Sortir d’une approche étriquée du conflit saharien : Brèves notes sur le dernier rapport du Secrétaire général des Nations Unies


Vendredi 19 Avril 2013 - 11:21
Abderrahim El Maslouhi



Abderrahim El Maslouhi
Abderrahim El Maslouhi
Le 8 avril 2013, le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (ONU) soumet au Conseil de sécurité un rapport circonstancié concernant la situation au Sahara occidental. Le rapport dresse un état des lieux du conflit dans ses diverses dimensions et émet des recommandations. Le lecteur avisé saura qu’il s’agit là d’un exercice ingrat. À force de vouloir observer une stricte position d’équidistance entre les différents protagonistes, le document onusien s’accommode d’assertions qui ne semblent rendre justice ni au Maroc ni aux populations sahraouies. Là où le Royaume du Maroc réclame une prise de position militante et proactive pour un règlement équitable du conflit, le rapport s’épuise à multiplier les arguments pour souligner l’impasse. Certes, des affirmations sont à saluer, telle « la nécessité primordiale [soulignée par le Secrétaire général] de traiter le conflit du Sahara occidental dans le cadre d’une stratégie plus large pour le Sahel ». D’autres sont à revisiter à la faveur d’un diagnostic fouillé et dépassionné de la situation au Sahara occidental.

Ce deuxième exercice s’imposerait d’abord pour ce qui est de la qualification des incidents survenus récemment au Sahara occidental. À ce titre, les références faites dans le rapport aux « petites manifestations organisées à l’improviste » méritent clarification. Cette formule dénote le caractère « isolé », « artificiel » et, pour le moins, « fomenté » de ces incidents puisque de « petites manifestations organisées à l’improviste » n’ont a priori rien de spontané sauf à être attisées par un groupe aux aguets de tout incident propice à l’agitation.

Le même exercice vaudrait pour les allégations concernant les droits de l’Homme. Le document soumis à la délibération du Conseil de sécurité foisonne d’indices qui dégagent le Maroc de toute responsabilité. Comme le reconnaît le Secrétaire général lui-même, les manifestations en question portent souvent sur des revendications à caractère social qui n’ont rien à voir ni avec « l’indépendantisme » présumé des populations sahraouies ni avec la prétendue « répression » des forces de sécurité marocaines. On en voudra pour preuve deux exemples tirés du rapport lui-même. Primo, l’Envoyé personnel du Secrétaire général avoue, après avoir rencontré un large éventail de représentants de la société civile sahraouie, ne pas être en mesure d’estimer la portée ou la profondeur des sentiments des autonomistes au sein de la population. Secundo, le cas des onze personnes qui se sont adressées à la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un Référendum au Sahara occidental (MINURSO) à Smara pour « exiger une augmentation de l’assistance sociale » indique que les populations sahraouies ne sont demandeuses ni d’asile politique ni de protection humanitaire. Le glissement vers un traitement, a priori problématique, en termes de droits humains aura donc pour le moins les méfaits d’une surdose : donner aux demandeurs plus qu’ils ne demandent !

D’ailleurs, étendre les fonctions de la MINURSO à la question des droits de l’Homme, c’est déjà prendre parti contre le Royaume du Maroc et, surtout, méconnaître l’importance des mécanismes volontairement institués par lui, dont en particulier le mécanisme de vigilance et de suivi assuré par la section régionale du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH). Autant dire que la résolution du conflit gagnera à s’inscrire dans une optique d’apaisement, laquelle est défendue par le Secrétaire général lui-même, et qui plaide pour la consolidation des fonctions normales de la MINURSO, dont en particulier celles de notification indépendante et de défense des normes de maintien de la paix et de la neutralité de l’ONU.

Si donc des pistes alternatives sont à explorer, ce devrait être du côté de la démarche négociatoire elle-même. Le Royaume du Maroc, faute d’interlocuteur valable, n’a cessé de former le vœu de voir l’État algérien assumer ses responsabilités. Là aussi le rapport du Secrétaire général de l’ONU laisse à désirer : autant le document loue l’élargissement des contacts à toutes les parties prenantes (pays voisins, société civile, université, etc.), autant le Secrétaire général de l’ONU et son Envoyé personnel déclarent avoir décliné les instances du Gouvernement marocain demandant à créer des ponts de dialogue avec le voisin algérien. Cette voie est d’autant plus plausible que, de l’aveu même du Secrétaire général, le Président et le Parlement algériens déclarent être disposés à faciliter les négociations. Sortir d’une vision étriquée pour le règlement du conflit en ouvrant de nouvelles brèches de dialogue avec les vraies parties concernées aidera donc à surmonter « l’impasse » persistante du conflit, quatre fois déplorée dans le rapport.

Cette démarche plaidée par le Maroc est en soi un indice réel de souplesse et de bonne volonté. Ceci revient à admettre que le pessimisme caractérisé de l’Envoyé personnel du Secrétaire général, selon lequel le processus de négociation bute sur un « attachement indéfectible à des positions mutuellement exclusives », est loin d’être juste, du moins pour le Maroc dont la démarche tranche, rappelons-le, par son extrême flexibilité, démarche ayant pour socle une plateforme qui reste à négocier et qui tient sagement compte à la fois des aspirations d’autonomie et des droits de souveraineté.

Abderrahim El Maslouhi
Professeur à la faculté de droit de Rabat-Agdal


           

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