Sarkozy et les juges: nous nous sommes tant mal aimés


Vendredi 21 Mars 2014 - 17:32
AFP


Paris - Nicolas Sarkozy, avocat de formation, fait montre depuis longtemps de défiance envers les juges, qu'il a traités de "petits pois" et régulièrement mis en cause, depuis l'époque où il était ministre de l'Intérieur.


L'ancien président n'a jamais hésité à montrer du doigt l'institution, notamment après des faits divers dramatiques et en général pour fustiger un prétendu laxisme des juges.

Ministre de l'Intérieur, il avait ainsi suscité un tollé en juin 2005 en assurant que le juge qui avait remis en liberté l'un des meurtriers présumés de la joggeuse Nelly Crémel devait "payer pour sa faute". En 2006, il reprochait au tribunal de Bobigny, dans le département sensible de Seine-Saint-Denis, "une forme de démission" face aux délinquants.

Arrivé à l'Elysée, cette défiance s'est immédiatement traduite dans les actes. La toute première décision a été la création de "peines plancher" pour les récidivistes, laissant entendre que les magistrats professionnels ne faisaient pas preuve de la sévérité nécessaire. Idem pour l'instauration de "citoyens assesseurs" en correctionnelle, projet abandonné après l'alternance. Ou l'idée, jamais mise en place, d'associer des citoyens aux décisions de remise en liberté.

Il est suspecté d'essayer de placer ou favoriser des magistrats fidèles, comme le procureur de Nanterre Philippe Courroye, qui y gagnera le sobriquet de "Courroye de transmission". Et en janvier 2009, il annonce vouloir supprimer les juges d'instruction, magistrats du siège inamovibles et indépendants, en pointe notamment des grandes affaires politico-judiciaires.

Les mots n'ont pas changé non plus. Quelques mois après son élection à la présidence, il se gausse publiquement d'un "monde qui se ressemble, aligné comme des petits pois, la même couleur, même gabarit, même absence de saveur". Constitutionnellement garant de l'indépendance de la justice, il qualifie en 2009 son ancien rival Dominique de Villepin de "coupable" avant le procès Clearstream ou critique des décisions "difficilement compréhensibles", comme après la remise en liberté sous contrôle judiciaire d'un présumé braqueur en septembre 2010.

- Traditionnelles tensions -

Au point que ce monde généralement feutré s'en émeut. "Inspirer à l'opinion des sentiments bas en instillant de manière extravagante la confusion entre la responsabilité du criminel et celle du juge dont on dénigre la décision (...), tout cela avilit l'institution et, en définitive, blesse la République", réplique Jean-Louis Nadal, premier procureur de France, lors de la rentrée solennelle de la Cour de cassation en janvier 2011.

Après sa défaite de 2012, l'ancien président a repris sa robe d'avocat, numéro de toque (identification) R175 du barreau de Paris, lui qui a prêté serment le 16 septembre 1981.

Ses derniers démêlés avec les juges ont d'ailleurs ravivé les traditionnelles tensions entre magistrats et avocats. Plusieurs milliers d'avocats ont ainsi signé une pétition contre les écoutes visant des conversations entre un conseil et son client.

Sauf que c'est maître Sarkozy qui était écouté, et non son défenseur Thierry Herzog. Et qu'en retour, les magistrats pensent que l'ex-président pourrait avoir été alerté de son "branchement" via le barreau, puisque le bâtonnier doit être mis au courant lorsqu'un avocat est placé sur écoute.

L'actuel titulaire du poste, Pierre-Olivier Sur (qui n'était pas en poste en septembre lorsque les juges ont placé M. Sarkozy sur écoute), a d'ailleurs appelé par avance les robes noires à la résistance au cas où les juges d'instruction auraient l'idée de perquisitionner les locaux du barreau, en face du palais de justice.

En tout cas, Nicolas Sarkozy a encore fait monter les enchères avec sa tribune au Figaro, dénonçant des pratiques dignes de "la Stasi" ou d'un "dictateur".


           

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