Quand les téléspectateurs s'inventent journalistes pour le JT


Jeudi 14 Octobre 2010 - 17:14
AFP


Paris - Simples potiches comme dans la pire téléréalité ou véritables associés à la fabrication de l'information: les téléspectateurs vont pouvoir s'inventer journalistes grâce au Nouveau Journal de Direct 8, qui accueillera chaque soir trois Français sur son plateau.


Quand les téléspectateurs s'inventent journalistes pour le JT
Pour la première fois en France, des téléspectateurs, choisis au sein d'un pannel représentatif, interviendront en direct dans un JT, dès lundi. Auparavant, ils auront assisté à la conférence de rédaction et préparé leurs questions.

"Un JT, c'est très spécifique, c'est une grand messe très encadrée. Là, on casse les codes en faisant entrer des Français sur un plateau où ils n'ont jamais accès", observe Clélie Mathias, présentatrice du Nouveau Journal de Direct 8.

Denis Muzet, sociologue et président de l'Institut Médiascopie, confirme: "le JT a toujours été un lieu un peu sacré, préservé, où officie chaque soir une sorte de grand prêtre". Y associer des citoyens ordinaires, "c'est le début du désordre", ironise-t-il. Mais "en terme de marketing, c'est excellent, car il existe chez les téléspectateurs un besoin d'accéder à la fabrique de l'info".

Etre son propre rédacteur en chef n'est pas nouveau. Depuis l'explosion d'internet, chacun peut le devenir.

"Ce qui est très nouveau, c'est la montée extrêmement puissante de l'idéologie de la participation", relève Yves Jeanneret, professeur au Celsa (sciences de l'information) à l'université Paris-Sorbonne. Tous les domaines sont touchés, presse, radio, mouvements politiques etc.

Pour ce spécialiste, les programmes de télévision ont aujourd'hui tendance à se ressembler, "le système de la téléréalité a tout envahi". "Ca consiste à faire faire le travail par des gens pas forcément qualifiés, mais qui proposent une image d'identification au téléspectateur moyen", analyse-t-il.

Le JT était jusqu'à présent "un peu le coeur sacré de la télévision". Le fait qu'y soient conviés des non professionnels "pose le problème de la médiation". "Comment vont réagir les personnes censées détenir une compétence en étant systématiquement concurrencées par des amateurs ?", s'interroge Yves Jeanneret.

"Il y a deux façons d'associer le téléspectateur", renchérit Denis Muzet, "Si on l'associe de façon superficielle, à la manière d'une potiche comme le sont souvent les héros de la téléréalité, ça va se voir très vite". Avec le risque de générer une image négative pour le JT. Mais, poursuit le sociologue, "le téléspectateur peut aussi être idéalement associé à la réflexion qui entoure la fabrication de l'info".

"Si Direct 8 joue le jeu en autorisant le téléspectateur à critiquer ou à mettre en cause certains choix professionnels, c'est le loup dans la bergerie". Avec le danger d'être accusé de brader le métier de journaliste.

Pour Denis Muzet, les critiques d'Arnaud Montebourg vis-à-vis de TF1 ou celles de Jean-Luc Mélenchon à l'encontre de France 2 "tombent à un moment de discrédit de la parole des élites et les journalistes de l'info sont associés aux élites qui nous gouvernent".

Pour lui, un JT participatif comme celui de Direct 8 est "une façon pour un téléspectateur ordinaire de retrouver une maîtrise de l'information".


           

Nouveau commentaire :

Actus | Economie | Cultures | Médias | Magazine | Divertissement