Armes chimiques: la Russie rejette tout recours à la force en Syrie

AFP

Damas - La Russie a jugé vendredi "inacceptables" les appels en Europe à faire pression sur l'ONU et en faveur de l'usage de la force contre le régime syrien de Bachar al-Assad après des informations selon lequelles il aurait utilisé des armes chimiques près de Damas.

Armes chimiques: la Russie rejette tout recours à la force en Syrie

La réaction de Moscou intervient alors que le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius a estimé jeudi que si l'utilisation d'armes chimiques par le régime était avérée, il fallait "qu'il y ait une réaction", "une réaction qui peut prendre la forme d'une réaction de force".

Une offensive a eu lieu mercredi dans la Ghouta orientale et à Mouadamiyat al-Cham, des secteurs aux mains des rebelles situés respectivement à la périphérie est et ouest de Damas, faisant un nombre de victimes encore indéterminé.

L'opposition a évoqué 1.300 morts et accusé le régime d'avoir mené ces attaques avec des gaz toxiques.

L'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), qui s'appuie sur un large réseau de militants et médecins, a lui comptabilisé 170 morts et n'a pu confirmer l'utilisation d'armes chimiques. Cette ONG a cependant affirmé que le régime avait violemment bombardé cette région mercredi, puis jeudi.

Les autorités syriennes ont catégoriquement démenti les allégations d'utilisation d'armes chimiques, un haut responsable de la sécurité estimant qu'avoir recours à ces armes, alors même que des experts de l'ONU se trouvent en Syrie, aurait été "un suicide politique".

Le chef de la diplomatie britannique William Hague a affirmé pour sa part que "la seule explication possible à ce que nous avons pu voir est qu'il s'agissait d'une attaque chimique", orchestrée par le "régime d'Assad". La Suède s'est aussi dite quasi certaine que le régime syrien avait employé de telles armes.

Le président américain Barack Obama a jugé dans un entretien télévisé que les nouvelles allégations sur l'utilisation d'armes chimiques par l'armée syrienne étaient "sérieusement" préoccupantes.

Pour sa part, Moscou a estimé que cette attaque était "clairement une provocation" des rebelles et jugé que "les appels de quelques capitales européennes à faire pression sur le Conseil de sécurité de l'ONU et à décider dès maintenant de recourir à la force (étaient) inacceptables", selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères.

Dans le même temps, la Russie a appelé son allié syrien à coopérer avec les experts de l'ONU et réclamé aux rebelles de "garantir" leur accès sur les lieux des attaques.

"Crime contre l'humanité"

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a aussi demandé que les inspecteurs de l'ONU puissent enquêter au plus vite, avertissant que l'utilisation d'armes chimiques constituerait un "crime contre l'humanité" aux "graves conséquences pour celui qui l'a perpétré".

Les experts de l'ONU sont arrivés dimanche, avec un mandat se limitant à déterminer si des armes chimiques avaient été utilisées dans le passé à Khan al-Assal (nord), Ataybé (près de Damas) et Homs (centre).

Mais selon l'ONU, le chef de l'équipe, Ake Sellström, a entamé des négociations avec le régime pour pouvoir enquêter sur les attaques de mercredi.

Interrogé par l'AFP sur le programme des inspecteurs, un haut responsable des services de sécurité à Damas a indiqué ne pas avoir d'informations à ce sujet, se contentant de dire: "ils travaillent selon un plan convenu à l'avance avec des modalités précises".

"Sur le plan international, il y a de plus en plus la conviction que s'il y a eu attaque à l'arme chimique, celle-ci a été perpétrée par les terroristes", a-t-il en outre estimé, ajoutant que ces allégations pouvaient aussi n'être qu'une "immense comédie".

L'envoyé spécial de la Ligue arabe et de l'ONU, Lakhdar Brahimi, a souligné que le conflit syrien était "la plus grande menace" actuelle contre la paix mondiale, et lancé un appel aux différentes parties à venir s'assoir à la table des négociations.

La chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton a de son côté exhorté la communauté internationale à "agir avec le sens de l'urgence" et à "montrer un visage uni" face à la crise syrienne.

A l'appui de leurs accusations, les militants anti-régime ont diffusé des vidéos de personnes inanimées ne portant aucune trace de sang ou de médecins administrant de l'oxygène à des hommes ou des enfants pour tenter de les aider à respirer, des images qui ont provoqué l'indignation du monde entier.

Les enfants paient un lourd tribut dans ce conflit, qui a fait plus de 100.000 morts dont 7.000 enfants en deux ans et demi selon l'ONU, et poussé à la fuite des millions de Syriens.

L'Unicef estime que le nombre d'enfants syriens réfugiés à l'étranger a atteint le million, tandis que deux autres millions ont été déplacés dans le pays.

Dans le même temps, les violences continuaient de faire rage, comme à Alep, la métropole du Nord divisée entre quartiers rebelles et pro-régime.

Selon l'OSDH, six civils, dont un journaliste de la télévision officielle al-Ikhbariya, ont été tués et 19 autres blessés, lorsque un kamikaze s'est fait exploser dans un restaurant d'un quartier tenu par les forces loyalistes.



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