Algérie: le règne de Bouteflika entaché par des scandales de corruption

AFP

Fléau récurrent de la vie publique algérienne, la corruption a entaché les mandats successifs du président sortant Abdelaziz Bouteflika, favorisée par la hausse des prix du pétrole et l'explosion des importations.

La justice a ouvert des enquêtes touchant notamment le groupe public pétrolier Sonatrach, qui a engrangé des recettes de près de 700 milliards de dollars depuis l'arrivée au pouvoir de M. Bouteflika en 1999.

La compagnie a engrangé entre 2000 et 2013 près de 670 millards de dollars, qui ont permis de financer pour 370 mds de dollars d'importations, de rembourser une dette de 40 mds et de conserver 200 mds de réserves de changes.

"Les prix du pétrole ont explosé durant les 15 années de pouvoir de Bouteflika. La manne pétrolière est à l'origine de l'expansion de la corruption", a déclaré à l'AFP le président de l'Association algérienne de lutte contre la corruption (AALC), Djilali Hadjadj.

Selon lui, "des proches du cercle présidentiel et du système en général sont impliqués à différents niveaux". Il chiffre entre 50 et 60 mds de dollars les commissions empochées dans les différents marchés.

"On ne peut pas nous reprocher de ne pas lutter contre la corruption", réplique l'ex-Premier ministre Abdelmalek Sellal, qui a démissionné de son poste pour diriger la campagne de M. Bouteflika, soulignant que près de 2.000 affaires ont été instruites par la justice en 2012.

Depuis 2009, plusieurs affaires ont éclaté au grand jour, la plus retentissante ayant abouti en 2010 au départ du gouvernement du ministre de l’Énergie, Chakib Khelil, en poste dix ans durant.

La justice algérienne a lancé en août 2013 un mandat d'arrêt international contre M. Khelil, pour une affaire touchant des marchés accordés par Sonatrach à des firmes étrangères notamment à Saipem, filiale du géant italien Eni. Le parquet de Milan a ouvert une enquête sur ce dossier. M. Khelil, qui s'était déclaré prêt à comparaître devant la justice, n'est plus revenu en Algérie depuis son départ aux Etats-Unis début 2013.

"C'est très inquiétant. Au moment où les grandes affaires de corruption internationales enregistrent des avancées judiciaires à l'étranger, en Algérie c'est le statu quo", déplore M. Hadjadj.

Dans un autre scandale, de hauts responsables du ministère des Travaux publics, soupçonnés d'avoir touché des pots-de-vin pour le projet de l'autoroute est-ouest, ont été incarcérés en 2009.

- Lutte des clans -

Le coût de cet ouvrage reliant les frontières tunisienne et marocaine de l'Algérie sur 1216 km, estimé au départ à 7 mds de dollars, a atteint 13 mds de dollars, selon l'économiste Abderahmane Mebtoul. Dans ce projet, 16% du montant global du marché ont été distribués en pots-de-vin, selon le quotidien El Watan.

La révélation à répétition de ces scandales a été diversement interprétée: certains y voient une volonté de lutter contre le fléau quand d'autres y décèlent les signes d'une lutte des clans au sein du pouvoir.

Les services de renseignement, qui détenaient jusqu'à l'été dernier le monopole sur les enquêtes portant sur la grande corruption, "actionnent cette carte, via la presse, pour neutraliser ou éliminer tel ou tel concurrent encombrant au sommet du pouvoir", estime le politologue Mohamed Hachemaoui.

Selon lui, l'épisode Khelil est un "exemple type de ce mode d'intervention".

Le patron du Front de libération nationale (FLN, au pouvoir), Amar Saïdani, dont le nom a été cité par la presse en lien avec un de ces dossiers, y a vu la main du Département du renseignement et de la sécurité (DRS) "qui ne cesse d'inventer des histoires sur le cercle proche du président".

Le premier quinquennat de M. Bouteflika (1999-2004) avait été marqué par le scandale Khalifa, du nom du l'homme d'affaire Rafik Khalifa qui avait édifié un empire, notamment dans les domaines de la banque, du transport aérien et du bâtiment.

Le groupe avait faillite en 2003, causant un préjudice estimé entre 1,5 et 5 mds de dollars à l'Etat et aux épargnants.

Condamné à perpétuité par contumace, Rafik Khalifa a été extradé fin décembre de Londres où il était réfugié depuis 2003. Incarcéré depuis, il attend un nouveau procès.


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