Un mécanisme de suivi des droits de l’Homme au Sahara ? Brèves remarques à l’aune de la légalité internationale


Samedi 20 Avril 2013 - 10:22
Abderrahim El Maslouhi



Abderrahim El Maslouhi
Abderrahim El Maslouhi
Que le projet de résolution des Etats-Unis relatif à la mise en place d’un mécanisme de suivi des droits de l’Homme au Sahara occidental soit inspiré et applaudi tout à la fois par le Centre américain Robert F. Kennedy (RFK), c’est là un fait tautologique en politique internationale. Le Centre RFK pour la justice et les droits de l’Homme n’est rien d’autre que l’organisme américain qui s’est illustré ces dernières années pour son soutien à la propagande séparatiste concernant le Sahara occidental. Après avoir décerné en 2008 le Prix annuel des droits de l’Homme à Aminatou Haidar, citoyenne marocaine de tendance formellement indépendantiste, le Centre RFK a été le porte-voix leader du mouvement appelant à rattacher une dimension des « droits de l’Homme » au mandat de la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un Référendum au Sahara occidental (MINURSO). Mettre en place un mécanisme indépendant de suivi des droits de l’homme est en soi une idée noble. Mais une telle initiative doit bien entendu tenir compte de paramètres situationnels au cas par cas. Et il se trouve que, dans le cas d’espèce, la noblesse de l’idée est sérieusement entamée par le caractère partial et partisan de l’organisme initiateur.  

Pour autant qu’on puisse en juger, les tenants de l’extension du mandat de la MINURSO ont fait montre d’une méconnaissance de taille des principes élémentaires du droit onusien. À quelques rares exceptions près, les fonctions classiques d’une force onusienne pour le maintien de la paix n’intègrent pas de dimensions relatives aux « droits de l’Homme ». En bonne pratique onusienne, une force de maintien de la paix, comme c’est le cas de la MINURSO, est une mission préventive qui se reconnaît aux fonctions suivantes : observer le cessez-le-feu et les mouvements de troupes, assurer des opérations de désarmement et de démobilisation, appuyer les opérations humanitaires et assurer l’ordre public.

Sur ce sujet, il conviendrait de rappeler aux tenants de l’extension certaines règles et usages basiques en droit international. Celui-ci établit habituellement la distinction entre la notion de « maintien de la paix », laquelle n’implique aucune interférence des forces déployées sur le territoire du conflit, et celles de « rétablissement de la paix » ou d’« imposition de la paix » qui relèvent de cas très graves comme ceux de la Somalie ou de la Bosnie-Herzégovine. Dans les deux derniers cas, la gravité des actes de belligérance et les conséquences qui en résultent en termes d’atrocités et d’atteintes aux droits humains fournissent de bonnes raisons pour étendre le mandat des forces de la paix à la question des droits de l’Homme.  

Un deuxième argument, plus radical, ôte au projet de résolution en question tout fondement juridique. À présent, la gestion par le Conseil de sécurité de l’affaire saharienne est régie par le Chapitre VI de la Charte des Nations Unies. Comme le reconnaît le Secrétaire général de des Nations Unies dans son rapport du mois d’avril de l’année 2013 sur le Sahara, ce chapitre ne donne pas mandat aux Nations Unies pour intervenir en dehors des mesures prévues par ce même chapitre pour le règlement pacifique des différends (négociation, médiation, etc.). En toutes hypothèses, aucune mention n’est faite des mécanismes de suivi ou de protection des droits de l’Homme comme partie intégrante des dispositifs du chapitre VI. Le projet de résolution, qui fait fi des avancées réalisées sur le terrain en matière de droits de l’Homme au Sahara occidental – avancées saluées, entre autres, par le Rapporteur spécial, Juan Mendez –, risque donc de poser des problèmes de légalité internationale et d’être même un facteur d’aggravation, davantage que d’apaisement, d’un conflit qui n’a fait que durer.

Abderrahim El Maslouhi
Professeur à la faculté de droit de Rabat-Agdal


           

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