"1 2 3 4 5", de Sarah Moon : images de Moon
Le Monde.fr/Claire Guillot
Il y a ceux qui admirent le travail de Sarah Moon et ceux qui ne l'aiment pas. Mais une chose met tout le monde d'accord : depuis les années 1970, la photographe s'est fabriqué un univers reconnaissable entre tous.
L'ensemble se veut moins une rétrospective qu'une sorte de journal intime en cinq cahiers, avec "des ellipses et des flash-back". Mais tout y est. A commencer par ses photos de mode (Cacharel), dans les années 1970, quand la jeune femme, qui a débuté comme mannequin, passe derrière l'appareil. Ses images évoquent alors un début de siècle (le XXe) totalement fantasmé : jeunes filles languides aux lèvres foncées, fleurs mélancoliques, robes froufroutantes, le tout dans un rendu flou proche du pictorialisme. Puis viennent des images plus personnelles et plus sombres, polluées d'accidents. Stries, déchirures, taches sont obtenues par manipulation en cours de développement, donnant l'impression d'images sorties directement d'un rêve... ou d'un grenier.
Un album est consacré à ses courts métrages, où elle revisite des contes populaires (La Petite Sirène). Mais le volume le plus réussi est sans doute celui consacré aux photos de mode en couleur. Sarah Moon s'y autorise des images plus abstraites, dépouillées des symboles et de l'imagerie qui alourdissent régulièrement ses films et ses images fixes (manèges, cirques, chevaux, oiseaux, vieux mobilier...).
On ne trouvera pas beaucoup de surprises au long de ces 500 pages, peu d'images vraiment troublantes au-delà de leur charme immédiat. Dans ce coffret, l'artiste affiche surtout la cohérence de son monde intérieur, fidèlement transcrit sur pellicule depuis quarante ans : un univers secret, mélange de sophistication et de suranné, où beaucoup se reconnaissent, et dont d'autres cherchent encore la clé.