Universitaires et publicitaires, responsables politiques ou d'associations-relais y passent au crible de leur expérience et de leur expertise une cinquantaine de campagnes d'information menées par l'Etat depuis une trentaine d'années pour sensibiliser les Français aux causes d'intérêt général. Depuis la sécurité routière jusqu'à la lutte contre le tabagisme ou le sida, depuis le passage à l'euro jusqu'à la réforme des retraites, depuis la dénonciation des violences conjugales jusqu'aux impôts sur Internet, ce sont trois décennies d'histoire de la communication gouvernementale qui défilent, à coup d'images, de spots ou de slogans dont certains sont devenus des locutions familières.
Depuis toujours, le pouvoir politique met en scène la gloire du prince et, avant même l'apparition du mot, la communication a été une arme dans l'art de gouverner. Depuis longtemps, la communication électorale et sa dramaturgie particulière ont fait l'objet d'études et d'analyses de la part des observateurs autant que des acteurs politiques. En revanche, comme le soulignent les deux coordonnateurs de l'ouvrage, Jean-Marc Benoit et Jessica Scale, la communication gouvernementale a été très peu étudiée : elle "ne possède pas une évidente raison d'être, ses objectifs sont flous et multiples, ses émetteurs également". En outre, cela fait peu de temps qu'elle est devenue un outil indispensable des politiques publiques.
L'année 1976 marque, à l'évidence, un point de départ. Spectaculaire d'ailleurs avec trois campagnes qui sont restées dans les annales et les mémoires. "En France on n'a pas de pétrole, mais on a des idées" était la phrase-clé du spot télévisé destiné à convaincre les Français qu'il fallait, face au premier choc pétrolier, faire des économies d'énergie. Tout aussi inusable a été, la même année, le slogan de la campagne de la sécurité routière sur l'obligation de porter la ceinture de sécurité pour réduire le nombre des morts sur les routes : "un petit clic vaut mieux qu'un grand choc". Enfin, c'est en 1976 également qu'a été inventé "Bison futé" pour inciter les automobilistes à étaler leurs départs en vacances pour réduire les embouteillages.
Pour chacune de ces campagnes, est interviewé le haut fonctionnaire, le communiquant ou le responsable politique qui en a été le principal maître d'oeuvre. Ainsi de la lutte contre le tabagisme. Les deux premières campagnes engagées en 1978 à l'initiative de Simone Veil ("Sans tabac, prenons la vie à pleins poumons" ; "Une cigarette écrasée, c'est un peu de liberté gagnée") ont provoqué, rappelle-t-elle, des réactions parfois virulentes. Treize ans plus tard, Claude Evin, alors ministre de la santé, peut carrément détourner le cow-boy emblématique de Marlboro pour faire passer, sur fond de Grand Ouest américain le message "Fumer, c'est pas ma nature".
Cette cinquantaine de communications gouvernementales ainsi décryptées ne dessinent pas seulement les changements de mentalités et de représentations, à l'oeuvre depuis trente ans dans la société française. Elles témoignent également de la mutation de l'Etat et de ses modes d'action, que soulignent à juste titre Jean-Marc Benoit et Jessica Scale. Non seulement l'Etat est devenu, peu à peu, de manière d'abord tâtonnante et souvent réticente, un stratège en communication "pour compenser la perte de ses leviers d'action traditionnels" rognés, au fil des années 1980 par la décentralisation, les privatisations et l'Europe.
Mais, dans le même temps, la démocratie d'opinion s'est installée et a imposé aux gouvernants de convaincre toujours davantage pour agir. Pour autant, contrairement aux idées reçues, l'Etat ne consacre à sa communication que des budgets très modestes, comparé à l'effort des entreprises privées.
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Bleu, blanc, pub, de Jean-Marc Benoit et Jessica Scale, Le Cherche Midi, 222 pages, 39€
Depuis toujours, le pouvoir politique met en scène la gloire du prince et, avant même l'apparition du mot, la communication a été une arme dans l'art de gouverner. Depuis longtemps, la communication électorale et sa dramaturgie particulière ont fait l'objet d'études et d'analyses de la part des observateurs autant que des acteurs politiques. En revanche, comme le soulignent les deux coordonnateurs de l'ouvrage, Jean-Marc Benoit et Jessica Scale, la communication gouvernementale a été très peu étudiée : elle "ne possède pas une évidente raison d'être, ses objectifs sont flous et multiples, ses émetteurs également". En outre, cela fait peu de temps qu'elle est devenue un outil indispensable des politiques publiques.
L'année 1976 marque, à l'évidence, un point de départ. Spectaculaire d'ailleurs avec trois campagnes qui sont restées dans les annales et les mémoires. "En France on n'a pas de pétrole, mais on a des idées" était la phrase-clé du spot télévisé destiné à convaincre les Français qu'il fallait, face au premier choc pétrolier, faire des économies d'énergie. Tout aussi inusable a été, la même année, le slogan de la campagne de la sécurité routière sur l'obligation de porter la ceinture de sécurité pour réduire le nombre des morts sur les routes : "un petit clic vaut mieux qu'un grand choc". Enfin, c'est en 1976 également qu'a été inventé "Bison futé" pour inciter les automobilistes à étaler leurs départs en vacances pour réduire les embouteillages.
Pour chacune de ces campagnes, est interviewé le haut fonctionnaire, le communiquant ou le responsable politique qui en a été le principal maître d'oeuvre. Ainsi de la lutte contre le tabagisme. Les deux premières campagnes engagées en 1978 à l'initiative de Simone Veil ("Sans tabac, prenons la vie à pleins poumons" ; "Une cigarette écrasée, c'est un peu de liberté gagnée") ont provoqué, rappelle-t-elle, des réactions parfois virulentes. Treize ans plus tard, Claude Evin, alors ministre de la santé, peut carrément détourner le cow-boy emblématique de Marlboro pour faire passer, sur fond de Grand Ouest américain le message "Fumer, c'est pas ma nature".
Cette cinquantaine de communications gouvernementales ainsi décryptées ne dessinent pas seulement les changements de mentalités et de représentations, à l'oeuvre depuis trente ans dans la société française. Elles témoignent également de la mutation de l'Etat et de ses modes d'action, que soulignent à juste titre Jean-Marc Benoit et Jessica Scale. Non seulement l'Etat est devenu, peu à peu, de manière d'abord tâtonnante et souvent réticente, un stratège en communication "pour compenser la perte de ses leviers d'action traditionnels" rognés, au fil des années 1980 par la décentralisation, les privatisations et l'Europe.
Mais, dans le même temps, la démocratie d'opinion s'est installée et a imposé aux gouvernants de convaincre toujours davantage pour agir. Pour autant, contrairement aux idées reçues, l'Etat ne consacre à sa communication que des budgets très modestes, comparé à l'effort des entreprises privées.
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Bleu, blanc, pub, de Jean-Marc Benoit et Jessica Scale, Le Cherche Midi, 222 pages, 39€