Algérie : Election présidentielle ? Vous avez dit élection présidentielle ?

courrierinternational.com/Madjid Makedhi

Face à une opposition qui ne fait pas le poids et à une population exclusivement préoccupée par la situation économique, Abdelaziz Bouteflika est assuré d'être réélu le 9 avril, mais dans l'indifférence générale. En dépit d'une large campagne de sensibilisation menée depuis plusieurs semaines par les autorités, l'élection présidentielle du 9 avril n'aura suscité que peu d'intérêt parmi les citoyens.

Algérie : Election présidentielle ? Vous avez dit élection présidentielle ?
Elle n'a pas fait l'objet de débats dans la société, comme ce fut le cas auparavant. La majorité de la population l'a considérée comme un non-événement. Et cela pour plusieurs raisons. La levée de la limitation des mandats après amendement de la Constitution, le 12 novembre 2008, qui a permis au président Abdelaziz Bouteflika de se porter candidat à sa propre succession, est à l'origine de la désaffection populaire. Une désaffection amplifiée par le défaut de candidatures sérieuses. Considérant que les jeux étaient déjà faits, les grosses pointures de la politique nationale en mesure d'animer les foules n'ont pas jugé utile de prendre part à ce scrutin. Elles ont déclaré forfait. Et leur défection semble déjà peser lourdement sur cette élection. Le spectre de l'abstention inquiète sérieusement les autorités. Un remake du scénario des législatives du 17 mai 2007, où le taux de participation n'avait pas dépassé les 35 %, selon les chiffres officiels (moins de 15 % ,selon l'opposition), serait synonyme de sanction politique. La désaffection populaire est accentuée, en particulier, par un important malaise social. Pauvreté, chômage des jeunes, précarité, phénomène des harraga ["brûleurs (de frontières, d'identité, etc.)" ou émigrés clandestins], le front social est en ébullition. Le pouvoir d'achat des travailleurs est en très forte baisse, et les prix des produits alimentaires sont toujours hors de leur portée. Comment convaincre un citoyen qui peine à s'offrir un kilo de pommes de terre à 70 dinars [8 centimes d'euro ; le salaire minimum est de l'ordre de 100 euros] de l'importance que revêt la présidentielle ? Ce n'est pas tout. La campagne électorale s'est déroulée également sur un fond de contestation sociale. Les médecins et autres fonctionnaires du secteur de la santé ont organisé des mouvements de débrayage en pleine campagne électorale. Leurs collègues du secteur de l'éducation – et de la fonction publique en général – sont dans la même situation et la même logique de contestation. Ils demandent l'augmentation de leurs salaires et une amélioration de leur pouvoir d'achat. En outre, la fermeture du champ politique ainsi que le harcèlement subi par la presse indépendante sont des éléments qui devraient aussi peser sur cette campagne.
Devant cette situation, les six candidats engagés dans la course au palais d'El Mouradia [siège de la présidence] ont bataillé pour un seul objectif : appeler, durant vingt jours, les électeurs à voter massivement. Abdelaziz Bouteflika, Moussa Touati [nationaliste], Louisa Hanoune [candidate de gauche, issue de la mouvance trotskiste], Ali Fawzi Rebaïne [nationaliste], Mohamed Saïd [islamiste modéré] et Mohamed Djahid Younsi [islamiste] laisseront de côté leurs programmes respectifs pour constituer un "front antiabstention". Le président-candidat, qui avait affirmé qu'"un président ne sera réellement président que s'il est élu par la majorité écrasante de la population", a centré toute son énergie sur la question de la participation. Etant pratiquement assuré de sa réélection, Bouteflika a tenté de persuader les électeurs de l'"importance de la continuité". Alors que le candidat sortant a mené une campagne pour une nouvelle mandature, ses concurrents, commentent les observateurs de la scène politique nationale, l'ont plutôt aidé à légitimer cette élection. Les slogans appelant au changement de Moussa Touati, de Fawzi Rebaïne, de Djahid Younsi et de Mohamed Saïd ont été occultés par les appels à la participation. Même sort pour le "principe de préservation de la souveraineté nationale" que prône Louisa Hanoune. Mais leur tâche n'était pas facile. Les six candidats ont dû également compter avec les partisans du boycott qui ont, eux aussi, mené leur propre campagne.


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