Réforme du Parlement : la gauche dénonce la volonté de "bâillonner" l'opposition


Jeudi 25 Décembre 2008 - 13:51
Le Monde.fr/Patrick Roger


Le sujet n'est pas très "grand public", il promet pourtant d'agiter les travées du Parlement pendant les premières semaines de 2009.


Réforme du Parlement : la gauche dénonce la volonté de "bâillonner" l'opposition
Le projet de loi organique réformant la procédure législative, qui doit être examiné à partir du 13 janvier, découle directement de la révision constitutionnelle sur les institutions adoptée en juillet. Nicolas Sarkozy, moyennant un accroissement de ses prérogatives, avait alors "vendu" un renforcement des droits du Parlement. Il souhaite à présent, via cette réforme, donner un tour de vis à l'"obstruction" de l'opposition, à qui il impute les retards pris par le calendrier parlementaire sur celui des annonces présidentielles.

Le "crédit-temps" ou "temps global" constitue la grande affaire de cette réforme. Avant l'examen de chaque texte, une durée totale des débats serait fixée et chaque groupe se verrait attribuer un "crédit" de temps d'intervention qu'il utiliserait à sa guise dans la discussion générale et la défense de ses amendements. Une fois ce temps épuisé, les amendements seraient appelés pour être mis au vote mais ne pourraient plus être défendus.

Le cafouillage occasionné par le projet de loi sur l'audiovisuel – difficilement adopté en première lecture à l'Assemblée nationale après 80 heures de discussion – et la proposition sur l'ouverture des commerces le dimanche – reportée à janvier – ont renforcé la détermination du président de la République. Il a activé tous ses relais pour décrier le risque de "paralysie parlementaire" et de "blocage des réformes". Le président du groupe UMP, Jean-François Copé, n'est pas en reste. Il aurait même tendance à en rajouter afin de minorer les failles apparues dans les rangs de la majorité. Du coup, la gauche s'insurge contre la volonté de "bâillonner" l'opposition.

"Le droit d'amendement est sacré"

D'ores et déjà, le président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, et celui du Sénat, Gérard Larcher, convergent sur le fait que la nouvelle procédure législative ne pourra entrer en vigueur à partir du 1er mars 2009, comme le prévoyait la révision constitutionnelle. "Ce sera au mieux en avril", pronostique M. Accoyer. Le Conseil constitutionnel a fait savoir qu'il ne censurerait pas les textes adoptés en vertu de l'ancienne procédure après la date du 1er mars.

Ce n'est pas le seul point de convergence entre les présidents des deux chambres. L'un comme l'autre préfèrent privilégier autant que faire se peut le "consensus" "On ne fait pas le règlement de l'Assemblée en fonction de telle ou telle personnalité de la majorité. On le fait pour que ça marche, et parce que toute majorité peut un jour redevenir opposition", prévient M. Accoyer. "Le droit d'amendement est sacré, clame M. Larcher. Il ne faut pas que l'instauration d'un 'crédit-temps' soit une manière détournée de limiter ce droit."

Le président de l'Assemblée nationale, qui a mis en place un groupe de travail sur la réforme du règlement réunissant des représentants de tous les groupes, est favorable au crédit-temps. Il se dit toutefois "en désaccord avec le texte du gouvernement", estimant que le crédit-temps ne peut être acceptable que s'il s'accompagne de droits renforcés pour l'opposition. "Je pense qu'il faudra réécrire certaines parties du texte", confie-t-il au Monde.

Surtout, le projet de loi veut encadrer strictement la "recevabilité" des amendements. Or l'"obstruction" mise en cause n'est que partiellement le fruit des "murs d'amendements" défendus par l'opposition. Celle-ci s'est d'ailleurs rendu compte, après le débat sur l'énergie et la fusion GDF-Suez qui mobilisa le Parlement en septembre 2006, que cette image pouvait être contreproductive.

Aussi la motivation de ce projet de loi est-elle à chercher ailleurs. La mise en œuvre de la réforme constitutionnelle va priver l'exécutif de la maîtrise totale de l'ordre du jour et d'une partie de la gestion du temps. Même si le Parlement ne pourra en réalité fixer qu'"environ un quart de l'ordre du jour prioritaire", reconnaît M. Accoyer, le gouvernement sera tenu de respecter de nouvelles obligations, notamment en ce qui concerne le délai d'examen des textes en commission et la réalisation préalable d'études d'impact sur les textes venant en discussion.

"L'attelage législatif a été alourdi. Aussi l'exécutif est-il à l'affût de tout ce qui peut lui permettre d'augmenter le temps dont il dispose et il sera en négociation permanente avec sa majorité pour récupérer son droit de tirage sur l'ordre du jour", analyse le président de l'Assemblée, reconnaissant ainsi que la révision constitutionnelle n'a pas tant renforcé les droits du Parlement que ceux de la majorité parlementaire.


           

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