Souad Massi chante une "face cachée du monde arabe": ses poètes


Jeudi 2 Avril 2015 - 15:49
AFP - Anthony LUCAS


Paris - La chanteuse algérienne Souad Massi rend hommage aux grands poètes arabes en mettant en musique leurs textes dans un nouveau disque, disponible lundi, visant à faire découvrir une "face cachée du monde arabe".


Souad Massi chante une "face cachée du monde arabe": ses poètes
Composé de dix chansons traduites en anglais et en français accompagnées d'élégantes calligraphies, "El Mutakallimun" ("Les maîtres de la paroles") mêle les époques, avec par exemple un poète du VIe siècle et un auteur tunisien du début du XXe siècle dont les vers furent repris par les manifestants lors du Printemps arabe en 2011, explique à l'AFP la chanteuse de 42 ans installée à Paris.

L'artiste d'origine kabyle, qui a grandi et étudié à Alger, s'est fait connaître en France en 2001 avec un premier album, "Raoui" ("Le conteur"), salué par la critique et distingué cette année-là par l'Académie Charles-Cros. En 2006, son troisième album "Mesk elil" avait reçu la Victoire de la musique dans la catégorie musiques du monde. 

Ce nouveau projet est un prolongement du spectacle "Choeurs de Cordoue" dans lequel, depuis quatre ans, Souad Massi rend hommage à la ville de Cordoue des IXe et Xe siècles. Une période qui la fascine par son bouillonnement intellectuel, artistique et architectural mais surtout, dit-elle, de "tolérance religieuse" avec une cohabitation entre musulmans, juifs et chrétiens. 

C'est en se plongeant dans cette période que la chanteuse a redécouvert des classique de la littérature arabe et a eu envie de mettre en musique ses grands poètes. Ce qui a parfois nécessité l'aide de spécialistes pour comprendre certains textes en arabe ancien.

"C'était un coup de folie", confesse celle qui décrit son parcours musical comme "inclassable", entre folk et musiques du monde.

- 'En lettres d'or' à La Mecque -

"Vous savez, je suis Algérienne, maghrébine, et on est souvent considérés dans le monde arabe comme plus Européens qu'Arabes. Mais j'avais envie de faire ce que j'aime. Je suis d'origine kabyle, mais j'aime l'arabe et j'avais envie de partager sa beauté, son ouverture d'esprit", poursuit la chanteuse aux longs cheveux noirs.
"Je suis agacée par les clichés. Le monde arabe est très vaste et je suis triste qu'on l'associe souvent au terrorisme. J'ai vécu la guerre civile en Algérie, j'ai souffert du terrorisme comme beaucoup de gens. C'est injuste qu'on nous associe à cette image, injuste pour tous les journalistes qui sont derrière des barreaux. Je voulais parler de la face cachée du monde arabe", continue-t-elle.

Souad Massi s'est d'abord attaquée à un classique de la littérature arabe, la légende "Majnun Layla" qu'elle présente dans le livret de l'album comme "l'équivalent pour tout l'orient musulman de Tristan et Iseut ou Roméo et Juliette". Une romance adaptée dans la chansons baptisée "Fa Ya Layla" sur un air de bossa soutenu par des chapelets de notes au piano et une guitare andalouse. 

La chanteuse rend hommage à des auteurs des VIIIe et IXe siècles et même à un plus ancien encore, Zouhaïr Ibn Abi Salma. Auteur du VIe siècle, avant la naissance de l'islam, ce dernier représente une époque où l'on honorait les plus grands poètes en brodant leurs textes en "lettres d'or sur un tissu de soie" et en les suspendant à La Mecque. Son texte, "Sa'imtou", est la plainte d'un vieux sage au soir de sa vie.

Mais Souad Massi s'intéresse aussi à des auteurs plus récents comme le Tunisien Abdou El Kacem El Chabbi (1909-1934), dont l'un des poèmes constitue "la base de l'hymne national tunisien". Un poète à l'écriture étonnamment contemporaine ("Prends garde! Que ni le printemps ne te trompe/Ni la clarté du ciel ni la lumière du jour") et dont les vers furent repris "comme hymne par les manifestants des révolutions en Tunisie, en Egypte et dans d'autres pays en 2011", précise le livret du disque.


           

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