Afrique du Sud: l'ex-président Zuma va être jugé pour la première fois pour corruption

AFP

Pietermaritzburg (Afrique du Sud) - L'ancien président sud-africain Jacob Zuma, contraint de démissionner en 2018 à la suite de scandales, sera jugé pour la première fois pour corruption, après le refus vendredi de la justice sud-africaine d'abandonner les poursuites le visant dans une vieille affaire d'armement impliquant le groupe français Thales.

Jacob Zuma, au pouvoir de 2009 à 2018, est soupçonné d'avoir touché 4 millions de rands (240.000 euros au cours actuel) de pots-de-vin du groupe de défense Thales à la faveur d'un contrat d'armement de près de 4 milliards d'euros conclu en 1999.

Au début de cette année, l'ancien président avait demandé l'abandon des poursuites pour corruption, blanchiment d'argent et racket dans ce dossier, s'estimant victime d'une "chasse aux sorcières". Vendredi, la justice lui a donné tort.

"La demande (...) d'abandonner les poursuites a été rejetée", a déclaré le juge Willie Seriti de la Haute Cour de Pietermaritzburg (est). "Il s'agit d'une décision unanime", a-t-il précisé.

L'ex-dirigeant, présent au tribunal vendredi, peut cependant encore faire appel de cette décision.

La Haute Cour de Pietermaritzburg a donné raison au parquet qui avait avancé que les arguments de Jacob Zuma étaient "scandaleux" et "problématiques".

Le ministère public a salué cette décision, ajoutant que "l'affaire serait entendue la semaine prochaine par la Haute Cour de Pietermaritzburg, du 15 au 18 octobre".

Il s'agira, s'il a lieu, du premier procès pour corruption de Jacob Zuma, empêtré dans une série de scandales qui ont provoqué sa chute en février 2018. Lâché par son parti, le Congrès national africain (ANC) de feu Nelson Mandela, il avait été contraint de démissionner.

Il a été remplacé par le nouveau patron de l'ANC, Cyril Ramaphosa, qui a promis de nettoyer son parti et le pays de la corruption.

Mais le début du procès pourrait être retardé compte tenu des possibilités d'appel. "Ca va encore traîner en longueur", a prévenu un analyste politique, Xolani Dube, interrogé par l'AFP.

Cette affaire a déjà connu de multiples rebondissements judiciaires. Les accusations lancées contre Jacob Zuma ont été suspendues puis rétablies à plusieurs reprises, au gré des recours et de décisions controversées du parquet général.

L'ancien président, qui se dit ruiné par ses frais judiciaires, n'a pas immédiatement réagi vendredi à la décision du tribunal, qui a aussi rejeté la demande de Thales d'annuler les poursuites visant le groupe français.

Dans un communiqué, Thales indique qu'il a pris "note de la décision de la Haute Cour et étudie actuellement le jugement avec son équipe juridique pour voir les options juridiques possibles".

Selon l'accusation, Jacob Zuma a été rémunéré pour éviter à Thales des poursuites pour corruption, via son ami et conseiller financier Schabir Shaik, condamné pour sa participation à cette affaire à quinze ans de prison dès 2005.

A l'époque des faits, Jacob Zuma était ministre de sa province du KwaZulu-Natal (nord-est), avant de devenir vice-président de l'ANC au pouvoir, puis du pays (1999-2005).

"Avec cette affaire de contrat d'armement, l'ANC est dans un grave bourbier", a estimé vendredi Xolani Dube.

Le dossier remonte à une vingtaine d'années, mais l'ancien président Zuma est également soupçonné de corruption dans d'autres affaires beaucoup plus récentes, du temps de sa présidence.

Il doit de nouveau être prochainement entendu par une commission anticorruption, censée faire la lumière sur les multiples accusations de corruption au sommet de l'Etat pendant son règne.

Jeudi, les Etats-Unis ont annoncé avoir placé sur la liste noire des sanctions trois amis de l'ancien président, les frères Gupta, membres d'une puissante et sulfureuse fratrie d'hommes d'affaires au coeur de ces scandales.


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