Adorée au Japon, la fleur du cerisier perturbée par le changement climatique

AFP/Patrice NOVOTNY

Célébrée chaque année par des millions de Japonais comme le début du printemps, la floraison des cerisiers se fait plus précoce à cause du changement climatique, un phénomène qui inquiète les admirateurs de ces arbres glorifiés par les poètes.

Adorée au Japon, la fleur du cerisier perturbée par le changement climatique
La saison des cerisiers en fleurs a été officiellement ouverte le 21 mars à Tokyo, avec cinq jours d'avance sur la date prévue et une semaine plus tôt que la moyenne des trente dernières années du XXe siècle.
Loin d'être accidentel, ce phénomène est récurrent depuis plusieurs années, souligne l'agence de météorologie du Japon (JMA).
Les premières fleurs apparaissent d'habitude dans la seconde moitié du mois de mars sur les "sakura" (cerisiers) des îles méridionales de l'archipel, avant de s'ouvrir peu à peu sur ceux de l'île centrale de Honshu et en dernier lieu dans les confins septentrionaux du Japon.
Mais selon les données compilées par l'agence, la "ligne de floraison" des cerisiers au 1er avril, située il y a quarante ans dans le sud de l'île de Honshu, est depuis remontée de 200 km vers le nord.
Un changement "causé par le réchauffement climatique et l'urbanisation", estime Takashi Yoshida, responsable climat à la JMA.
La température en ville est en effet plus élevée qu'en zone rurale, à cause de l'activité humaine (voitures, chauffages, climatiseurs, etc.), de l'absence d'espaces verts et de l'omniprésence de matériaux captant les rayons du soleil, comme le goudron des routes ou les vitres des immeubles.
Nobuyuki Asada, membre de l'Association des cerisiers du Japon, s'inquiète lui de l'avenir des cerisiers dans l'archipel, en relevant que le dérèglement climatique perturbe aussi la régularité de la saison des pluies au mois de juin.
"Les températures et les pluies changent et je ne suis pas sûr qu'il y aura encore des cerisiers dans 50 ou 100 ans", s'alarme M. Asada, en soulignant qu'un bon nombre d'entre eux "ne fleurissent plus aussi bien qu'avant".
Chaque année, la JMA tente de prédire au plus juste les dates de floraison dans les différentes régions du Japon. Un vrai cauchemar pour le météorologue, accablé de plaintes en cas d'erreur.
Prétexte à des piques-niques arrosés de sake et de bière sous les arbres, les fêtes des cerisiers fleuris appelées "hanami" ("regarder les fleurs") sont en effet planifiées longtemps à l'avance entre amis ou par les entreprises pour leurs salariés.
Car l'apparition des pétales roses et blanches marque la fin de l'hiver et l'apparition du printemps, symbole de renouveau.
Ces fleurs constituent aussi depuis des siècles une intarissable source d'inspiration pour les poètes de l'archipel.
"Dès l'enfance, je me suis sentie bien en contemplant les fleurs de sakura", confie Sumiko, 76 ans, en se promenant le long d'une allée de cerisiers dans le quartier de Naka-meguro à Tokyo.
"Quand je me suis installée ici il y a plus de 40 ans, les sakura fleurissaient autour du 10 avril, pas le 20 ou le 25 mars !", se rappelle-t-elle.
Hôte de la conférence de Kyoto sur la lutte contre les changements climatiques en 1997, le Japon peine pourtant à donner l'exemple.
Selon cet accord international, il doit réduire de 6% ses émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et la période 2008-2012. Or en 2007, l'archipel a produit 9,2% d'émissions de plus qu'en 1990, selon les dernières données officielles.


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