Surpêche: les recommandations des scientifiques restent largement ignorées


Mercredi 24 Juin 2009 - 10:46
AP


Les Etats ont jusqu'ici perdu la bataille contre la surpêche dans les océans car la plupart des réglementations en vigueur ignorent les recommandations scientifiques, et leur portée est souvent réduite pour des raisons politiques ou de corruption, selon une étude publiée mardi dans la revue "PLoS Biology".


Surpêche: les recommandations des scientifiques restent largement ignorées
Seulement 7% de l'ensemble des pays étudiés ont fondé leur politique de pêche sur des données scientifiques fiables tandis que moins de 1% se sont dotés d'un mécanisme qui permet de s'assurer que les pêcheurs respectent les règles, selon les chercheurs. L'étude montre également qu'aucun pays étudié ne gère la "durabilité" de ses pêcheries.

Ce constat d'échec intervient malgré l'existence d'une série de textes internationaux visant à protéger les ressources marines, dont le Code de conduite de la FAO (Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture) pour une pêche responsable et la Convention sur la diversité biologique.

"La situation est mauvaise partout", résume Camilo Mora, biologiste à l'université de Californie à San Diego et principal auteur de l'étude.

"Aujourd'hui, nous voyons les pêcheries décliner en raison d'une mauvaise régulation des activités de pêche dans de nombreux pays développés, y compris l'Union européenne, les Etats-Unis et le Canada", explique-t-il. "Si la surexploitation due à la mauvaise gestion a lieu dans les pays développés, quelles sont les chances que les pays pauvres avec leurs diverses insuffisances en matière d'alimentation, de richesses et de gouvernance fassent mieux?"

L'étude se fonde sur l'analyse de la gestion des pêcheries dans 236 zones économiques exclusives. Les Etats côtiers ont le droit d'exploiter les ressources marines dans ces zones, qui s'étendent jusqu'à 370 kilomètres de leurs côtes, en vertu de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer.

Les pays riches comme les pays pauvres ne prennent pas assez de mesures pour lutter contre la surpêche, selon l'étude, qui précise que 28% des stocks de poissons sont surexploités ou se sont effondrés et que 52% sont exploités pleinement.

Les pays développés sont mieux lotis sur le plan scientifique et du respect des lois, mais laissent souvent les pressions politiques et les considérations économiques prendre le pas dans leurs politiques de pêche. Beaucoup ont des flottes modernes qui ont bénéficié de subventions, ce qui se traduit par une surcapacité et une surpêche.

De leur côté, les pays pauvres ont vu leurs politiques de pêche affaiblies par la corruption et la vente de droits de pêche aux flottes étrangères provenant d'Asie, des Etats-Unis et d'Europe. Il existe souvent peu de limites sur le volume des prises de ces flottes ont le droit prélever et peu d'efforts pour réguler leur activité.

"La transparence de la prise de décision est au coeur du problème", souligne Marta Coll, co-auteure de l'étude et chercheuse à l'université Dalhousie à Halifax (Canada) et à l'Institut des sciences de la mer en Espagne. Si les réglementations de pêche "sont fortement influencées par les pressions politiques ou la corruption, il est peu probable que de bonnes recommandations scientifiques conduisent jamais à des règles adaptées".

"L'étude souligne le rôle essentiel que la pauvreté et les systèmes de gouvernance jouent dans le déclin de la durabilité des pêcheries", souligne Joshua Cinner, un chercheur de l'université James Cook en Australie, qui n'a pas participé aux recherches. Ce constat est "très cohérent avec un article que nous avons récemment publié, montrant que le développement économique était le principal moteur de la surpêche dans les récifs coralliens de l'ouest de l'océan Indien."

L'industrie de la pêche au thon constitue un exemple typique de la manière dont les intérêts économiques l'emportent sur l'avis des scientifiques quand il s'agit de limiter les prises. Dans le monde entier, les commissions chargées de réglementer le secteur sont accusées par les écologistes d'autoriser des quotas de pêche qui conduiront à terme à l'extinction de la ressource.

Les scientifiques ont par exemple recommandé une limitation des prises à 15.000 tonnes par an pour le thon rouge en Méditerranée. Pourtant, la Commission internationale pour la Conservation du thon de l'Atlantique (CICTA) a autorisé en novembre un quota de 22.000 tonnes par an et a aussi autorisé la pêche durant les mois de frai des poissons, une période cruciale pour leur reproduction.


           

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