Au Mozambique, la mort troublante d'un observateur électoral
AFP
Xai-Xai (Mozambique) - Les assassins n'ont pas laissé l'ombre d'une chance à leur victime. Son véhicule tout-terrain vert en porte aujourd'hui les traces indélébiles, pas moins de dix impacts de balles logés dans la porte avant. Une véritable exécution.
A la tête d'un forum d'ONG, Anastacio Matavela, 58 ans, se piquait de vouloir vérifier la régularité des élections générales du 15 octobre au Mozambique. Il en est mort lundi dernier au coin d'une rue poussiéreuse de Xai-Xai (sud), abattu au volant de sa voiture.
Son meurtre a conclu une campagne électorale où les incidents violents se sont multipliés, témoins des vives tensions politiques qui crispent le pays.
"Ce jour-là, Anastacio organisait une formation pour les observateurs qui voulaient suivre le processus électoral (...) Il a fait le discours d'ouverture et puis il a dû partir pour le centre-ville", raconte son ami Filipe Mahanjane.
"Il était seul dans la voiture, personne n'a vu ce qui s'est passé. On sait juste qu'il s'est fait tirer dessus et qu'il a été conduit à l'hôpital", poursuit-il devant le véhicule, garé devant la maison de la victime. "Il n'a pas survécu".
L'assassinat sans témoin d'Anastacio Matavela aurait dû rester impuni. Mais la voiture des tueurs présumés en fuite a violemment percuté un autre véhicule.
Deux de ses occupants ont trouvé la mort, deux autres ont été blessés, un cinquième a pris la fuite. Les témoins ont eu vite fait de les reconnaître. Des policiers, membres d'une unité locale d'intervention.
La direction nationale de la police n'a eu d'autre choix que de reconnaître l'identité de ses agents, de suspendre deux officiers et d'ordonner une enquête. En attendant ses résultats, elle se refuse à tout autre commentaire.
Mais pour le candidat local de la Résistance nationale du Mozambique (Renamo), le principal parti d'opposition du pays, le crime est signé. "Ce gars travaillait pour que l'élection soit transparente", lâche comme une évidence Mouzinho Gama Gundurujo, "alors ils l'ont tué".
"Ils", c'est le régime du président sortant Filipe Nyusi et son parti du Front de libération du Mozambique (Frelimo).
Au pouvoir depuis l'indépendance du pays en 1975, ils entendent l'emporter une fois encore lors des scrutins présidentiel, législatifs et provinciaux du 15 octobre.
Particulièrement ici, dans leur bastion de la province de Gaza, à trois heures de route au nord de Maputo. Ici, la campagne a été âpre et émaillée de nombreux incidents. Menaces, intimidations, agressions...
"On sait que les escadrons de la mort existent et que la police mène des opérations spéciales pour faire taire les hommes politiques, les activistes. Elle sert de bras armé au parti au pouvoir", accuse Mouzinho Gundurujo.
"On sait surtout qu'une grosse fraude se prépare ici".
Le collectif d'ONG auquel appartenait Anastacio Matavela a révélé une série d'irrégularités troublantes dans les listes électorales de la province de Gaza.
Le nombre d'inscrits y a plus que doublé en cinq ans, passant de 591.000 à près de 1,2 million. De très loin la plus forte hausse de tout le pays.
La société civile s'est émue de cette étonnante vitalité démographique, le chef de l'Institut de la statistique aussi. Mais la Commission électorale (CNE) a confirmé ses calculs et fait passer en conséquence le nombre de sièges de députés à pourvoir à Gaza de 14 à 22.
"Il n'y a pas d'explication scientifique", s'amuse Ericino de Salema, avocat à l'Institut électoral pour une démocratie durable en Afrique. Mais une justification politique, peut-être. "Gaza est la seule province du pays qui n'a jamais élu de député de l'opposition..."
A Xai Xai, des observateurs estiment à 300.000 le nombre "d'électeurs fantômes" de la province.
Et ils s'étonnent que la CNE tarde à leur accorder leur accréditation pour le jour du scrutin. "On est les premiers à avoir parlé du nombre extravagant d'électeurs inscrits", glisse l'un d'eux sous couvert d'anonymat, "alors ils font tout pour nous écarter du processus".
Sur le terrain, les candidats du régime, eux, font mine de s'étonner des accusations qui visent leur parti.
Casquette rouge Frelimo enfoncée sur la tête, Raimondo Savenca explique à une électrice de Xai Xai où mettre sa croix sur le bulletin de vote. Les fraudes ou le meurtre de l'observateur sont le cadet de ses soucis.
"Je n'ai rien à dire sur les irrégularités, ni même au sujet de la mort d'Anastasio. Je n'ai rien à dire", répète-t-il, "je ne suis pas la bonne personne pour parler de ça".
Son porte-parle national est plus bavard. "L'opposition dénonce des problèmes juste pour gagner la sympathie car elle n'a pas de programme", se défend Caifadine Manasse, "il y aura toujours des opportunistes pour créer le désordre et en attribuer la faute au Frelimo et à la police".
