Khalil Tounes", l'émission caritative de Nabil Karoui


Mercredi 9 Octobre 2019 - 11:40
AFP


Tunis - Le magnat des médias Nabil Karoui, candidat qualifié au second tour de la présidentielle tunisienne et incarcéré, s'est notamment fait connaître grâce à l'émission caritative "Khalil Tounes" diffusée par la chaîne qu'il a fondée, Nessma TV.


Nabil Karoui a lancé l'émission "Khalil Tounes" en mars 2017 en mémoire de son fils, Khalil, mort à 22 ans dans un accident de voiture en août 2016.

Le programme est diffusé quotidiennement en prime time et mis en avant via les réseaux sociaux et les retransmissions en ligne sur le site de Nessma TV, l'une des principales chaînes privées du pays, qui émet sans licence depuis des années.

Lors d'une émission diffusée en juin, après la distribution de 10.000 repas durant le ramadan, Nabil Karoui a annoncé qu'il cessait de la présenter, en raison de sa candidature à la présidentielle annoncée le 28 mai.

Les partis politiques ont interdiction de distribuer des biens, et un projet de loi rendant cette interdiction rétroactive sur un an a failli empêcher M. Karoui de se présenter à la présidentielle.

Nessma TV continue cependant à diffuser Khalil Tounes plusieurs fois par jour pendant la campagne électorale, que M. Karoui, incarcéré depuis fin août et soupçonné de "blanchiment d'argent", ne peut mener en personne.

L'émission met en scène des campagnes de charité à grand renfort de publicité, où des "volontaires" distribuent nourriture, habits et électroménager, sous l'oeil des caméras.

On y voit notamment le magnat des médias quinquagénaire, cheveux poivre et sel, traits fins, habits griffés et style branché, sillonner les quatre coins du pays comme aucun politicien ne l'a fait, en écoutant les doléances des plus démunis.

Des séquences montrent également des bénéficiaires de ces aides, issus de catégories sociales habituellement absentes des grands médias, raconter leur quotidien miséreux.

Dans certaines émissions, des hôpitaux de campagne sont installés pendant quelques jours dans une ville pour prodiguer des soins aux plus démunis.

"+Khalil Tounes+ m'a permis de me rapprocher des gens, de réaliser les énormes problèmes sociaux dans le pays. Le contact direct avec les gens m'a beaucoup touché", avait indiqué à l'AFP Nabil Karoui, peu avant son incarcération.

Il n'hésite pas à se comparer à Mère Teresa ou l'Abbé Pierre, mais la générosité désintéressée a ses limites: elle est soigneusement répertoriée sur le site dédié à son émission.

L'association caritative, appuyée sur des sponsors, revendique au total 500.000 bénéficiaires sur sa page internet. Une de ses responsables a indiqué à l'AFP qu'en 2017, 320.000 dinars (100.000 euros) de dons ont été distribués.

Les aides alimentaires fournies par M. Karoui ont été si largement médiatisées par Nessma qu'il est aujourd'hui surnommé "Nabil Makarouna", en référence aux pâtes distribuées.

Nombre de ses rivaux politiques ont reproché à l'homme d'affaires de s'être servi de Nessma TV et plus particulièrement de "Khalil Tounes" pour faire campagne.

Les spectateurs eux sont partagés: si certains critiquent des opérations intéressées, et financées par des tiers, annonceurs et donateurs, d'autres soulignent qu'il a aidé des gens abandonnés par l'Etat.

Quelques semaines avant le premier tour de la présidentielle le 15 septembre, l'Instance chargée d'organiser les élections (Isie) et le régulateur de l'audiovisuel (Haica) avaient décidé d'interdire à trois médias émettant illégalement, dont Nessma TV, de couvrir la campagne électorale.

Condamnée à de nombreuses amendes, la chaîne fait l'objet depuis octobre 2018 d'une interdiction de diffusion, mais continue à émettre via satellite.

Le régulateur de l'audiovisuel tunisien (Haica) a reproché à Nessma TV de faire de la "publicité politique" pour M. Karoui.

"Il a vu qu'à travers la télévision et les actions de charité il peut entrer dans chaque foyer marginalisé", avance Alaa Talbi, président du Forum tunisien des droits économique et sociaux (FTDES). Vu "l'absence des institutions de l'Etat", il lui est "facile de combler le vide", ajoute-t-il.


           

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