A Tataouine, les jeunes veulent leur part de la manne pétrolière
AFP
Tataouine (Tunisie) - A Tataouine, dans l'extrême Sud tunisien, jeune est souvent synonyme de chômeur. Même ceux qui ont du travail sont en attente d'un "vrai" emploi, un rêve alimenté par la présence des principales ressources pétrolières du pays.
Cette région marginalisée a été secouée le week-end dernier par des heurts, lorsque la police a chargé à coups de gaz lacrymogènes des protestataires réclamant les milliers d'emplois promis par le gouvernement.
"Ce qui nous fait mal au coeur, c'est que Dieu nous a tout donné, mais concrètement nous n'avons rien!", estime Khaled Jady, 32 ans, qui a laissé tomber les petits jobs et lorgne sur les emplois dans les sites pétroliers, à 200 km de la ville, dans le Sahara.
La production tunisienne de pétrole et gaz n'est pas énorme, mais la population en attend beaucoup pour développer une région oubliée de l'Etat.
"On n'en bénéficie pas, on peut seulement regarder passer les camions de la société pétrolière qui transportent des (travailleurs) étrangers ou des Tunisiens du nord", peste Khaled.
"Ils n'embauchent jamais des gens de la région! Ils nous disent que nous ne sommes pas formés", lance le trentenaire, qui a arrêté l'école après le primaire. "Formez nos jeunes pendant un an ou deux alors, ensuite recrutez-les!".
Mais avec ses écoles délaissées et les universités avoisinantes offrant peu de débouchés, Tataouine, à 550 km au sud de Tunis, est à des années lumière des villes côtières tunisiennes où sont formés ingénieurs et médecins.
"C'est comme si on n'était pas en Tunisie", déplore Khaled.
Après des décennies de développement économique clientéliste, cette région, comme d'autres de l'intérieur du pays, n'a pas de tissu industriel, peu de services publics, et quasiment pas de tourisme.
Le taux de chômage y est le plus élevé de Tunisie, à 30% officiellement, encore davantage pour les jeunes.
Au-delà du manque d'emploi, c'est le manque de perspectives qui décourage Mohamed, serveur de café trentenaire, qui se décrit comme "chômeur": titulaire d'un master, il attend avec résignation que l'Etat ouvre des postes dans l'éducation nationale.
Depuis que le gouvernement a promis en 2017 des milliers d'embauches pour mettre fin à un long blocage de la production pétrolière, des mobilisations agitent régulièrement la région pour réclamer l'application de ces engagements.
Après des semaines de sit-in et l'arrestation d'un chef de file du mouvement de protestation, la rue s'est enflammée le week-end dernier, jusqu'à sa libération mercredi.
Si le calme est revenu, le problème est loin d'être résolu: dix ans après la révolution qui a conduit à la chute du président Zine El Abidine Ben Ali, les inégalités qui avaient mis le feu aux poudres sont toujours aussi criantes, et la pandémie les a placées sous une lumière crue.
La santé publique est défaillante et la fermeture des frontières a frappé de plein fouet les nombreuses petites mains des trafics transfrontaliers, dans cette région située entre la Libye et l'Algérie.
La président Kais Saied, qui avait mis les jeunes marginalisés au centre de sa campagne électorale, a appelé les protestataires à "renverser" la situation.
Au lieu d'attendre des embauches, "vous êtes vous-mêmes appelés à présenter des projets de développement" à l'Etat, a-t-il souligné mardi.
Mais pour Khaled Handoura, qui a travaillé dans une entreprise de génie civil avant de se blesser et se retrouver au chômage, les salaires du secteur privé, souvent en deça de 300 euros par mois, ne suffisent pas.
"Il n'y a pas d'emploi qui permette de fonder un foyer: pour demander la main d'une fille et assurer tous les préparatifs du mariage, on a besoin d'argent !", souligne le trentenaire.
"Certains sont maçons, ou vendeurs de légumes, mais au premier problème de santé, tu n'as même pas de quoi payer les médicaments". Résultat: "La migration clandestine représente la solution pour 90% des jeunes de Tataouine", selon lui.
