Sénégal: Karim Wade condamné à six ans de prison pour "enrichissement illicite"


Lundi 23 Mars 2015 - 16:02
AFP


L'ex-ministre sénégalais et fils de l'ancien président Abdoulaye Wade, Karim Wade, a été condamné lundi à six ans de prison ferme pour "enrichissement illicite", un verdict qui devrait l'écarter de la prochaine présidentielle, deux jours après sa désignation comme candidat du principal parti d'opposition.


Sénégal: Karim Wade condamné à six ans de prison pour "enrichissement illicite"
"Karim Wade a été reconnu coupable du délit d'enrichissement illicite" et condamné à six ans de prison ferme et plus de 138 milliards de FCFA d'amende (plus de 210 millions d'euros), selon la décision lue en l'absence du principal accusé par Henry Grégoire Diop, président de la Cour de répression de l'enrichissement illicite (CREI), une juridiction spéciale.

Le parquet avait requis contre l'ancien ministre, 46 ans, en détention préventive depuis avril 2013, sept ans de prison ferme, plus de 380 millions d'euros d'amende, une confiscation de ses biens et une privation des droits civiques.

Le verdict ne se prononce pas sur ce dernier point, mais "normalement Karim Wade ne doit plus avoir ses droits civiques", a indiqué à l'AFP l'ancien ministre et avocat Abdoulaye Babou, citant l'article 34 du Code pénal qui prévoit cette privation pour toute peine d'emprisonnement supérieure à cinq ans.

"La condamnation est politique. Depuis longtemps on veut empêcher un candidat, notre candidat d'être présent à l'élection présidentielle", a déclaré Oumar Sarr, un dirigeant du Parti démocratique sénégalais (PDS), la formation d'Abdoulaye Wade.

La prochaine élection présidentielle est prévue en 2019, mais le chef de l'Etat Macky Sall a annoncé la semaine dernière vouloir réduire par referendum, en 2016, son mandat de deux ans pour organiser le scrutin en février 2017.

A l'ouverture du procès le 31 juillet, Karim Wade s'était présenté comme "prisonnier politique", une stature renforcée samedi par sa désignation à une majorité écrasante comme candidat du PDS.

L'annonce du verdict a été interrompue par les hurlements des dizaines de partisans de Karim Wade, dont beaucoup ont fondu en larmes, couvrant la fin de la lecture de la décision.

Selon plusieurs avocats interrogés par l'AFP, il pourrait se pourvoir en cassation devant la Cour suprême.

- Risques de débordements -

La CREI motive sa décision par un écart de plus de 100 millions d'euros entre le patrimoine estimé de Karim Wade et ses "revenus légaux", considérant que "l'origine licite de ce patrimoine n'a pas été prouvée", la charge de la preuve devant cette juridiction incombant au prévenu.

Karim Wade est accusé d'avoir illégalement acquis par le biais de montages financiers complexes, du temps où il était conseiller puis ministre de son père, ce patrimoine, constitué de sociétés au Sénégal et l'étranger, de comptes bancaires, propriétés immobilières et voitures de luxe, ce qu'il nie.

Parmi la dizaine d'autres prévenus, le principal, Ibrahima Abou Khalil Bourgi, présenté par l'accusation comme un "prête-nom" de Karim Wade, a été condamné à cinq ans de prison ferme.

Depuis le matin, le palais de justice était placé sous forte surveillance, avec des policiers et gendarmes déployés dans l'enceinte et autour du site, selon des journalistes de l'AFP.

L'ancien chef de l'Etat Abdoulaye Wade (2000-2012), 88 ans, qui n'a assisté à aucune audience, s'est rendu lundi au palais, acclamé par les militants et sympathisants du PDS, mais contrairement à son intention, il n'a pas commenté le verdict en raison du brouhaha.

Il avait demandé samedi qu'après s'être exprimé "chacun rentre chez lui tranquillement sans casse et sans violence", alors que la tension montait l'approche du verdict.

Le ministre de la Gouvernance locale et porte-parole du gouvernement, Oumar Youm, a affirmé que "le droit a été dit". "Nous devons nous plier à cette décision", a-t-il déclaré sur la radio privée RFM.

Ce procès tient le Sénégal en haleine depuis près de huit mois, jalonné d'une longue bataille de procédure et de coups de théâtre: limogeage du procureur, démission en pleine audience d'un juge, comparution d'un prévenu malade sur une civière, grève de la faim de Karim Wade "frappé et blessé" au tribunal, expulsion d'un de ses avocats...

Les ambassades française et américaine ont appelé, dans des consignes adressées à leurs ressortissants la semaine dernière, à la "vigilance" et à éviter les secteurs de la capitale où pourraient survenir des manifestations après le verdict.


           

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