Ukraine: l'opposante Timochenko condamnée à sept ans de prison


Mardi 11 Octobre 2011 - 11:55
AFP


Kiev - L'opposante et ex-Premier ministre ukrainienne Ioulia Timochenko a été condamnée mardi à sept ans de prison pour "abus de pouvoir", un verdict qu'elle qualifie de règlement de compte politique du président Viktor Ianoukovitch et que l'Union européenne a aussitô t critiqué.


Ioulia Timochenko
Ioulia Timochenko
Mme Timochenko a annoncé son intention de contester le jugement devant la justice européenne et appelé à lutter contre l'"autoritarisme" en Ukraine.

"Le tribunal a décidé de reconnaître Ioulia Timochenko coupable (...) et de la condamner à sept ans de prison", a déclaré le juge Rodion Kireev, en suivant le réquisitoire du parquet et assortissant cette peine d'une interdiction d'exercer des fonctions officielles pendant trois ans.

Il a aussi ordonné à l'opposante de verser près de 200 millions de dollars à l'entreprise publique des hydrocarbures Naftogaz pour rembourser les pertes occasionnées par la signature de contrats avec la Russie alors qu'elle était Premier ministre.

"Le tribunal a décidé de satisfaire la plainte de l'entreprise nationale Naftogaz et ordonne à Timochenko I.V. de rembourser les pertes de cette compagnie à hauteur de 1,516 milliard de hryvnia" (soit environ 200 millions de dollars), a déclaré le magistrat.

En détention provisoire depuis le 5 août, l'opposante était jugée depuis juin pour avoir signé en 2009 sans l'autorisation du gouvernement qu'elle dirigeait des accords gaziers avec la Russie considérés comme défavorables à son pays et à son bras énergétique, Naftofgaz.

Le gouvernement tente depuis des mois de revoir ces contrats, qui avaient mis fin à un conflit gazier entre Kiev et Moscou et avait perturbé les approvisionnements en gaz russe de l'Union européenne.

Mme Timochenko, entourée de son mari et de sa fille, s'est montrée combative comme à son habitude: "Nous allons nous battre pour défendre notre réputation devant les instances européennes. Nous devons être forts et défendre l'Ukraine contre l'autoritarisme et l'absence de liberté", a-t-elle déclaré après sa condamnation, dont elle devrait faire appel.

Coiffée de son emblématique tresse ukrainienne, Mme Timochenko a comparé sa condamnation "à l'année 1937" en URSS, en référence aux purges menées par Staline à l'époque.

Cette condamnation risque d'accroître les tensions entre l'Ukraine et l'Union européenne, alors que Kiev tente d'obtenir un accord d'association avec l'UE.

L'UE a réagi immédiatement, en menaçant l'Ukraine de graves "conséquences", notamment en ce qui concerne la conclusion de cet accord si Mme Timochenko ne bénéficie pas d'une procédure d'appel équitable.

L'UE est "profondément déçue" après cette condamnation et un procès "qui n'a pas respecté les normes internationales en matière de procédures équitables, transparentes et indépendantes", a souligné mardi la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton.

Bruxelles a signifié plusieurs fois au gouvernement ukrainien que l'emprisonnement de Mme Timochenko ralentirait la conclusion de l'accord, les Européens soupçonnant que les poursuites engagées contre l'opposante ne soient destinées à écarter une adversaire politique redoutable.

Devant le tribunal à Kiev, un millier de partisans de l'opposition manifestaient depuis mardi matin. Face à eux, autant de partisans du pouvoir défilaient, sous l'oeil de centaines policiers d'unités anti-émeutes prêts à intervenir.

Le président Ianoukovitch devait s'adresser à la presse dans l'après-midi, ont indiqué ses services sans plus de précisions.

Selon certains analystes locaux, le régime ukrainien pourrait dépénaliser l'article sur la base duquel Mme Timochenko a été condamnée, ce qui permettrait de la remettre en liberté et ainsi de ménager l'UE.

Ioulia Timochenko a été l'égérie de la Révolution orange de 2004, qui avait conduit à l'annulation de la victoire à la présidentielle du pro-russe Viktor Ianoukovitch, successeur désigné du président d'alors, Leonid Koutchma.

Devenue Premier ministre, elle s'est rapidement brouillée avec son allié, Viktor Iouchtchenko, élu à la présidence après le soulèvement pacifique pro-occidental.

En février 2010, elle a perdu la présidentielle face à M. Ianoukovitch. Peu après, des poursuites ont été engagées contre elle et plusieurs de ses ministres.


           

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