Vendredi une heure avant minuit, un Royaume désuni quitte l'Union européenne


Vendredi 31 Janvier 2020 - 15:11
Reuters


LONDRES - Le Royaume-Uni quitte l’Union européenne vendredi une heure avant minuit (23h00 GMT), s’engageant sur la voie d’un avenir incertain qui est aussi un défi pour le projet européen né sur les ruines de la Deuxième Guerre mondiale.


Cette journée du 31 janvier marque l’apogée d’un interminable feuilleton qui a débuté le 23 juin 2016, lorsque les Britanniques se sont prononcés à une courte majorité pour un divorce avec l’Union européenne.

Dans les faits pourtant, cette rupture géopolitique majeure n’aura aucune conséquence dans les mois à venir, le Royaume-Uni entrant dans une période de transition durant laquelle il restera soumis aux règles et obligations communautaires et ce, jusqu’à la fin de l’année, le temps de négocier les termes de la future relation avec les Européens.

Le Premier ministre britannique Boris Johnson n’a guère donné d’indices sur ce que l’avenir réservera au pays, promettant seulement de rétablir la confiance des ménages et des entreprises. “Nous serons hors de l’UE, libres de tracer notre propre route en tant que nation souveraine”, a-t-il dit.

Mais 43 mois après le référendum, la nation britannique reste toujours aussi divisée, et la consultation elle-même a montré que ces fractures allaient au-delà de la seule question de l’appartenance européenne, touchant tout autant les effets du capitalisme, le sujet de l’immigration ou l’affrontement entre les traditions et la modernité britanniques.

Le vote a aussi illustré une montée du nationalisme anglais avec le risque inhérent d’une potentielle dislocation du Royaume-Uni: tandis que l’Angleterre et le pays de Galles votaient majoritairement pour le Brexit, l’Ecosse et l’Irlande du Nord rejetaient largement cette perspective.

L’Union européenne va pour sa part devoir se séparer d’un Etat membre qui s’était rallié au bloc communautaire en 1973 et représentait 15% de sa puissance économique, offrant au Vieux Continent, avec la City de Londres, une capitale financière internationale.

UN PAYS À RÉINVENTER
Pour marquer l’événement, une nouvelle pièce de 50 pence a été spécialement frappée, appelant à “la paix, la prospérité et l’amitié avec toutes les nations”.

Les Brexiters les plus fervents souhaitaient faire sonner les cloches du royaume vendredi à 23h00. Mais Big Ben, la grande cloche de la tour du palais de Westminster en rénovation, restera silencieuse. Les sommes nécessaires à sa remise provisoire en service n’ont pu être réunies.

Pour eux, la date du 31 janvier est une fête de l’indépendance.

“Un pays tout à fait majeur s’en va, et il faudrait peut-être commencer à réfléchir aux raisons de ce départ”, souligne Nigel Farage, qui fut avec Boris Johnson l’un des principaux porte-voix du camp du Brexit lors du référendum organisé par David Cameron.

A ses yeux, le projet européen s’est mué, sous domination allemande, en un projet d’empire que le Royaume-Uni ne peut accepter.

Dans la circonscription de Dagenham, dans l’est de Londres, qui a voté à plus de 62% pour le Brexit, Tommy Smith, un ancien chauffeur-livreur de 63 ans, se tient prêt. Vendredi soir, il boira un verre de whisky pour fêter le divorce.

“Il était temps, j’espère une Angleterre bien meilleure”, dit-il. “Espérons que cela va réduire l’immigration et empêcher des gens de venir ici voler notre pays et repartir millionnaires. Il y a bien trop de migrants.”

A l’inverse, et en dépit de leur incapacité répétée à unir leurs forces, les partisans du maintien dans l’UE reportent leur combat sur les générations à venir, estimant que l’impact économique du Brexit les convaincra à annuler le divorce et à réintégrer le bloc communautaire.

Ils ne voient pas comment dans un monde aussi changeant quitter l’UE pourrait renforcer la position du Royaume-Uni. Londres pouvait jusqu’à présent s’appuyer sur la force économique de l’UE et de ses 500 millions d’habitants; il lui faudra désormais affronter seul les défis posés par la Chine ou les Etats-Unis.

“Le Brexit est une reconceptualisation de notre pays, de notre politique et de notre place dans le monde. C’est assurément le moment le plus significatif de notre histoire depuis la Deuxième Guerre mondiale”, souligne Anand Menon, directeur du cercle d’études “The UK in a Changing Europe”.


           

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