Tchad : après le départ d'Eufor, les questions cruciales demeurent


Lundi 16 Mars 2009 - 10:53
AFP/Cécile FEUILLATRE


La force militaire européenne Eufor a achevé dimanche sa mission au Tchad sur un bilan généralement jugé satisfaisant, mais des questions cruciales pour la stabilité du pays - droits de l'homme, justice, réconciliation entre communautés -, restent en suspens.


Tchad : après le départ d'Eufor, les questions cruciales demeurent
Selon la métaphore d'un humanitaire, "Eufor a été un parapluie. Cela protège, mais on ne peut pas lui demander de supprimer la pluie".
Le mandat militaire d'Eufor visait essentiellement à protéger les populations civiles dans l'est du Tchad et le nord-est de la Centrafrique, mais s'inscrivait dans le cadre d'une mission beaucoup plus large de l'ONU, avec un volet civil consacré à la restauration de l'état de droit et la promotion des droits de l'homme.
Après le départ de l'Eufor, pendant le week-end, l'ONU assume l'ensemble de ces responsabilités.
Tensions intercommunautaires, conflits entre éleveurs et agriculteurs, problèmes fonciers: "L'est du Tchad ne fait pas que souffrir des répercussions du conflit du Darfour", souligne Serge Malé, représentant du Haut commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (HCR). "Le Darfour est l'épicentre du tremblement de terre dans la région, mais il y avait des braises à l'intérieur du Tchad, et le Darfour les a allumées".
Le mandat de la Minurcat, la mission de l'ONU lancée il y a un an (avec son corollaire Eufor), et renouvelée jusqu'au 15 mars 2010, prévoit ainsi la reconstruction d'un système judiciaire indépendant et la réhabilitation des prisons, l'amélioration des droits de l'homme et des efforts de réconciliation locale.
Autant de questions qui, de l'avis de nombreux humanitaires et représentants de la société civile tchadienne, sont toujours en souffrance.
"On est parti de zéro", plaide Alain Le Roy, chargé des opérations de maintien de la paix à l'ONU, en énumérant les projets mis en place depuis un an par la Minurcat: 200 magistrats en cours de formation, nominations de délégués aux droits de l'homme, réhabilitation d'une prison...
"L'Eufor était rapide, prompte à se déployer. Mais la Minurcat s'inscrit dans la durée", explique-t-il, en situant la mission dans une perspective de 2/3 ans, "si le Tchad le souhaite".
"Nous sommes en train de mettre en place les bases de la police et de la justice", poursuit-il.
La Minurcat compte également 300 policiers de l'ONU et a assuré la formation de 850 gendarmes et policiers tchadiens (DIS, détachement intégrés de sécurité), chargés de patrouiller dans les camps de réfugiés et de déplacés dans l'est du Tchad.
"C'est un long travail, il faut que la confiance s'installe", avec des populations habituées aux exactions impunies et peu enclines à porter plainte, explique le lieutenant Gueye Gnouma, une jeune Ivoirienne de l'ONU, chargée avec 30 policiers de six sites de déplacés et d'un camp de réfugiés dans la région de Goz Beida (est).
La faillite généralisée du système judiciaire dans tout le pays met en outre en cause les progrès réalisés dans le cadre de la Minurcat: ainsi, les DIS ont arrêté 80 personnes au cours des derniers mois, mais ces dernières ont été relâchées, donne en exemple un responsable onusien.
Beaucoup plus largement, la situation politique au Tchad est loin d'être apaisée et le dialogue entre l'opposition et le président Idriss Deby est enlisé.
Pour Nicolas Vercken, de l'organisation Oxfam, "on passe à côté du processus de paix en faisant comme si le Tchad n'était que le résultat de ce qui se passe au Darfour".
La Minurcat n'a pas de mandat politique, mais, pour lui, l'UE doit désormais s'engager dans le processus de paix : "l'UE a retiré ses troupes, elle doit maintenant s'impliquer politiquement".


           

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