L'ami d'Anastacio Matavela et sa famille attendent, eux, d'autres explications.
"Il formait ceux qui devaient observer le processus électoral que vous voulons juste, libre et transparent. Il ne défendait que ça", rappelle Filipe Mahanjane. "Alors nous voulons savoir qui est responsable de ce crime".
Son meurtre a conclu une campagne électorale où les incidents violents se sont multipliés, témoins des vives tensions politiques qui crispent le pays.
"Ce jour-là, Anastacio organisait une formation pour les observateurs qui voulaient suivre le processus électoral (...) Il a fait le discours d'ouverture et puis il a dû partir pour le centre-ville", raconte son ami Filipe Mahanjane.
"Il était seul dans la voiture, personne n'a vu ce qui s'est passé. On sait juste qu'il s'est fait tirer dessus et qu'il a été conduit à l'hôpital", poursuit-il devant le véhicule, garé devant la maison de la victime. "Il n'a pas survécu".
L'assassinat sans témoin d'Anastacio Matavela aurait dû rester impuni. Mais la voiture des tueurs présumés en fuite a violemment percuté un autre véhicule.
Deux de ses occupants ont trouvé la mort, deux autres ont été blessés, un cinquième a pris la fuite. Les témoins ont eu vite fait de les reconnaître. Des policiers, membres d'une unité locale d'intervention.
La direction nationale de la police n'a eu d'autre choix que de reconnaître l'identité de ses agents, de suspendre deux officiers et d'ordonner une enquête. En attendant ses résultats, elle se refuse à tout autre commentaire.
Mais pour le candidat local de la Résistance nationale du Mozambique (Renamo), le principal parti d'opposition du pays, le crime est signé. "Ce gars travaillait pour que l'élection soit transparente", lâche comme une évidence Mouzinho Gama Gundurujo, "alors ils l'ont tué".
"Ils", c'est le régime du président sortant Filipe Nyusi et son parti du Front de libération du Mozambique (Frelimo).
Au pouvoir depuis l'indépendance du pays en 1975, ils entendent l'emporter une fois encore lors des scrutins présidentiel, législatifs et provinciaux du 15 octobre.
Particulièrement ici, dans leur bastion de la province de Gaza, à trois heures de route au nord de Maputo. Ici, la campagne a été âpre et émaillée de nombreux incidents. Menaces, intimidations, agressions...
"On sait que les escadrons de la mort existent et que la police mène des opérations spéciales pour faire taire les hommes politiques, les activistes. Elle sert de bras armé au parti au pouvoir", accuse Mouzinho Gundurujo.
"On sait surtout qu'une grosse fraude se prépare ici".
Le collectif d'ONG auquel appartenait Anastacio Matavela a révélé une série d'irrégularités troublantes dans les listes électorales de la province de Gaza.
Le nombre d'inscrits y a plus que doublé en cinq ans, passant de 591.000 à près de 1,2 million. De très loin la plus forte hausse de tout le pays.
La société civile s'est émue de cette étonnante vitalité démographique, le chef de l'Institut de la statistique aussi. Mais la Commission électorale (CNE) a confirmé ses calculs et fait passer en conséquence le nombre de sièges de députés à pourvoir à Gaza de 14 à 22.
"Il n'y a pas d'explication scientifique", s'amuse Ericino de Salema, avocat à l'Institut électoral pour une démocratie durable en Afrique. Mais une justification politique, peut-être. "Gaza est la seule province du pays qui n'a jamais élu de député de l'opposition..."
A Xai Xai, des observateurs estiment à 300.000 le nombre "d'électeurs fantômes" de la province.
Et ils s'étonnent que la CNE tarde à leur accorder leur accréditation pour le jour du scrutin. "On est les premiers à avoir parlé du nombre extravagant d'électeurs inscrits", glisse l'un d'eux sous couvert d'anonymat, "alors ils font tout pour nous écarter du processus".
Sur le terrain, les candidats du régime, eux, font mine de s'étonner des accusations qui visent leur parti.
Casquette rouge Frelimo enfoncée sur la tête, Raimondo Savenca explique à une électrice de Xai Xai où mettre sa croix sur le bulletin de vote. Les fraudes ou le meurtre de l'observateur sont le cadet de ses soucis.
"Je n'ai rien à dire sur les irrégularités, ni même au sujet de la mort d'Anastasio. Je n'ai rien à dire", répète-t-il, "je ne suis pas la bonne personne pour parler de ça".
Son porte-parle national est plus bavard. "L'opposition dénonce des problèmes juste pour gagner la sympathie car elle n'a pas de programme", se défend Caifadine Manasse, "il y aura toujours des opportunistes pour créer le désordre et en attribuer la faute au Frelimo et à la police".
L'ami d'Anastacio Matavela et sa famille attendent, eux, d'autres explications.
"Il formait ceux qui devaient observer le processus électoral que vous voulons juste, libre et transparent. Il ne défendait que ça", rappelle Filipe Mahanjane. "Alors nous voulons savoir qui est responsable de ce crime".