A Phnom Penh, sur le pont du drame, des corps et des sandales
AFP
Phnom Penh - Entre les corps sans vie gisent des lunettes noires, des vêtements, des sandales. Lorsque le soleil s'est levé mardi matin sur le pont Koh Pich de Phnom Penh, où au moins 378 personnes sont mortes dans une bousculade, il ne restait que des traces de panique.

La fête est chaque année un déferlement hystérique et bon enfant de courses de bateaux, concerts et feux d'artifice. C'est aussi le moment, unique au monde, où le cours de la rivière Tonle Sap s'inverse. Instant de magie qui se reproduit chaque année, hommage rendu à la beauté et à la luxuriance de la nature.
Mais ce mardi, les festivaliers errent en sanglotant à la recherche d'un proche, ou d'une explication, pendant que les forces de sécurité s'affairent. Les victimes comptent une majorité de femmes, mais il y a aussi beaucoup d'enfants.
Chun Chantha, un paysan de 49 ans de la province de Kampong Speu, a failli être écrasé. "Je suis vraiment sous le choc. J'ai tellement de chance d'avoir survécu", dit-il.
"Je revenais avec mes enfants sur le pont et d'un seul coup, beaucoup de monde a commencé à s'entasser dessus. Et puis nous avons été coincés", explique-t-il. Mais il a fini par réussir à s'extraire de la masse et à sauver les siens.
"C'est la première fois qu'une chose comme ça arrive lors de la Fête de l'eau", raconte de son côté Im Mean, un chauffeur de taxi de 47 ans, qui s'estime lui aussi bien heureux d'en être sorti indemne.
"Mes enfants et mes proches sont venus pour le premier et le deuxième jour du festival. J'ai beaucoup de chance qu'ils ne soient pas restés pour le dernier jour".
Aucune explication n'a encore été avancée sur les causes du drame. Une rumeur fait état de gens électrocutés. Mais le gouvernement privilégie la thèse de la panique, lorsque certains festivaliers ont craint que le pont ne s'écroule.
Beaucoup ont été écrasés, étouffés. D'autres ont réussi à s'extraire de la masse oppressante, à tendre une main d'entre les morts pour obtenir du secours.
Quelques heures plus tard, en attendant que les premières conclusions soient tirées, l'heure est au soin des survivants, le regard plongé dans le vide sur des brancards, et à l'identification des morts.
Des dizaines de corps sont alignés sur des linceuls blancs sous une tente, à côté de l'hôpital Calmette, en plein centre-ville.
Les policiers relèvent les empreintes digitales pendant que les proches de victimes cherchent un visage, guettent la couleur d'un vêtement, prennent des informations au téléphone.
Anéanti, Uch Yon retient ses larmes en cherchant sa dernière fille. Il a déjà trouvé le corps de son aînée, 25 ans, et de sa belle-fille, 32 ans. "J'ai fait beaucoup d'hôpitaux mais je ne trouve pas ma fille de 18 ans", explique ce père de six enfants, âgé de 62 ans.
"Je ne pense pas qu'elle ait survécu".
Un deuil national est prévu jeudi.