Starewitch, un Walt Disney venu du froid et amoureux de La Fontaine


Mercredi 9 Février 2011 - 12:02
AFP


Paris - Ladislas Starewitch fut le premier autorisé à projeter un film à la cour du tsar Nicolas II. Exilé en France après la révolution, il y poursuivit son grand oeuvre, qui ressort ce mercredi en salles.


Starewitch, un Walt Disney venu du froid et amoureux de La Fontaine
"Les Fables de Starewitch", cinq fables de Jean de La Fontaine réunies en un long métrage, sera projeté à Paris et en province - avec une montée en puissance du nombre de salles en fonction des vacances d'hiver - grâce à l'obstination de la petite-fille du réalisateur.

Léona-Béatrice Martin-Starewitch se déplace dans Paris avec une énorme valise noire qu'elle traîne à sa suite, lourde de ses trésors les plus précieux: les marionnettes des films de son grand-père, vestiges d'une enfance dans l'atelier du maître.

Elle en sort un singe, un cheval, deux petits rats, des grenouilles et un scarabée de 8 cm juché sur un socle en liège... "C'est mon bestiaire", explique-t-elle en les exhumant de leurs enveloppes de soie et de satin.

Avec sa tante et sa mère d'abord, les filles de Ladislas Starewitch, et aujourd'hui avec son époux, enseignant comme elle, elle veille à leur préservation ainsi qu'à la restauration des films. Toutes ces figurines reposent sur un squelette de fil de fer ou de bois, pour les plus volumineuses, tendu d'une peau de chamois humide qui, en séchant, prend l'aspect de la peau.

"Pour réaliser les vêtements, mon grand-père pouvait prendre n'importe quel tissu, découper un rideau ou le centre d'une nappe de Noël", détaille-t-elle en vantant le caractère "joyeux, gamin" de Starewitch, qu'elle a côtoyé jusqu'à sa dixième année. "Pour son +Roman de Renard+, (créé en 1929 et ressorti en 2003), il avait confectionné plus de 100 marionnettes en dix-huit mois, de 3 cm à un mètre de hauteur".

C'est la passion des insectes qui conduit cet autodidacte, né à Moscou en 1882 dans une famille polonaise et élevé en Lituanie, à filmer des scarabées naturalisés, puis des copies articulées, image par image, pour le muséum local.

Succès immédiat. Ne reste qu'à leur rajouter des bottes et une épée pour en faire des personnages de fables.

En 1911, sa version de "La Cigale et la Fourmi", tirée à 140 copies, est présentée au tsar, qui le décore. Après la révolution, il gagne la France où sa maison-studio de Fontenay-sous-Bois, près de Paris, devient un lieu de ralliement des exilés russes, et poursuit son travail avec son épouse.

"Dès 1930, tous ses films sont conçus en couleur, au pochoir. En 1928, il réalise son premier film entièrement sonorisé".

Distribuées en Europe et aux Etats-Unis, ses oeuvres lui assurent une telle notoriété qu'"il est perçu comme le grand concurrent de Walt Disney. D'ailleurs, en 1930, les studios hollywoodiens l'appelaient chez eux. Mais il a préféré rester travailler seul", rapporte sa descendante.

Pour "Les Fables de Starewitch", cinq histoires filmées entre 1922 et 1932, suivies d'un court documentaire d'époque, "Comment naît et s'anime une ciné-marionnette", il a fallu surmonter la difficulté technique d'accoler des films noir et blanc à de la couleur, du muet à des images sonorisées. "On a dû recouper le format des images pour laisser la place à la bande son de 3 mm".

Au final, "Le Lion et le Moucheron", "Le Rat des villes et le Rat des champs", "Les Grenouilles qui demandent un roi", "La Cigale et la Fourmi" et "Le Lion devenu vieux" prennent vie à l'écran comme dans notre imaginaire. Et forcent le respect des Tim Burton, Terry Gilliam ou Wes Anderson, le père de "Fantastic Mr Fox".


           

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