Ahmed Lahlimi au Journal : En 2007, le pouvoir d’achat des ménages a augmenté de 2,3%
Aziz El Yaakoubi
Vous venez de publier les résultats d’une enquête sur les revenus des ménages. Quelles conclusions peut-on en tirer ?
Ahmed Lahlimi Alami
Quand vous dites que 20% seulement des ménages dans le monde rural ont moins de 1 600 DH, vous ne pensez pas que cela contredit la réalité des campagnes marocaines ?
Dans quel sens ? Vous semblez suggérer que cette proportion est sous-estimée. En fait, elle est cohérente avec les données fournies par toutes les enquêtes sur les revenus et les niveaux de vie quels qu’en soient les approches et les objectifs. Il suffit, à cet égard, de vous rappeler que le seuil de pauvreté rural calculé sur la base des dépenses de consommation qui sont, comme dans tous les pays, bien supérieures aux revenus, est de 1 660 DH pour le ménage rural moyen de 5,6 membres. Par ailleurs, pour vous prouver qu’il n’y a là rien d’anormal, laissez-moi vous rappeler qu’avec un nombre d’actifs moyen de 2,6 et un SMIG d’un peu plus de 50 DH, le revenu de 1 600 dirhams correspondrait à celui que rapporterait le travail de tous les membres actifs d’un ménage rural pendant 12 à 13 jours par mois. Encore faudrait-il savoir qu’outre la sous-estimation des revenus déclarés, les dépenses de consommation des ménages intègrent, comme dans tous les pays, l’endettement de ces derniers. Au Maroc, le taux de cet endettement est de l’ordre de 31%. C’est ce qui explique que le taux de pauvreté y est, aujourd’hui, dans le monde rural de 14,4% avec, bien entendu, les disparités communales illustrées, notamment, dans les cartes de pauvreté.
Parlez-nous de la méthodologie suivie pour la réalisation de l’enquête ?
Disons, tout d’abord, que l’ «Enquête sur les Niveaux de vie des Ménages» de 2007 comporte, pour la première fois au Maroc, à coté des dépenses de consommation, des modules consacrés respectivement aux revenus, aux transferts et à la mobilité intérieure et extérieure. L’enquête a concerné tout le territoire national et un échantillon de 7 062 ménages dont 98,1% ont répondu pendant une année complète à quelques 900 questions. Il a fallu plus de deux ans de travaux pour, d’abord, définir la centaine de composantes d’une nomenclature de revenus particulièrement complexe. Cette nomenclature a été élaborée dans le but d’obtenir des ménages les informations les plus exactes possibles, aussi bien sur leurs revenus fixes tels que les salaires et sur les éléments de calcul des revenus provenant des activités indépendantes agricoles et non agricoles. Ce long délai était également nécessaire pour former plus de 20 ingénieurs et 140 techniciens chargés de l’enquête. Conduite selon les standards internationaux développés par la Banque mondiale, le BIT, la division des statistiques des Nations-Unies, l’enquête a donné lieu à l’exploitation des données collectées avec une double exigence de contrôle aussi bien de leur cohérence interne que du niveau de leur vraisemblance comparée aux données provenant des autres sources d’information, notamment les comptes nationaux.
En se basant sur ces résultats, comment évaluez-vous le pouvoir d’achat des Marocains ?
Le pouvoir d’achat, comme vous le savez, se mesure en termes d’évolution du revenu disponible par tête et du taux d’inflation. Entre 2006 et 2007, le premier a augmenté de 4,3% et le second a été de 2%. En 2007, date de réalisation de l’enquête, le pouvoir d’achat des ménages a augmenté de 2,3%. C’est du reste, la moyenne annuelle enregistrée dans notre pays, entre 1998 et 2007, période au cours de laquelle le revenu disponible par habitant s’est annuellement accru de 4% et le taux d’inflation maintenu à 1,7%.