Argentine : l'ex-dictateur Videla a fini ses jours en prison
AFP
Buenos Aires - L'ancien dictateur argentin Jorge Videla, 87 ans, a fini ses jours dans la cellule où il purgeait une peine de prison à perpétuité pour les crimes commis par son régime militaire tyrannique de 1976 à 1981.
Jorge Videla
Il a dirigé l'Argentine lorsque la répression contre l'opposition de gauche était à son paroxysme. A cette époque, Brésil, Chili, Paraguay et Uruguay voisins étaient également dirigés par des régimes militaires.
Près de 30 ans après la fin de la dictature, Jorge Videla est décédé dans la prison de Marcos Paz, dans la province de Buenos Aires, à 45 kilomètres au sud-ouest de la capitale, où il se considérait comme un prisonnier politique.
"(Jeudi), il ne se sentait pas bien, il n'a pas voulu dîner et (vendredi) matin, ils l'ont trouvé mort dans sa cellule", a déclaré à la presse Cecilia Pando, présidente de l'Association des familles et amis de prisonniers politiques de l'Argentine (AFYAPPA), qui représente les nombreux militaires condamnés pour des crimes commis pendant la dictature.
Le rapport médical a conclu à une mort naturelle, a informé l'autorité pénitentiaire, mais une autopsie devait être pratiquée.
Des secrets qui disparaissent
L'ex dictateur a été découvert vendredi matin par le médecin de garde de la prison. "Il était assis sur les toilettes et (le médecin) a constaté qu'il ne présentait plus aucun signe vital", selon le rapport que l'AFP a pu consulter.
L'ancien prix Nobel de la paix Adolfo Perez Esquivel a regretté que Jorge Videla soit mort en emportant avec lui les secrets de la dictature.
"A aucun moment, il n'a exprimé de remords pour les crimes et il part avec de nombreuses informations, mais la justice doit élucider ce qu'il est advenu des disparus et des enfants", a-t-il déclaré.
Les organisations de défense des droits de l'homme accusent les militaires au pouvoir à Buenos Aires entre 1976 et 1983 d'avoir fait disparaître 30.000 personnes et d'avoir torturé ou emprisonné des centaines de milliers d'autres. Videla a reconnu 7.000 à 8.000 morts.
Environ 500 enfants ont été enlevés à leurs parents sous la dictature et confiés en adoption à des dignitaires ou des proches du régime.
"Il est mort condamné par la justice et répudié par la société", a réagi Nora Cortinas, des Mères de la Place de Mai, organisation emblématique de l'opposition à la dictature qui rassemble des parents de disparus.
Jorge Videla a cristallisé tant de haine qu'Estela de Carlotto, chef de file des Grand-mères de la Place de Mai, a confié son "soulagement" après "la mort d'un tyran", "génocidaire, dépourvu d'humanité (...) qui a tué, torturé, enlevé et violenté".
Jorge Videla était en prison depuis 2008, quand il avait été placé en détention provisoire dans l'attente de ses multiples procès.
Auparavant, il avait été détenu de 1985 (date de sa première condamnation) à 1990, quand il avait été gracié par le président Carlos Menem. De 1998 à 2008, il avait été assigné à résidence.
Mardi, il a été entendu à Buenos Aires lors d'une audience du procès consacré au Plan Condor, un réseau de répression des opposants créé par les dictatures militaires d'Amérique du Sud dans les années 1970 et 1980. Comme à l'accoutumée, il a refusé de reconnaître la justice civile.
En revanche, il a toujours assumé la responsabilité des faits qui lui sont reprochés, sans exprimer de regrets, cherchant à épargner ses subordonnés qui, selon lui, n'ont fait qu'obéir à ses ordres. Une posture qui a suscité l'indignation de nombreux Argentins.
Pour Videla, arrivé au pouvoir en 1976 à la faveur d'un coup d'Etat, les opposants à son régime étaient de dangereux terroristes ou communistes contre qui l'armée argentine était en guerre.
"Un chapitre effrayant"
Les gouvernements de Nestor Kirchner (2003-2007) et de sa femme Cristina (depuis 2007), rassemblant des opposants à la dictature, ont promu l'organisation de nombreux procès contre les responsables "du terrorisme d'Etat", selon l'appellation officielle.
Avec la mort de Videla, "c'est un chapitre effrayant de notre histoire qui nous revient à la mémoire, un chapitre de douleur et de mort dû au génocide de la dernière dictature militaire" argentine, a estimé le vice-président Amado Boudou.
Le secrétaire argentin aux Droits de l'homme, Martin Fresneda, a jugé "important qu'il soit mort de mort naturelle et dans une prison" et que "la justice (ait) été rendue".
"Le génocidaire Videla est mort", proclamait dans un bandeau la chaîne de télévision d'information A24. Pour le quotidien Clarin, Videla était "l'idéologue de la terreur de la pire dictature de l'Argentine".
Les honneurs militaires ne seront pas rendus à Jorge Videla à l'occasion de ses obsèques car son grade de général de l'armée argentine lui a été retiré. La date de l'inhumation n'était pas connue vendredi.