Randonnées dans le golfe de Naples


Dimanche 21 Décembre 2008 - 20:12
Le Monde.fr/Martine Laronche


Partir en voyage avec son fils de 15 ans. On peut en rêver, mais aussi buter sur la destination. Le choix est arrêté sur un séjour familial à la découverte du golfe de Naples et de sa région.


Randonnées dans le golfe de Naples
Objectif : huit jours de marche, des flancs du Vésuve aux vestiges de Pompéi, en passant par les sentiers escarpés de la côte amalfitaine. A l'aéroport, le petit groupe fait connaissance : ambiance détendue entre adultes, crispée entre les adolescents de 14 à 17 ans qui n'osent pas s'adresser la parole et gardent la tête baissée.

A l'arrivée, les bagages à peine récupérés, chacun enfile ses chaussures de randonnée pour une mise en jambes avec l'ascension du Vésuve. On espère que la balade sera l'occasion du dégel de la banquise entre les jeunes, sinon on ne donne pas cher du séjour.

Du parking où stationnent les cars de touristes, il suffit d'une demi-heure pour atteindre le sommet du prestigieux volcan. Son cratère profond de 330 mètres fascine par la perfection de ses lignes tranchantes, par la richesse de ses couleurs, rouge, jaune, vert, gris, due à la variété des minerais qui composent la roche. Des grappes de jeunes excités accrochés aux balustrades s'époumonent face au trou béant qui leur renvoie leurs cris en écho.

A l'intérieur du cratère, des strates successives témoignent des différentes éruptions. La dernière remonte à 1944 et nul ne sait quand surviendra la prochaine. Une chose est sûre, le monstre est sous haute surveillance. Même si, comme l'affirme le guide vulcanologue, ce ne serait pas l'éruption du Vésuve mais celle du Monte Somma, désormais éteint, qui aurait enseveli, le 24 août 79, les cités romaines de Pompéi et d'Herculanum.

Au retour, un constat s'impose. Les adolescents sont restés collés à leurs parents durant la promenade. En désespoir de cause, on décide d'autorité de les placer, entre eux, à la même table pour le dîner. La gêne est palpable. Heureusement Elisa, 15 ans, très à l'aise, arrive à dérider les convives. La partie est gagnée et les parents qui surveillaient du coin de l'oeil leur progéniture sont soulagés.

Le lendemain, tout le monde est impatient de visiter la cité antique de Pompéi. Au chaos urbain de la ville nouvelle succède un calme olympien. La petite troupe, impressionnée par la sérénité et la majesté des lieux, arpente silencieusement les ruelles qui gardent l'empreinte des sillons des chars romains.

Suspendus aux lèvres d'Elio, le guide, les ados écoutent le récit de l'éruption volcanique qui ensevelit la ville sous plusieurs mètres de cendres, de pierres ponces et de gravats. "On croyait alors que le Vésuve était un simple mont. Mais Pline l'Ancien, prévenu de l'éruption par son neveu, Pline le Jeune, compris, en se remémorant les poèmes homériques de l'Odyssée, qu'il pouvait s'agir d'un volcan. Alors qu'il s'était approché pour observer le phénomène de plus près, il mourut, probablement étouffé."

Au détour d'une ruelle, le groupe pénètre dans un verger au fond duquel gisent des moulages de corps humains pétrifiés par l'éruption. Tordus par la souffrance, ils sont recroquevillés sur le côté ou sur le ventre, visages contre le sol. L'un d'entre eux, dans un effort désespéré, tentait dans un mouvement à jamais figé de se dresser. "C'est le jardin des treize fugitifs", poursuit le guide, tandis qu'Emma, 10 ans, fait une moue de dégoût.

Rue de l'Abondance - l'avenue la plus luxueuse -, les jeunes, de moins en moins attentifs aux explications érudites, s'égaillent dans les somptueuses villas, s'attardent sur les fresques élégantes où domine le rouge pompéien extrait de la roche volcanique.

Atrium, triclinium, tablinum... les plans appris dans les livres d'histoire prennent vie. On se bouscule pour visiter le lupanar, lieu de prostitution, orné de petits tableaux érotiques en haut des murs. On ricane à la vue d'un sexe gravé à même la chaussée qui en indique la direction. Amphithéâtre, basilique, temple d'Apollon... Au bout de trois heures de marche, les jeunes sont encore plein d'énergie pour visiter la villa des Mystères, aux fresques éblouissantes.

Après ce bain culturel, un bol de grand air sur les sentiers escarpés de la côte amalfitaine est bienvenu. Enserrée entre les monts Lattari et la mer, la "côte divine" - comme la surnomment ses habitants - se développe en une succession de falaises, de promontoires rocheux et de petits vallons ombragés, entre les villages de Positano et de Vietri.

Inscrite en 1997 au Patrimoine mondial de l'humanité en même temps que Pompéi et Herculanum, elle a séduit de nombreux artistes, dont le chorégraphe Rudolph Noureev, le metteur en scène Franco Zeffirelli ou encore l'écrivain Alberto Moravia. Il n'y a guère qu'Ulysse qui ait su résister au chant des sirènes et poursuivre son chemin.

Au départ d'Agerola, un village niché à 650 mètres d'altitude, le sentier des Dieux, à flanc de falaise, serpente dans les sous-bois de châtaigniers et de chênes verts auxquels succèdent le maquis méditerranéen et ses plantes odorantes, romarin, thym, genêts, menthe sauvage, myrte... La marche est soutenue mais la petite Emma, subjuguée par l'énergie et la beauté de Barbara, la guide de randonnée, inscrit ses pas dans les siens avec dévotion.

A midi, arrivés au village de Monte Pertuso, on déballe avec plaisir un pique-nique composé de victuailles du cru : provolone semi-piquant et provoloncino, fromages de vache, bresaola, viande séchée de boeuf, saucisson de Naples, olives et raisins.

Tout le monde reprend des forces avant d'entamer la descente abrupte jusqu'à Positano. Enserrant un promontoire rocheux, ce village, sorte de casbah colorée, est construit sur un dénivelé de 200 mètres. Des falaises, on aperçoit les barques remontées haut sur la plage en prévision d'un coup de vent et le dôme de la basilique recouvert de faïences vertes, jaunes, bleues et blanches en losanges.

Le lendemain, les neuf kilomètres de marche sur les sentiers escarpés ont laissé des courbatures aux adultes. Mais rien ne semble arrêter les plus jeunes. Après avoir visité la villa Rufolo, à Ravello, où séjourna Wagner, une route à travers les anciens moulins à roue amène le groupe jusqu'à la ville d'Amalfi, ancienne puissance maritime.

Pour les adolescents, le clou de la visite de cette cité aux ruelles enchevêtrées n'est pas la cathédrale d'inspiration byzantine. Ils lui préfèrent le Musée des cartes abritant la plus vieille papeterie d'Europe.

Dans une cave voûtée du XIVe siècle, Nino, le gardien des lieux, explique la fabrication du papier. A l'époque, les chiffons étaient broyés par des marteaux-pilons actionnés par la roue du moulin à eau. Les visiteurs ont le privilège de confectionner eux-mêmes une feuille de papier en recueillant la pulpe sur une forme filigranée.

La nuit tombée, quelques téméraires se décident à prendre un bain de mer. Ni la pluie ni le froid pénétrant de cette fin octobre ne les arrêtent. Ils en rêvaient depuis leur arrivée. Le lendemain, dernière escale, l'île de Capri.


           

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