Rues désertes à Alger, le "Hirak" sous coronavirus


Samedi 21 Mars 2020 - 12:52
AFP


Alger - Pour la première fois depuis le 22 février 2019, les rues d'Alger sont vides un vendredi. Le nouveau coronavirus a eu raison, au moins temporairement, des marches hebdomadaires du mouvement de contestation du pouvoir algérien.


En ce 57e vendredi du "Hirak", le soulèvement pacifique antirégime qui ébranle l'Algérie depuis plus d'un an, seuls les policiers -- la plupart portant des masques -- sont déployés dans le centre de la capitale, a constaté une journaliste de l'AFP.

Un silence de plomb a remplacé les cris de slogans dans la ville, interrompu seulement par les consignes pédagogiques antivirus crachées par des haut-parleurs.

Pourtant, chaque semaine, des foules de "hirakistes" ont bravé, à Alger et en province, la canicule, les intempéries, les vacances d'été, le jeûne du ramadan, et, jusqu'à très récemment, les premières alertes sur l'épidémie, pour réclamer une "Algérie libre, démocratique et sociale".

Face à la propagation de la pandémie sur le sol algérien (10 morts et 90 cas confirmés), les autorités ont interdit les marches et au sein même de la contestation et de l'opposition politique, les appels pressants à les suspendre temporairement se sont multipliés ces derniers jours.

"La suspension temporaire des marches, en raison des risques sanitaires, s'impose comme un devoir national et préserve notre droit à manifester librement pour une Algérie plus juste et plus forte", a plaidé cette semaine l'ex-ministre et diplomate Abdelaziz Rahabi, un opposant écouté.

Sur les réseaux sociaux, le mot d'ordre "Etat civil, pas viral" a remplacé le slogan phare des cortèges "Etat civil, pas militaire".

Les Algérois sont toutefois sortis nombreux vendredi matin... pour faire des réserves de provisions.

Au grand marché Réda Houhou, Samia, juriste de 45 ans, a acheté des épices et des denrées alimentaires pour pouvoir rester chez elle avec ses enfants dès dimanche.

"C'est mon troisième aller-retour au marché pour stocker tout ce qui peut l'être et ne plus sortir", affirme cette mère de deux enfants, scolarisés à la maison, qui hébergera aussi sa belle-mère en cas de confinement.

Elle a cessé de défiler le vendredi dès que les autorités sanitaires ont annoncé les premier cas de Covid-19 fin février.

Comme Samia, de nombreux Algérois dévalisent les étals des épiciers ou marchands de fruits et légumes.

Saïd, 57 ans, enseignant et père de cinq enfants, confesse avoir fait "un stock de guerre" des produits de première nécessité.

"Marcher? Il faut être complétement inconscient pour continuer à le faire", affirme-t-il, lui qui dit avoir manifesté la plupart des vendredis.

Il juge qu'il faut "protéger sa famille et le pays de ce virus". "On continuera le Hirak différemment. On trouvera des idées", ajoute-t-il.

Après avoir obtenu la démission du président Abdelaziz Bouteflika en avril, les contestataires continuent d'exiger le changement du "système" en place depuis l'indépendance en 1962.

Madjid, un ingénieur de 40 ans, a marché tous les vendredis jusqu'à il y a deux semaines.

"Aujourd'hui, si certains inconscients continuent de marcher malgré la pandémie, il faut les arrêter. Même si les policiers les frappent, moi j'applaudirai car on n'a pas le droit de mettre la vie de toute une population en danger", estime-t-il.

Fait sans précédent, les mosquées étaient fermées pour les prêches du vendredi. Le muezzin a terminé l'appel à la prière par "Faites la prière chez vous".

Au lieu des manifestants, des agents de voirie désinfectent trottoirs, escaliers, rampes, bancs, abribus et même les troncs d'arbres.

Dans le quartier populaire de Bab el Oued, une place forte du "Hirak", les habitants nettoient leurs immeubles et les trottoirs avec des moyens très limités, selon un photographe de l'AFP sur place.

Au nom de la "mobilisation sanitaire", les hommes nettoient les ruelles tandis que les femmes lavent les balcons à grands coups d'eau javellisée. Des jeunes s'occupent des escaliers et des rideaux des magasins fermés.

On ne trouve plus de masques de protection en ville, même les plus sommaires, et certains Algérois portent un bandana pour tenter de se protéger.

L'Algérie a décidé jeudi soir la fermeture des cafés et restaurants dans les grandes villes, la suspension de tous les moyens de transport en commun publics et privés à l'intérieur des villes et entre les wilayas (préfectures) ainsi que le trafic ferroviaire.

Ecoles, salles des fêtes et stades étaient déjà fermés en attendant un probable confinement général de la population.


           

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