"Ils préfèrent partir (à l'étranger) et toucher 50 euros par jour que rester ici pour un salaire de 160 euros par mois !" estime-t-il.
Khaled n'a guère d'espoir de concrétiser un projet: "je rêve, mais je me heurte au mur de la réalité qui est en béton armé"
"Ce qui nous fait mal au coeur, c'est que Dieu nous a tout donné, mais concrètement nous n'avons rien!", estime Khaled Jady, 32 ans, qui a laissé tomber les petits jobs et lorgne sur les emplois dans les sites pétroliers, à 200 km de la ville, dans le Sahara.
La production tunisienne de pétrole et gaz n'est pas énorme, mais la population en attend beaucoup pour développer une région oubliée de l'Etat.
"On n'en bénéficie pas, on peut seulement regarder passer les camions de la société pétrolière qui transportent des (travailleurs) étrangers ou des Tunisiens du nord", peste Khaled.
"Ils n'embauchent jamais des gens de la région! Ils nous disent que nous ne sommes pas formés", lance le trentenaire, qui a arrêté l'école après le primaire. "Formez nos jeunes pendant un an ou deux alors, ensuite recrutez-les!".
Mais avec ses écoles délaissées et les universités avoisinantes offrant peu de débouchés, Tataouine, à 550 km au sud de Tunis, est à des années lumière des villes côtières tunisiennes où sont formés ingénieurs et médecins.
"C'est comme si on n'était pas en Tunisie", déplore Khaled.
Après des décennies de développement économique clientéliste, cette région, comme d'autres de l'intérieur du pays, n'a pas de tissu industriel, peu de services publics, et quasiment pas de tourisme.
Le taux de chômage y est le plus élevé de Tunisie, à 30% officiellement, encore davantage pour les jeunes.
Au-delà du manque d'emploi, c'est le manque de perspectives qui décourage Mohamed, serveur de café trentenaire, qui se décrit comme "chômeur": titulaire d'un master, il attend avec résignation que l'Etat ouvre des postes dans l'éducation nationale.
Depuis que le gouvernement a promis en 2017 des milliers d'embauches pour mettre fin à un long blocage de la production pétrolière, des mobilisations agitent régulièrement la région pour réclamer l'application de ces engagements.
Après des semaines de sit-in et l'arrestation d'un chef de file du mouvement de protestation, la rue s'est enflammée le week-end dernier, jusqu'à sa libération mercredi.
Si le calme est revenu, le problème est loin d'être résolu: dix ans après la révolution qui a conduit à la chute du président Zine El Abidine Ben Ali, les inégalités qui avaient mis le feu aux poudres sont toujours aussi criantes, et la pandémie les a placées sous une lumière crue.
La santé publique est défaillante et la fermeture des frontières a frappé de plein fouet les nombreuses petites mains des trafics transfrontaliers, dans cette région située entre la Libye et l'Algérie.
La président Kais Saied, qui avait mis les jeunes marginalisés au centre de sa campagne électorale, a appelé les protestataires à "renverser" la situation.
Au lieu d'attendre des embauches, "vous êtes vous-mêmes appelés à présenter des projets de développement" à l'Etat, a-t-il souligné mardi.
Mais pour Khaled Handoura, qui a travaillé dans une entreprise de génie civil avant de se blesser et se retrouver au chômage, les salaires du secteur privé, souvent en deça de 300 euros par mois, ne suffisent pas.
"Il n'y a pas d'emploi qui permette de fonder un foyer: pour demander la main d'une fille et assurer tous les préparatifs du mariage, on a besoin d'argent !", souligne le trentenaire.
"Certains sont maçons, ou vendeurs de légumes, mais au premier problème de santé, tu n'as même pas de quoi payer les médicaments". Résultat: "La migration clandestine représente la solution pour 90% des jeunes de Tataouine", selon lui.
"Ils préfèrent partir (à l'étranger) et toucher 50 euros par jour que rester ici pour un salaire de 160 euros par mois !" estime-t-il.
Khaled n'a guère d'espoir de concrétiser un projet: "je rêve, mais je me heurte au mur de la réalité qui est en béton armé"